Entre le 17 mars et le 11 mai, le confinement de la population a entraîné un arrêt brutal de la vie économique. Une situation qui a eu des conséquences financières bien différentes selon les ménages. Une grande étude publiée par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) fait le point.

Le confinement n’a pas eu le même impact financier pour tout le monde. Loin de là. Si ce constat avait déjà été dressé, une étude très poussée de l’Insee (1), publiée ce mercredi, vient le confirmer. Cette vaste enquête, menée conjointement avec la Drees, l’Inserm et Santé Publique France, a permis d’interroger, entre le 2 mai et le 2 juin, 135 000 personnes âgées de 15 ans ou plus, résidant hors Ehpad, maisons de retraite et prisons, en France métropolitaine, en Martinique, en Guadeloupe et à la Réunion.

Il en ressort que 23% des ménages déclarent en mai que leur situation financière s’est dégradée depuis le début du confinement. Ce constat est d’autant plus marqué que leurs revenus étaient initialement faibles. Parmi les 10% de foyers les plus pauvres, 35% ressentent une détérioration de leur situation financière, une proportion deux fois plus forte que chez les 10% de ménages les plus aisés. Parmi les ménages qui ont constaté une dégradation, 42% jugent que « leur situation financière est juste et qu’il faut faire attention » (contre 34% pour l’ensemble de la population), 27% qu’elle est « difficile » (contre 11% pour l’ensemble de la population) et 7% qu’ ils « ne peuvent pas s’en sortir sans s’endetter » (2% pour tout le monde).

Les indépendants très touchés

Mais qui sont ces particuliers les plus touchés ? Contrairement aux retraités qui ont été préservés de la chute de l’activité économique, les artisans et les commerçants ont été les plus frappés. « Plus de la moitié des indépendants déclarent une dégradation de leur situation financière », signale l’Insee. Quant aux ouvriers, 37% indiquent une perte de revenus. Pour les autres, ces proportions se situent entre 25% pour les cadres et professions intellectuelles supérieures, qui incluent les professions libérales, et 30% pour les agriculteurs.

« Ces écarts observés entre catégories socio-professionnelles s’expliquent en partie par le fait que les mesures visant à maintenir l’emploi et les revenus ne sont pas accessibles à tous de la même façon. Le recours au travail à distance facilite la continuité de l’activité, ce qui explique que les salariés qui ont télétravaillé sont moins nombreux à déclarer une perte financière liée au confinement, même une fois tenu compte de leur situation financière initiale et de leur catégorie socioprofessionnelle », analysent les auteurs de l’étude. « En revanche, si le chômage partiel permet de maintenir la relation d’emploi, la rémunération peut baisser pour les salariés : si la rémunération en activité partielle ne pouvait être inférieure au Smic, le minimum garanti pendant le confinement correspondait à 84% du salaire net ».

Un chômage partiel à géométrie variable.

36% des personnes qui avaient un emploi avant le début du confinement disent être passées, totalement ou en partie, par le chômage technique ou partiel. « A l’intérieur des entreprises, certaines catégories d’emploi ont été plus directement touchées que d’autres. De fait, alors que 24% des ouvriers sont passés totalement au chômage partiel ou technique entre mi-mars et mai, cette proportion est de seulement 8% pour les cadres. Cet écart s’explique en partie par les possibilités différenciées de recours au travail à distance », souligne l’Insee.

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Autre constat : parmi l’ensemble des personnes interrogées, un tiers des ménages avec enfants ont constaté une dégradation de leur situation financière, contre 18% des ménages sans enfant. Logique selon l’Insee puisque la fermeture des écoles a contraint les parents à assurer la garde de leurs enfants, les obligeant pour certains à poser des arrêts de travail. Or ces derniers ont été rémunérés à partir du 1er mai, selon les modalités de l’activité partielle, ce qui peut se traduire par une perte de revenus. A cela, il faut ajouter la fermeture des cantines scolaires qui a pu entraîner des frais, les familles ayant dû prendre en charge ces repas, « sans bénéficier des subventions que constituent les tarifs sociaux », écrit l’Insee.

Les jeunes, victimes de la crise

Tous les salariés n’ont pas bénéficié des dispositifs de maintien dans l’emploi. Parmi les personnes qui avaient un travail au début du confinement, 3% l'ont perdu, du fait d’une fin de contrat ou d’un licenciement. Et les disparités sont marquées en fonction de l’âge. Ainsi, 9% des personnes en emploi avant le confinement âgées de 15 à 24 ans ont perdu leur emploi, contre moins de 2% des actifs de 40 ans à 65 ans.

« Etant les plus à risque d’occuper des emplois temporaires, les jeunes récemment entrés sur le marché du travail ont été les premières victimes de la chute brutale de l’activité économique. En effet, face à la baisse de l’activité et à l’incertitude sur leurs débouchés, les entreprises ont pu préférer ne pas pérenniser leur main d’œuvre temporaire (CDD ou intérim) ou réduire leurs embauches », souligne l’Insee.

Qui sont les gagnants ?

Dans cette enquête de l’Insee, deux tiers des personnes interrogées estiment que leur situation financière est restée stable durant le confinement. Ceux qui déclarent qu’elle s’est améliorée au mois de mai ne sont que 2%. Un chiffre a priori étonnant et qui méritera d’être affiné avec le temps. Une étude publiée lundi par le Conseil d'analyse économique indiquait que le surplus d’épargne accumulé par certains en raison du confinement avait été accaparé pour l’essentiel par 20% des ménages. Selon les chiffres du gouvernement, le bas de laine supplémentaire lié au coup d’arrêt de l’activité économique a permis aux Français de mettre 85 milliards d’euros de côté entre mars et septembre.

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(1) Insee Première, « Confinement : des conséquences économiques inégales selon les ménages », Octobre 2020