Réputée plus chère, l'énergie produite par des sources d'énergie renouvelable ne l'est pas forcément. Les écarts de prix de l'électricité verte peuvent en revanche être très importants, d'un fournisseur à l'autre. Est-ce justifié ?
Un sur quatre : 12 ans après l'ouverture complète à la concurrence du marché de l'électricité, 25% des foyers (plus de 8 millions au total) ont opté pour une « offre de marché », alternative aux tarifs réglementés de vente de l'électricité (TRV) proposés par l'opérateur historique, EDF (1). Cela peut paraître peu, mais le mouvement s'accélère. Qu'est-ce qui motive ceux qui quittent les tarifs réglementés ? Deux raisons principalement. Obtenir un meilleur prix. Et accéder à une électricité plus verte, produite par des sources d'énergie renouvelable (éolien, solaire, hydraulique, etc.).
L'idéal, bien sûr, est de coupler les deux. D'obtenir le beurre et l'argent du beurre. Mais est-ce possible ? Un coup d'œil à l'Observatoire des marchés de détail, publié chaque trimestre par la Commission de régulation de l'énergie (CRE), permet de répondre par l'affirmative.
Selon les relevés effectués au 30 juin 2019 par le comparateur officiel du médiateur de l'énergie (energie-info.fr), le coût annuel de l'essentiel des offres vertes à prix variable est inférieur à celui du tarif réglementé d'EDF, sur lesquels elles sont par ailleurs souvent indexées : jusqu'à -9% pour la moins chère en tarif Base et jusqu'à -13% en tarif Heures pleines / Heures creuses (HP/HC). Des réductions comparables à celles affichées par les offres traditionnelles (2).
Ce qui frappe en revanche avec les offres vertes, ce sont les différences de prix. En HP/HC, l'écart entre l'offre la moins chère (E. Leclerc, 1 290 euros annuels) et la plus chère (Enercoop, 1 737 euros) est ainsi de 447 euros, soit 35%. Comment expliquer un tel gouffre ? Pour le comprendre, il faut observer d'un peu plus près la nature de ces offres.
Offres vertes : de quoi parle-t-on ?
Rappel : le fait de souscrire une offre verte ne signifie pas que les électrons qui arrivent chez vous ont tous été produits par une source d'énergie renouvelable. Tous les foyers français sont en effet raccordés au même réseau électrique national, géré par Enedis, et s'alimentent donc à un pot commun, dont plus de 70% reste d'origine nucléaire.
Dans le cas des offres vertes, le fournisseur s'engage en revanche à compenser l'intégralité de votre consommation par des achats d'électricité issue de sources renouvelables. Comment en attester ? En affichant des garanties d'origine (GO), sorte de label officiel européen permettant de flécher l'électricité verte.
Ce sont ces GO qui expliquent que l'électricité verte est mécaniquement un peu plus chère à l'achat pour les fournisseurs. Elles ont en effet une valeur en soi, indépendante du prix de l'électricité. Cette valeur est toutefois assez faible : « entre 30 et 50 centimes le mégawatt-heure (MWh), si l'on en croit une récente mise aux enchères », explique Brice Arnaud, ingénieur à l'Ademe (3). Soit 1%, à peine, du prix de vente total. Un petit revenu supplémentaire pour le producteur vert, qui l'aide surtout à entretenir ses installations, mais ne suffit pas à lui permettre d'en financer de nouvelles.
Là où ça se complique, c'est que la réglementation actuelle autorise la déconnexion entre l'achat d'électricité renouvelable et celui de sa garantie d'origine. Résultat : un fournisseur peut d'un côté acheter l'électricité la moins chère possible - généralement de l'électricité « grise » nucléaire vendue à bas coût par EDF -, et de l'autre les garanties d'origines les moins chères possibles, par exemple en Scandinavie où l'électricité est presqu'intégralement d'origine renouvelable. Les GO scandinaves permettent de repeindre en vert l'électricité « grise » produite dans les centrales nucléaires françaises et de la vendre à moindre coût. C'est légal, mais ça ne permet pas, évidemment, de faire avancer la cause du renouvelable dans notre pays.
C'est même plutôt le contraire : « Que l'énergie nucléaire soit vendue moins cher par EDF que les autres énergies, ce n'est pas une bonne logique », assène Rémy Companyo, co-fondateur d'Ilek. Depuis 2011, l'opérateur historique a l'obligation de revendre aux fournisseurs alternatifs une partie de la production de ses centrales nucléaires à un tarif régulé particulièrement avantageux, dont certains estiment qu'il n'est pas représentatif du coût global réel de l'électricité nucléaire.
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Le choix du circuit court
Ces pratiques trompeuses, heureusement, ne sont pas généralisées. Certains fournisseurs ont fait un autre choix : celui d'acheter leur électricité verte, et les GO qui vont avec, en « circuit court », c'est-à-dire directement auprès du producteur, sans passer par les marchés de gros. Une « simultanéité » qui permet de distinguer les offres standards des offres vraiment vertes. Ces dernières sont rares. L'ONG Greenpeace, qui publie un « guide de l'électricité verte » faisant référence, en distingue trois seulement en France : celles d'Energie d'Ici, d'Enercoop et d'Ilek.
Vincent MIGNOT
Après une maîtrise d’Histoire puis une maîtrise en Sciences de l’information et de la communication, Vincent MIGNOT devient journaliste en... Lire la suite
© MoneyVox / VM / Octobre 2019