L'ancien député du Lot Jean Launay propose de taxer les opérateurs de télécommunications et de piocher directement dans le budget de l'Etat pour combler le déficit du service universel de La Poste, dans un rapport remis jeudi au ministre de l'Economie Bruno Le Maire.

Le service universel postal (les prestations de base, dont la levée et la distribution six jours sur sept), imposé par la loi, est déficitaire depuis 2018 et le trou s'est creusé à 1,32 milliard d'euros l'an dernier. Ce déficit est attribuable à l'effondrement des volumes du courrier transporté par La Poste, que l'essor des colis ne compense pas.

« En absence d'une réforme du service universel postal, son déficit annuel projeté à 2025 serait de l'ordre de 0,9 milliard d'euros », écrit Jean Launay dans son rapport publié vendredi. « C'est un point de non retour, en raison de l'attrition du courrier », a-t-il expliqué à l'AFP. « La loi dit que l'Etat doit compenser les missions de service public », a-t-il ajouté.

Faire des économies

Une telle compensation ne doit pas empêcher La Poste de faire des économies, ni de revoir le contenu-même du service universel, selon lui. « En raison de sa faible utilisation et de son coût élevé, la question de l'avenir du J+1 (livraison le lendemain, ndlr) doit être posée » pour limiter le déficit, note le rapporteur, faisant référence au « timbre rouge » particulièrement concurrencé par les échanges électroniques, que chaque ménage a utilisé 5 fois l'an dernier, contre 45 fois en 2008.

On pourrait envisager à la place « une modalité hybride, consistant à pouvoir adresser un courrier en format digital sur laposte.fr, qui sera rematérialisé dans la nuit par La Poste, et distribué dès le lendemain par le facteur ». Quand bien même les délais de livraison seraient revus, « le maintien d'une distribution du courrier et du colis six jours sur sept est un impératif », souligne Jean Launay, également soucieux de garder des tarifs « raisonnables ».

Exonérations et taxe supplémentaire

Jean Launay suggère d'exonérer les prestations du service postal universel de la taxe sur les salaires (270 millions), d'élargir la taxe sur les opérateurs de communication électronique (Toce) et de voter une « dotation budgétaire annuelle complémentaire ». « Les compensations attendues ne peuvent attendre », indique l'ancien député. Il envisage aussi une prise en charge du déficit de 2020, aggravé par la pandémie de Covid-19, « dès la prochaine loi de finances rectificative ».

En tout état de cause, l'argent apporté l'an dernier par la Caisse des Dépôts –devenu premier actionnaire de La Poste, avec l'apport de CNP Assurances– « ne doit pas être dilué dans la non-compensation des missions de service public », mais être utilisé « pour la diversification et pour le développement » de La poste, dit-il.

Jean Launay aborde aussi dans son rapport les trois autres missions de service public, l'accessibilité bancaire, le transport de la presse et l'aménagement du territoire, qui selon lui doivent aussi être compensées. Le ministère de l'Economie a répondu que des discussions auraient lieu et que Bruno Le Maire s'exprimerait sur le sujet dans les prochaines semaines.

Le rapport de Jean Launay « (rejoint) l'analyse de La Poste concernant l'attachement des Français et des élus aux missions de service public confiées à La Poste, le besoin d'adapter ces missions aux attentes des citoyens et la nécessité de leur juste compensation », a réagi le groupe public.