Commentaires sur l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 21 septembre 2018
(Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 6, 21 septembre 2018, n° 16/22042)
C'est la rentrée, la Cour d'appel de Paris innove...
C'est le deuxième arrêt ce mois-ci qui adopte un tout nouveau rédactionnel dans les motivations de son jugement :
« Il en résulte une différence, sur le montant total de l’échéance mensuelle due au 5 novembre 2010, de 21,77 euros ( 1 589,77 - 1 568 euros).
Si M. X n’a donc pu valablement consentir, en l’espèce, au mode de calcul de l’intérêt conventionnel sur la base de l’année dite lombarde, celui-ci se distingue toutefois de l’énonciation elle-même du taux de l’intérêt conventionnel qui doit être fixé par écrit selon l’alinéa 2 de l’article 1907 du code civil et dont seul le défaut, ou ce qui lui est assimilé, ce qui n’est pas le cas du mode de calcul, est sanctionné par la nullité de la stipulation d’intérêts.
Par conséquent, le prêteur est tenu de restituer les intérêts trop perçus, sans substitution du taux d’intérêt légal au taux d’intérêt contractuel régulièrement fixé par écrit, soit la somme de 21,77 euros. »
C'est-à-dire que les magistrats reconnaissent l'existence du diviseur 360 prohibé, admettent que la première échéance a été incorrectement calculée, ce qui a généré la perception d'un montant indu d'intérêts de la part de la banque, reconnaissent explicitement que l'emprunteur n'avait pas consenti à un tel mode de calcul, et pourtant jugent sur les fondements du droit de la responsabilité au lieu de statuer selon le droit des obligations.
La Cour semble interpréter curieusement l'article 1907 du Code civil, qui nous dit que l'intérêt conventionnel (contractuel) doit être fixé pour écrit. La Cour relève ici qu'il est correctement mentionné, donc qu'en substance tout est conforme, et qu'il n'y a pas lieu de prononcer la nullité de la stipulation d'intérêt.
Or, la simple erreur sur la première échéance, avec l’incidence que l’on connaît sur les échéances suivantes, vicie l’ensemble du tableau d’amortissement et témoigne que l’intérêt conventionnel n’a pas été correctement appliqué, d’où sa nullité.
À mon avis, et j’aimerais bien que d’éminents juristes m’apportent leur lumière, j’ai le sentiment que le raisonnement des magistrats pourrait provenir du fait de la présence de la fameuse « clause », qui en quelque sorte avertit l’emprunteur de la méthode de calcul de la banque : selon l’adage un emprunteur averti en vaut deux.
Que se serait-il passé s’il n’y avait pas eu la clause ? C’est-à-dire si notre brave emprunteur avait souscrit, en toute bonne logique, du moins le pensait-il, un crédit calculé selon une année civile de 365 jours ou 366 jours les années bissextiles. En d’autres termes s’il n’avait consenti qu’à ce seul et unique mode de calcul, et pas à ce que sa banque utilise un diviseur 360, qu’elle lui “barbote“ des intérêts indus sur la première échéance (et mathématiquement sur les autres échéances) et lui demande d’offrir les intérêts des années bissextiles.
En ce cas, je vois mal une Cour d’appel constater un défaut de consentement (comme tel est le cas ici, mais rappelons-nous, il y avait la clause), et ne pas en tirer les conséquences légales, constamment rappelées par la Cour de cassation, qui en l’absence de consentement au coût global du crédit nous explique que la seule sanction consiste en la nullité de la clause d’intérêt (et rien d’autre, et encore moins la restitution d’une misérable obole selon le préjudice subi).
On le disait plus haut, dans ce fil de discussion : le contrat fait loi entre les parties. La banque doit correctement informer l’emprunteur. A priori, dans cet arrêt, les magistrats ont dû considérer que c’était le cas (du fait de la présence de la clause).
MAIS QUE SE SERAIT-IL PASSÉ S’IL N’Y AVAIT PAS EU LA CLAUSE ?
Je pense qu’un débat ouvert sur cette réflexion nous amènerait à y voir plus clair sur le raisonnement adopté par la Cour d’appel de Paris.
Avis aux amateurs éclairés…
Bien à vous.
Chercheur de Jurisprudences