Plusieurs organisations non gouvernementales ont dit jeudi à Paris ne plus vraiment croire à un accord rapide entre Européens sur une taxe sur les transactions financières (TTF) ambitieuse, et rendu la France responsable de l'impasse.

« Les conditions ne sont pas réunies pour un accord la semaine prochaine », lors d'une rencontre le 9 décembre des ministres de l'Economie et des Finances de l'Union européenne, a estimé Khalil Elouardighi (Coalition Plus), se faisant le porte-parole d'une plate-forme de plusieurs ONG (Aides, Oxfam France, One, Attac, Coalition Plus), lors d'une rencontre avec la presse. « Le principal responsable est la France », a-t-il asséné.

Le ministre des Finances français Michel Sapin s'active pourtant pour que les Européens trouvent la semaine prochaine un accord sur une première étape, faisant valoir qu'il vaut mieux une taxe réduite au départ que pas de taxe du tout.

Une « taxe au rabais » voulue par Paris

Les négociations durent depuis janvier 2013 entre onze pays européens pour introduire une telle taxe, qui faisait partie des promesses de campagne du président François Hollande.

Pour les ONG, si la France fait pression pour conclure au plus vite, c'est en réalité pour imposer sa version d'une « taxe au rabais », là où notamment l'Allemagne et l'Autriche voudraient aller plus loin. Pour Khalil Elouardighi, Paris essaie de « photocopier au niveau européen » la taxe sur les transactions « minuscule » déjà en vigueur en France. Cette taxe française rapporte peu (600 millions d'euros par an au lieu de 1,6 milliard espérés au départ) et épargne les échanges très spéculatifs, qui se déroulent en une seule journée (trading « intra-day ») voire en une minute (trading « à haute fréquence »).

Au niveau européen, Michel Sapin propose de taxer les actions cotées et certains CDS, ces contrats d'assurance contre le défaut de paiement d'une valeur accusés de provoquer des effets « boule de neige » en cas de crise financière. Mais il laisse de côté, dans un premier temps, la quasi-totalité des produits financiers dérivés (contrats et options), souvent jugés porteurs d'instabilité financière.

« Protéger les intérêts du secteur financier français »

Alexandre Naulot, de l'ONG Oxfam, juge que la France s'emploie à « détricoter » la TTF, afin de « protéger les intérêts du secteur financier français ». « Les quatre plus grandes banques françaises détiennent 20% des encours de dérivés dans le monde, c'est considérable », a estimé Jean-Michel Naulot, ancien banquier et ancien membre de l'Autorité des marchés financiers (AMF).

Les ONG suivent de près l'évolution des négociations, car une partie du produit de la taxe est censée être affectée à l'aide au développement et à la lutte contre les pandémies.