Je reviens sur la volée de bois vert qui a accueilli les échanges récents entre Aristide, Latin Grec, Agra07 et quelques autres sur le gain procuré aux banques par l’année lombarde appliquée à l’échéance brisée. Loin d’être des diatribes stériles et destinées à « noyer le poisson », ces échanges sont parmi les plus utiles que j’aie lus sur ce forum pour la défense des emprunteurs.
J’ai été frappé par l’arrêt de la cour d’appel de Toulouse (17 septembre 2018, n° 18/01434), diffusé par Jurisprudence, déboutant l’emprunteur au motif qu’il ne démontrait pas que l’incidence minime de l'usage du diviseur 360 sur les intérêts inclus dans la première échéance était de nature à altérer d’une décimale le taux pratiqué. Cette jurisprudence pourrait se répandre.
Or l’emprunteur ne pourra pratiquement jamais prouver que cette pratique impacte même la dernière décimale du taux annoncé, qui se limite en général à 2 voire 3 décimales. Pour reprendre l’exemple d’Aristide : 200000 € à 2,00 % sur 300 mois, 1ere mensualité 45 jours après le déblocage des fonds : 1014,38 € (avec majoration lombarde 2,28 €) suivie de 299 x 847,71 €, l’équation « réglementaire » de l’annexe au décret du 10 juin 2002 (exemple 5 bis), qui est la suivante :
200000*((1+TM)^(15/30,4166667)) = (1014,38*(1+TM)^-1) + 847,71*(1-(1+TM)^-299)/TM*(1+TM)^-1
dénoncera en effet un taux mensuel TM de 0,0016667531 et un taux annuel est de 2,0001037013 % ; seule la 4éme décimale est donc impactée, comme l’avait relevé Latin Grec.
L’analyse de la cour d’appel de Toulouse est cohérente si l’on s’en tient à un niveau purement individuel. Mais elle est en fait très critiquable : la cour oublie que le juge n'est pas seulement chargé de trancher un litige, il doit aussi « assurer la régulation des pratiques, au-delà des intérêts particuliers en cause, comme le ferait une autorité de régulation » (B. Maumond, Semaine Juridique Entreprise et Affaires n° 21, 24 mai 2018, 1260). Si, devant le tribunal, on appuie cette règle fondamentale par la démonstration d’Aristide (reproduite ci—dessous), dont il ressort que si on laissait les banques généraliser l’année lombarde pour l’échéance brisée, elles s’approprieraient chaque année indûment 4.104.000 €, on a des chances d’obtenir l’annulation complète de la convention d’intérêt.
Rappel de la démonstration d'Aristide : si l’on reprend mon calcul sur un crédit de 200.000€ dans la page antérieure avec un surcoût de 2,28€ dû au calcul « lombard » :
=> 30 Mds x 12 = 360 milliards de nouveaux crédits (= nouvelles « mises en force » suivant le jargon approprié) pour un an.
=> 360.000.000.000 / 200.000 = 1.800.000 nouveaux prêts mis à disposition pour un an.
=> Si 100% étaient avec une première échéance majorée de 15 jours avec les intérêts calculés illégalement en « exact/360 » avec - donc - un surcoût unitaire de 2,28€
=> Le gain illégal des banques serait de 2,28€ x 1.800.000 = 4.104.000€ pour une année