La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) a suggéré mercredi que les nouveaux ministres fassent connaître très tôt leurs éventuels conflits d'intérêts en raison notamment de leurs fonctions passées, pour ne pas « nuire à l'action gouvernementale ».

Les membres du gouvernement ont actuellement deux mois suivant leur nomination pour déposer déclarations d'intérêts et de patrimoine auprès de cette autorité indépendante qui les contrôle.

En raison d'un ancien poste, de l'emploi du conjoint ou encore d'engagements personnels, un ministre peut devoir déléguer à un autre ou à la Première ministre certaines de ses attributions. Seize membres du gouvernement sont concernés actuellement, dont Marlène Schiappa en dernier lieu, en raison des fonctions de son compagnon, président de la mutuelle MGEN.

Certains ministres des gouvernements d'Élisabeth Borne ont contacté dès leurs premiers jours la HATVP et « ont pu identifier plus rapidement les situations à risques, déposer leur déclaration dans un délai plus court et adopter de leur propre initiative des mesures de déport », en s'écartant de certaines décisions, relève la Haute Autorité dans son rapport annuel 2022.

Vers une obligation de transmission d'un questionnaire ?

Elle propose de généraliser la pratique, ce qui nécessiterait une circulaire de Matignon pour prévoir une obligation de transmission d'un « questionnaire de prévention des conflits d'intérêts, dans un délai d'une semaine suivant la nomination ». Le délai de deux mois pour une déclaration complète demeurerait.

Le chef de l'Etat peut déjà tester des noms de ministres auprès du président de la HATVP Didier Migaud, qui dispose des déclarations d'intérêts ou de patrimoine de près de 18 000 élus et responsables publics, incluant notamment les activités professionnelles passées ou présentes, les participations à des organes dirigeants et la profession du conjoint.

En 2022, la Haute Autorité a transmis 51 dossiers à la justice, dont 41 pour non-dépôt de déclaration et dix pour des manquements à la probité ou dans la déclaration.

Sur ces dix, sont concernés principalement des élus locaux ainsi que l'ex-ministre déléguée aux Collectivités territoriales Caroline Cayeux, pour suspicion d'évaluation mensongère de patrimoine. Une enquête préliminaire la visant a été ouverte en décembre pour blanchiment de fraude fiscale notamment.

Contre les non-dépôts de déclaration, la HATVP réclame depuis plusieurs années de pouvoir infliger des amendes, « pour que ce soit plus dissuasif », a souligné son président devant la presse.

La Haute autorité est également chargée de vérifier les mobilités public-privé de 15.000 personnes, et elle gère un registre public des représentants d'intérêts. Créée par les lois post-Cahuzac sur la transparence de 2013, elle fêtera en octobre prochain ses dix ans.

« L'immense majorité des responsables publics exercent leur fonction avec probité », juge M. Migaud. Il pense que face au « fort sentiment de défiance qui subsiste » dans l'opinion, ils devraient « promouvoir, parler plus régulièrement de ces sujets », par exemple lors d'un débat annuel au Parlement.