Selon Le Monde daté de mardi, des courriers, saisis lors de perquisitions, révèlent que le juge arbitre Pierre Estoup et l'avocat de Bernard Tapie, Me Maurice Lantourne, échangeaient dès 2006 pour trouver une solution favorable à l'homme d'affaires dans son litige avec le Crédit lyonnais.

Le quotidien fait état de deux courriers, adressés en septembre 2006 par Me Lantourne à Pierre Estoup, l'un des trois arbitres du tribunal arbitral qui a accordé, en juillet 2007, 403 millions d'euros à Bernard Tapie dans son litige avec le Lyonnais sur la vente Adidas. « Il paraît aujourd'hui opportun de mettre un terme à la liquidation judiciaire », écrivait notamment Me Lantourne à Estoup, lui assurant que « les fautes commises par le CDR (Consortium de Réalisation, chargé de liquider le passif du Lyonnais, ndlr) et le Crédit lyonnais sont extrêmement graves », selon les deux seuls extraits de ces lettres publiés par le quotidien.

Les deux hommes, mis en examen pour « escroquerie en bande organisée », ont toujours nié avoir eu des liens professionnels, en particulier sur l'affaire Tapie. Me Lantourne a uniquement reconnu avoir participé à trois arbitrages avec Pierre Estoup plusieurs années auparavant.

Lors d'une perquisition, les enquêteurs avaient toutefois déjà mis la main sur un courrier de Pierre Estoup à Me Lantourne sur l'arbitrage. L'arbitre précisait avoir supprimé du texte de compromis « tout ce qui pouvait ouvrir la voie à d'éventuels recours » et demandait à l'avocat de lui donner très rapidement son avis. Les enquêteurs soupçonnent aussi Me Lantourne d'avoir pu confier des missions, rémunérées, à Estoup, notamment dans d'autres affaires concernant Bernard Tapie. Ce dernier, ainsi que Me Lantourne, ont démenti.

Les magistrats s'interessent aussi à un autre arbitre, Me Jean-Denis Bredin, qui fût par ailleurs vice-président du Mouvement des radicaux de gauche (MRG) que représentera également Bernard Tapie dans les années 90. Selon le Monde, Me Lantourne lui avait écrit à plusieurs reprises sur l'affaire Tapie, dès 2006.

Des courriers à Hortefeux et Guéant

Par ailleurs, toujours selon le Monde, les enquêteurs ont saisi, lors d'une perquisition début juillet, des courriers envoyés dès 2004 par Bernard Tapie à plusieurs proches de Nicolas Sarkozy pour régler son litige avec le Lyonnais, notamment Brice Hortefeux et Claude Guéant. L'enquête avait déjà démontré que Tapie avait multiplié les rendez-vous avec l'ex-président et son entourage en 2007 et 2008. Anticipant sur le montant des sommes qui pourraient lui être versées, il demande aussi, dans d'autres courriers un traitement fiscal qui lui soit favorable.

Ces courriers « n'ont pas, d'après Me Lantourne, été envoyés », a réagi Tapie auprès de BFM TV, faisant valoir « qu'aucun de ces courriers n'a été retrouvé au cours des perquisitions chez ceux à qui ils étaient destinés ».

Comme son avocat, Bernard Tapie a été mis en examen pour « escroquerie en bande organisée » de même que l'ancien président du CDR Jean-François Rocchi, et que Stéphane Richard, l'ex-directeur de cabinet de l'ancienne ministre de l'Economie Christine Lagarde. La patronne du Fonds monétaire international (FMI) a échappé à une mise en examen, la Cour de justice de la République (CJR) l'ayant placée sous statut de témoin assisté.

Les juges qui soupçonnent que l'arbitrage a été truqué au profit de l'homme d'affaires de 70 ans s'interessent également au rôle de M. Guéant, qui a eu, selon M. Richard, un rôle prépondérant.