Accusations de financement politique illégal, soupçons d'un trafic d'influence relatif à l'embauche de sa femme et au traitement fiscal de la fortune de Liliane Bettencourt : le ministre du Travail Eric Woerth, devrait être entendu comme témoin sur tous ces volets dans l'enquête conduite par le procureur Philippe Courroye.

Les accusations de financement politique occulte

Claire Thibout, l'ex-comptable de Liliane Bettencourt, licenciée en 2008, a affirmé le 6 juillet dans un entretien à Mediapart puis devant les policiers que le gestionnaire de fortune de Mme Bettencourt, Patrice de Maistre, lui avait demandé de retirer 150.000 euros en liquide début 2007. Il comptait, selon elle, les remettre à Eric Woerth, trésorier de l'UMP et de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy. Elle affirme qu'un dîner entre les deux hommes a eu lieu peu après.

Patrice de Maistre et Eric Woerth démentent fermement ces accusations. Elle situait cette remise en mars 2007, ce que ses carnets de caisse ne confirment pas. Elle a depuis assuré que l'épisode remontait à janvier.

De manière plus générale, Eric Woerth devrait être interrogé sur ses rencontres avec M. de Maistre, notamment en janvier, février et septembre 2007 et pourrait l'être sur la plainte pour dénonciation calomnieuse qu'il a déposée à la suite des accusations de Mme Thibout.

Les conditions d'embauches de Mme Woerth chez Clymène

Les enregistrements pirates réalisés chez Mme Bettencourt et rendus publics le 16 juin suggèrent un possible conflit d'intérêts entre les fonctions d'Eric Woerth, alors au Budget, et l'embauche en novembre 2007 de sa femme Florence chez Clymène, société de gestion de la fortune de Liliane Bettencourt.

Mme Woerth était entendue sur la nature de son travail chez Clymène et les conditions de son embauche mercredi par les policiers, qui ont également interrogé à ce sujet Patrice de Maistre, patron de Clymène, durant sa garde à vue les 15 et 16 juillet. Le gestionnaire de fortune a affirmé que le ministre lui avait « demandé de recevoir sa femme et ce pour essayer de la conseiller sur sa carrière », début 2007. « Je n'ai jamais demandé quoi que ce soit qui concerne mon épouse (...) Ma femme a été embauchée normalement dans un job qui convient à son parcours professionnel », a rétorqué Eric Woerth, qui se dit « très impatient » de pouvoir s'expliquer devant les policiers.

Il pourrait être également interrogé sur la légion d'honneur qu'il a remise en janvier 2008 à Patrice de Maistre, élevé chevalier dans la promotion du 14 juillet 2007 alors que Mme Woerth ne travaillait pas encore pour Clymène.

Le traitement fiscal de la fortune de Liliane Bettencourt

Le soupçon de conflit d'intérêts -de trafic d'influence dans le code pénal- a été nourri par la double casquette d'Eric Woerth, ministre du Budget jusqu'en mars et trésorier de l'UMP aujourd'hui démissionnaire.

D'un côté, il avait autorité sur la Direction des impôts chargée de contrôler les déclarations fiscales de la femme la plus riche de France. De l'autre, il était chargé de recueillir les dons de particuliers pour son parti, parmi lesquels figuraient régulièrement les Bettencourt. Or les enregistrements suggèrent des opérations de fraude fiscale par des proches de Mme Bettencourt.

Un rapport de l'Inspection générale des finances (IGF, dépendante de Bercy) a blanchi le ministre de toute intervention dans le dossier fiscal de la milliardaire. Les policiers font leur propre enquête et doivent ainsi recueillir les explications d'Eric Woerth.