Le combat juridique a repris jeudi au procès du géant suisse UBS, jugé pour un vaste système de fraude fiscale, après le rejet par le tribunal des premiers recours de la défense.

La présidente de la 32e chambre correctionnelle a ouvert l'audience en annonçant le rejet des trois questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) posées lundi par le poids lourd de la gestion de fortune UBS AG et sa filiale française UBS France. Les débats ont ensuite repris avec l'examen des « exceptions de nullités », des recours visant non pas la conformité de la loi avec la Constitution, mais les actes de l'instruction et en particulier l'ordonnance de renvoi des prévenus devant le tribunal correctionnel (ORTC).

Le tribunal se prononcera lundi sur ces recours. S'il rejette ces derniers recours, il n'y aura plus d'obstacle à la tenue du procès. En revanche, si l'une de ces requêtes prospère, l'audience sera probablement repoussée sine die. Une incertitude plane donc encore sur la poursuite de ce procès, le premier en France pour une fraude d'une telle ampleur : plus de dix milliards d'euros d'avoirs non déclarés, une « chasse » illégale aux riches clients français et une caution record d'1,1 milliard imposé à UBS AG.

« Blanchiment aggravé de fraude fiscale »

La maison-mère comparaît pour « démarchage bancaire illégal » et « blanchiment aggravé de fraude fiscale », sa filiale française pour « complicité » des mêmes délits. Sont également jugés six hauts responsables de la banque en France et en Suisse. La défense a dénoncé avec constance une « inégalité des armes », une enquête truffée d'actes illégaux et des poursuites engagées sur base de données qu'elle n'a « jamais pu consulter », a tonné Me Chemla pour UBS AG.

Les avocats des banques ont demandé à purger l'ordonnance de renvoi de plusieurs pièces, notamment des documents fournis par la justice allemande ou un témoignage anonyme d'un ex-cadre d'UBS à Lausanne qui serait « un repris de justice, condamné pour détournements de fonds ».

Le problème le plus épineux a surgi avec le cas de Patrick de Fayet, ex-numéro 2 d'UBS France, qui a reconnu pendant l'enquête sa culpabilité pour complicité de démarchage illicite mais dont la procédure de plaider coupable n'a finalement pas été homologuée. « Ou bien la lettre (de reconnaissance de culpabilité) de M. de Fayet disparaît du dossier et nous n'en parlons plus jamais »... « ou bien il faudrait pouvoir interroger Patrick de Fayet en détail, de manière contradictoire », a plaidé Eric Dezeuze, avocat d'UBS France.

Une « difficulté inédite »

Le procureur Serge Roques a reconnu une « difficulté inédite » : « le législateur n'a pas envisagé toutes les conséquences d'un refus d'homologation », a-t-il constaté. « Je ne crois pas qu'on devrait évoquer cette procédure qui n'a pas été homologuée mais je ne vois pas comment on pourrait l'écarter », a-t-il dit.

Jusqu'à la veille du procès, prévu jusqu'au 15 novembre, la banque suisse a tenté de s'opposer aux poursuites. L'enjeu est immense pour UBS, qui encourt une amende pouvant se monter « jusqu'à la moitié de la valeur ou des fonds sur lesquels ont porté les opérations de blanchiment », selon le code pénal.

Pour les juges d'instruction, entre 2004 et 2012, UBS a mis en place « pour ses clients résidents fiscaux français une série de services, procédés ou dispositifs destinés à dissimuler, placer ou convertir sciemment des fonds non déclarés » via notamment « des sociétés off-shores, des trusts ou des fondations ».