Un rapport remis au Sénat mercredi sur le commerce électronique évalue à un milliard d'euros le manque à gagner en matière de TVA pour l'Etat français en 2014. Les entreprises du secteur déclarent l'essentiel de leurs revenus dans les pays européens où la fiscalité est plus avantageuse.

Selon ce rapport établi par le cabinet d'études Greenwich, quelque 400 millions d'euros ont ainsi échappé à l'Etat en 2008. En 2014, le manque à gagner fiscal pourrait atteindre un milliard d'euros, dont 400 millions à cause des jeux en ligne, désormais ouverts à la concurrence.

Un manque à gagner qui s'explique par le « dumping fiscal » entre les pays européens, selon le sénateur (NC) Jean Arthuis, qui préside la commission des finances du Sénat.

« On voit avec cette économie numérique à quel point elle avive le dumping fiscal entre pays. La situation du Luxembourg, qui propose une TVA de 15% sur les services immatériels (contre 19,6% en France, ndlr), est de ce point de vue profondément choquante », estime-t-il dans un entretien à La Tribune. « Si on n'y prête pas attention, la matière fiscale, qui est déjà très volatile, risque de nous échapper totalement », ajoute le sénateur, précisant que cela s'applique également à l'impôt sur les sociétés.

Croissance de 12% prévue en 2009

Pour illustrer l'optimisation fiscale à laquelle se livrent les entreprises du secteur, l'étude cite le cas du magasin en ligne Amazon. Amazon Europe réalise aujourd'hui un chiffre d'affaires de 930 millions en France, mais n'y déclare que 25 millions de chiffre d'affaires, « au titre de prestations de services logistiques, rémunérées par la holding luxembourgeoise ». Soit une perte de recettes de TVA de l'ordre de 100 millions d'euros, selon ce rapport.

Une situation d'autant plus dommageable que le commerce électronique, s'il ne pèse aujourd'hui que 3,4% dans l'ensemble du commerce français, affiche une croissance très soutenue (40% en moyenne depuis 2002) et devrait, malgré la conjoncture économique, croître de 12% en 2009, d'après cette étude.

Le rapport note toutefois que les règles sur la fiscalité du e-commerce vont changer en 2015 puisque « la TVA du pays de consommation sera alors appliquée, réduisant significativement les pratiques déloyales exposées ».

« Paradis fiscaux numériques »

Pierre Kosciusko-Morizet, président du site de vente en ligne PriceMinister, s'est réjoui mercredi que ce rapport conduise à une « prise de conscience officielle » que le secteur du commerce en ligne est touché par « l'évasion fiscale », qui désavantage « les bons élèves qui paient leurs impôts en France ».

Mais une nouvelle taxe ne ferait que les pénaliser davantage, prévient M. Kosciusko-Morizet. Il plaide pour une harmonisation fiscale européenne qui mette fin à ces « paradis fiscaux numériques » où la TVA est non seulement plus basse qu'en France mais, selon lui, « négociée à la baisse », autour de 5%, par les entreprises qui s'y installent.