Dans une famille aimante et fonctionnelle, la question ne se pose pas : les membres s’apportent mutuellement de l’aide en cas de coup dur, parents comme enfants. En revanche, que se passe-t-il lorsqu’un père abandonne le navire et est absent de la vie de son fils ? L’enfant est-il tout de même tenu de régler les frais d’obsèques de son géniteur déserteur ? La réponse est non, d’après la Cour de cassation.

Cette question a été soulevée par le décès de Cédric, dont les funérailles ont été organisées par une entreprise de pompes funèbres, sur ordre du frère du défunt, Jacques. La société n’ayant pas été payée, elle a assigné ce dernier qui a alors appelé en garantie Nicolas, le fils de Cédric. L’oncle s’appuie sur plusieurs dispositions du Code civil, notamment l’obligation d’aliment des enfants envers leurs parents, et de paiement des frais funéraires, même par l’héritier qui aurait renoncé à une succession. Malgré ces arguments qui semblent solides, Jacques voit sa demande rejetée. Il se pourvoit alors en cassation.

Soutien parents-enfants : une obligation réciproque

La première chambre civile de la haute juridiction, dans un arrêt rendu le 31 mars 2021*, a confirmé la décision du tribunal d’instance et a, pour la dernière fois, débouté l’oncle mauvais payeur. Elle en a profité pour rappeler l’obligation alimentaire qui pèse sur un enfant : si un de ses parents ou grands-parents se retrouve dans le besoin, il a le devoir de lui apporter son aide. Cela peut être des versements d’argent, la préparation de repas ou un hébergement, par exemple.

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De plus, et même s’il renonce à la succession de son parent décédé, l’héritier est tenu de régler les frais d’obsèques. Ceci en fonction de ses moyens, bien entendu. De prime abord, cet argumentaire semble donner raison à l’oncle. Néanmoins, un point crucial réside dans l’article 207 du Code civil : ces obligations sont réciproques. Un parent doit donc également être là pour sa progéniture.

L’enfant abandonné déchargé de son obligation

Nicolas, pour ne pas payer les frais d’obsèques de son père, a fait valoir que ce dernier n’avait jamais fait partie de sa vie. En plus d’un désintérêt émotionnel total, Cédric n’a même pas participé à l’entretien et à l’éducation de son fils, notamment d’un point de vue financier. Autrement dit, le parent a ici failli à son devoir.

Il se trouve que l’article 207 précité, qui pose la réciprocité des obligations, fait également état d’une exception à cette règle. Ainsi, si le créancier, ici le père, a lui-même manqué à ses obligations envers le débiteur, ici son fils, le juge pourra alors décharger ce dernier de tout ou partie de la dette alimentaire. La Cour de cassation confirme donc l’avis des juges du fond, qui ont estimé que Nicolas est libéré de son obligation de régler les frais d’obsèques par l’absence émotionnelle et financière de son géniteur, faute de réciprocité.

*Arrêt n°265 du 31 mars 2021 (20-14.107), première chambre civile, Cour de cassation.