Faire sauter ou desserrer le « verrou de Bercy » sur les poursuites pour fraude fiscale ? Une mission de l'Assemblée planchera à partir de mardi sur ce sujet épineux « sans aucun a priori », a affirmé mercredi la rapporteure Emilie Cariou (LREM).

Le « verrou de Bercy » donne à l'administration fiscale le monopole des poursuites pénales, sur avis conforme de la commission des infractions fiscales. Sauf dans certains cas comme le blanchiment de fraude fiscale. Sur « un sujet au-delà des clivages politiques », Eric Diard (LR), président de la mission de 19 membres et avocat, a assuré qu'« il n'y a pas d'idée préconçue sur l'issue » des travaux, probablement « en avril », et glissé qu'il connaît « très bien Gérald Darmanin ».

« Nous partons sans aucun a priori » et « libres », a assuré Emilie Cariou, membre de la commission des Finances qui a travaillé dans le passé à Bercy, mais aussi à l'Autorité des marchés financiers. Elle a souligné la « volonté de tous les groupes de donner plus de marge de manœuvre aux juges sur les poursuites » tout en exprimant son souci de « ne pas fragiliser des procédures » judiciaires.

À ses yeux, « à un moment, un passage par la case Bercy pour le calcul de l'impôt » est nécessaire, et « très difficile pour un juge avec les moyens dont il dispose », mais il est possible d'« organiser beaucoup mieux la coopération justice-fisc ». L'offensive de six groupes, de la gauche de la gauche à LR en passant par le MoDem, pour ouvrir partiellement le « verrou de Bercy » avait échoué fin juillet avec le rejet d'amendements identiques, mais elle avait marqué une première faille dans la majorité. Une mission d'information commune aux commissions des Lois et Finances avait alors été annoncée.

Une « grande confusion » sur le « verrou »

Au menu des premières auditions : mardi, la procureure du parquet national financier Eliane Houlette et le directeur des affaires criminelles et des grâces Rémi Heitz. Et mercredi, le procureur général à la Cour de cassation Jean-Claude Marin. Les présidents des TGI de Marseille, de Paris, de Rennes seront entendus le 23 janvier, Charles Prats, vice-président du TGI de Paris, et Marc Elnouchi, président de la commission des infractions fiscales, le 24 janvier.

La rapporteure a insisté mercredi sur « une pédagogie de la transparence » vu la « grande confusion » sur le « verrou » et le manque de certaines données, comme sur les transactions fiscales que Bercy aurait dû transmettre au Parlement. La mission auditionnera aussi des représentants du fisc, syndicats, avocats fiscalistes, ONG, etc, et se penchera sur les pratiques des principaux pays partenaires, avec des déplacements en Allemagne et Angleterre et des informations des attachés fiscaux des ambassades.

La majorité, qui a soutenu une politique fiscale avec plus de « souplesse » pour « favoriser la reprise économique », se veut « intraitable contre la fraude et l'optimisation fiscales », avec des « outils multiples », selon Emilie Cariou. Si elle a plaidé pour « des changements législatifs » visant l'optimisation, elle a noté qu'« on ne peut pas dire que rien n'a été fait » en France sur l'évasion fiscale et évoqué les chantiers internationaux engagés par l'OCDE et l'UE, qui avancent « trop lentement » selon elle.