Si le ministre de l'Economie et des Finances, Bruno Le Maire, a menacé le secteur de l'assurance pour obtenir des garanties sur un soutien plus prononcé au secteur de la restauration et de l'hôtellerie, les associations de consommateurs et des élus de la majorité demandent avec insistance un geste vers les particuliers.

L'ultimatum posé par Bruno Le Maire aux assureurs ce mercredi, exigeant le gel des primes d'assurance pour le secteur de l'hôtellerie-restauration, semble porter ses fruits. Illustration avec la Mutuelle de Poitiers assurances (MDPA) qui a annoncé ce vendredi une ristourne de cotisations 2020 à tous ses sociétaires particuliers et professionnels de 2% pour tous leurs contrats, ainsi qu'un gel des tarifs d'assurance multirisque professionnelle pour le secteur de l'hôtellerie, des cafés et de la restauration en 2021.

Mais Bruno Le Maire attend une réponse collective du secteur de l’assurance pour lundi midi, faute de quoi le gouvernement soutiendra un amendement du Sénat demandant une contribution exceptionnelle de plus d’un milliard d’euros.

Les compagnies d'assurance sont accusées depuis le début de la crise sanitaire de ne pas en faire assez. Et des dizaines de contentieux entre restaurants et assureurs sur l'indemnisation des pertes d'exploitation, qui sont rarement couvertes, ont été portées devant les tribunaux.

Selon nos informations, le secteur de l’assurance a pris très au sérieux la menace. « On sent que de grandes manœuvres ont lieu mais pour l'instant aucune fumée n'est encore sortie du conclave », nous confie un acteur du secteur. Selon lui, le ratio sinistre/prime est très favorable en 2020 pour les compagnies. D'après un collaborateur du ministère, un vrai geste est attendu, probablement plus large que le simple secteur de l'hôtellerie-restauration.

« Ne pas oublier les particuliers »

Un constat partagé depuis le mois de mars par les associations de défense des consommateurs. « Chaque année, les assureurs justifient les augmentations par la hausse de leurs frais mais cette année, la sinistralité est en baisse notamment en auto, explique le juriste de la CLCV Olivier Gayraud à MoneyVox. Nous saluons la demande de Bruno Le Maire mais le secteur de l’assurance se grandirait à ne pas oublier les particuliers en répercutant leurs gains sur l’ensemble des assurés, sur le principe fondateur de mutualisation du risque. Et si la décision n’est pas générale, on peut imaginer un audit, compagnie par compagnie ».

Assurance auto et habitation : qui va faire grimper ses tarifs en 2021 ?

« On ne peut pas se permettre d’arriver lundi sans réponse. On ne peut pas prendre le risque d’humilier le ministre, ni d’écoper d’une nouvelle taxe », convient un membre de la Fédération française de l'assurance (FFA) à L'Argus de l’assurance. « S'il s'agit de geler les tarifs l'année prochaine, c'est quelque chose de tout à fait envisageable », a d'ailleurs déclaré mercredi soir, sur RTL, le patron d’Axa. « Ce n'est pas compliqué pour le secteur mutualiste de s'engager dans des gels de primes », a renchérit Thierry Martel, le patron de Groupama et par ailleurs représentant des assureurs mutualistes au sein de la FFA.

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Globalement, l’image du secteur est dégradée depuis les gains réalisés lors du premier confinement mais le cabinet spécialisé Facts & Figures rappelle dans une étude publiée le 17 septembre que trois assureurs mutualistes (Maif, Matmut et GMF) ont opéré une redistribution des bénéfices réalisés entre mars et mai à leurs assurés auto. Le comparateur Assurland s'attend ainsi, d'après un communiqué diffusé cette semaine, à un gel des cotisations dans les secteurs de l'assurance multirisques habitation et de l'auto pour 2021.

Voir aussi le comparatif des tarifs d'assurance auto

Une tribune des députés LREM et MoDem

Pour accentuer la pression sur les compagnies d’assurance, 45 députés de la majorité ont publié un texte accusant les assureurs de ne pas en faire assez, pour les professionnels comme pour les particuliers. Portée par les élus Pascale Fontenel-Personne et Brahim Hammouche, cette tribune reproche aux compagnies d’assurance d’être « les grandes absentes de la solidarité économique ». Une affirmation qui n'est que partiellement vraie : depuis le mois de mars, le secteur de l'assurance a déployé diverses mesures de soutien à l'économie, qui vont d'une contribution de 400  millions d'euros au fonds public de soutien aux PME à un programme d'investissement de plus d'un milliard d'euros, en passant par diverses initiatives prises individuellement par les compagnies.

« Cela fait huit mois que nous le leur demandons, huit mois que nous négocions et huit mois qu’aucun effort significatif n’est fait. Comment est-ce possible de laisser leurs assurés dans une telle situation ? C’est un non sens pour le métier d’assureur d’être aux abonnés absents en pleine crise », regrette cependant la députée LREM Catherine Fabre à Sud-Ouest. Comme l'a souligné Bruno Le Maire, ce sont les députés qui, in fine, valideront ou non l'amendement porté par les sénateurs. Le ministre s'est proposé d'intervenir en leur faveur s'il obtient satisfaction. Ce texte plutôt virulent prouve qu'il reste du chemin à faire : les compagnies d'assurances sont attendues de pied ferme à Bercy et au palais Bourbon lundi.