Le Conseil d'administration (CA) de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) a voté jeudi une motion alertant sur un risque de « paralysie » de la sûreté nucléaire que poserait la suppression de l'institut prévue dans un projet gouvernemental de réorganisation, a-t-on appris vendredi auprès de l'intersyndicale.

« Le conseil d'administration alerte le gouvernement et appelle à la vigilance sur le risque de départs du personnel de l'IRSN pouvant entraîner une paralysie du système de contrôle en radioprotection et sûreté nucléaire », indique cette motion votée à une très large majorité (18 voix pour, 4 contre, 2 abstentions), selon l'intersyndicale de l'institut.

En pleine relance du nucléaire français, le gouvernement a annoncé le 8 février son intention de supprimer l'IRSN, vigie et expert du risque radiologique, pour « fluidifier les processus d'examen » : experts et scientifiques rejoindraient les équipes de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN, le gendarme du nucléaire civil) et du Commissariat à l'énergie atomique (CEA).

Une suppression qui pose question

Les syndicats redoutent la fin de la structure « duale » du système de sûreté français (ASN/IRSN), certains y voyant une manière de mettre au pas l'institut. Ils craignent également de voir partir au CEA la branche recherche de l'IRSN, qui alimentait l'expertise.

Le CA de l'IRSN compte 25 membres, dont une députée, un sénateur, dix représentants de l'Etat, cinq personnalités qualifiées nommées par décret et choisies en raison de leur compétence dans le domaine d'activité de l'Institut, et huit représentants élus des personnels de l'établissement.

Si cette motion a une « portée symbolique », au regard de la composition du CA, « cela veut dire que des représentants de l'Etat ont voté pour cette résolution », selon l'intersyndicale, qui y voit « une première reconnaissance de ce que nous défendons ».

Une « diaspora » des experts de l'IRSN « aurait pour conséquence de priver la France de sa capacité de recherche et d'expertise à un moment crucial marqué par les défis de l'allongement de la durée de vie des réacteurs existants et de la création de réacteurs de nouvelle génération », souligne la motion.

Le CA rappelle également au gouvernement dans cette motion le rôle de l'IRSN dans « la protection des travailleurs, de la population et de l'environnement contre les rayonnements ionisants avec un large spectre, la gestion de crise et des situations post-accidentelles, les usages de la radioactivité dans les domaines industriel, médical et militaire ».

Les syndicats entendaient faire part de leurs craintes à la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher, qui les a longuement reçus vendredi en fin de journée.

Ils lui ont redit leurs inquiétudes : « Nous ne souhaitons absolument pas que l'amendement et la réforme passent dans le projet de loi sur l'accélération nucléaire », a indiqué à l'AFP Philippe Bourachot, délégué syndical central CGT, à l'issue de la réunion avec la ministre. « Elle nous a écoutés », estime-t-il.

Si toutefois une réforme devait être menée, les syndicats ont réclamé au préalable un « diagnostic » approfondi, a ajouté Philippe Bourachot, s'exprimant au nom de l'intersyndicale.

« La ministre nous a dit qu'aucun schéma n'était arrêté », a-t-il souligné. « Le schéma qui était dessiné jusqu'à maintenant, avec l'ASN qui prend l'expertise et le CEA la recherche, n'est pas du tout arrêté, loin s'en faut », selon lui.

Lundi, les syndicats prévoient de revenir un peu plus nombreux, afin de manifester non loin du ministère, avec les salariés en grève ce jour-là.