Sur fond de crise économique, François Hollande a ramené la gauche à l'Elysée en 2012, mais cette alternance sans état de grâce a vite pris les allures de la rigueur, pendant que l'UMP, orpheline de Nicolas Sarkozy, s'est déchirée sur les ambitions de ses chefs.

Au soir du 6 mai 2012, au bout d'une campagne à droite toute, le chef de l'Etat sortant n'a pas fait de miracle. Avec 48,3%, Nicolas Sarkozy s'est incliné face à François Hollande au terme d'une mission quasi-impossible : tenir le grand écart entre les électeurs de Marine Le Pen (17,9%, un record pour le FN) et ceux de François Bayrou (9,1%). Fait rare, aucun des huit candidats présents au 1er tour n'a appelé à voter pour lui, pas même l'ancien leader de l'UDF, qui choisit M. Hollande en fustigeant chez le président sortant une « obsession de l'immigration » et une « course-poursuite à l'extrême droite ».

Trois décennies après la première victoire de François Mitterrand, et dix ans après la dernière alternance, le PS revient à l'Elysée, sous les traits d'un socialiste modéré, homme de synthèse dans son parti, qui a jonglé entre l'engagement de revenir à l'équilibre budgétaire et des promesses de gauche (60.000 postes dans l'éducation, taxation des très riches à 75%, mariage homosexuel). Le tribun Jean-Luc Mélenchon, qui redonne des couleurs à la gauche radicale (11,1%) sans toucher à son but – dépasser Marine Le Pen – appelle à battre Nicolas Sarkozy, « sans rien demander en échange ».

Un mois plus tard, les législatives donnent au PS la majorité absolue à l'Assemblée nationale (314 sièges sur 577). Affaiblie, l'UMP ne s'écroule pas pour autant, avec 198 députés. Quant au FN, s'il a retrouvé tout son pouvoir de nuisance sur la droite, il n'envoie que deux députés à l'Assemblée nationale. Le parti d'extrême droite est néanmoins revenu à son plus haut niveau, derrière une dirigeante de 44 ans qui a su présenter un visage nouveau à son mouvement, en maintenant un projet tout aussi radical (préférence nationale, immigration zéro, sortie de l'euro et de l'UE).

la rigueur c'est maintenant

Dans un contexte de forte défiance des Français à l'égard de leur classe politique, il n'y aura pas d'état de grâce pour le président « normal ». Dès l'été, la popularité de François Hollande dégringole, sur fond de forte hausse du chômage. La barre symbolique des 3 millions de demandeurs d'emploi sans activité est franchie en septembre, une première depuis 1999. Symptôme d'une France en crise, le constructeur automobile PSA annonce en juillet un plan de 8.000 suppressions de postes et la fermeture de l'usine d'Aulnay.

Malmené dans les sondages, François Hollande tente de reprendre la main en fixant un agenda du redressement sur « deux ans » et l'inversion de la courbe du chômage d'ici la fin 2013. Mais le budget adopté par le Parlement est un effort de rigueur sans précédent qui s'élève à 30 milliards d'euros, dont les deux tiers en hausses d'impôts sur les ménages, même si les plus riches sont davantage ciblés, et les entreprises.

En novembre, le gouvernement, qui avait fait abroger la « TVA sociale » de Nicolas Sarkozy, opère même un spectaculaire revirement en annonçant une hausse de ce prélèvement pour 2014, afin de financer la compétitivité. Au total, ce sont 60 milliards d'euros d'économies sur les dépenses publiques qui sont annoncés pour le quinquennat. Au final, la campagne présidentielle promettait le changement, mais « ce qui frappe, c'est le choix d'une large continuité avec la politique menée précédemment, sur le plan économique, budgétaire et européen », souligne le politologue Philippe Braud (Sciences-Po).

Des dissensions sont également apparues auprès des alliés écologistes d'EELV, pourtant membres de la majorité gouvernementale, qui refusent d'adopter le traité européen et sa règle d'or budgétaire, synonyme d'« austérité à vie » à gauche de la gauche. Dernier épisode à Florange (Moselle), où l'imbroglio causé par le géant de l'acier ArcelorMittal risque de laisser des traces durables pour le gouvernement, qui a renoncé à nationaliser temporairement le site.

Tout était donc réuni pour que l'UMP reprenne des forces. Mais après une campagne devant les militants où tout droit d'inventaire du sarkozysme sera interdit, le 18 novembre commence un long feuilleton aux allures de psychodrame. Avec la présidentielle de 2017 en ligne de mire, la rivalité entre Jean-François Copé, chantre d'une « droite décomplexée » aux accents sarkozystes, et François Fillon, qui veut incarner une ligne plus modérée, atteint son paroxysme avec la scission du groupe UMP à l'Assemblée nationale.

Crise de popularité pour l'exécutif, crise de succession à l'UMP, l'année s'est terminée dans un climat de fortes turbulences politiques. Les grands partis peuvent néanmoins souffler : sans grandes élections en 2013, ils ne risquent pas d'être sanctionnés dans les urnes. En tout cas dans l'immédiat.