2014 restera pour la France l'année du dénigrement systématique de sa politique économique à l'étranger, avec un retournement conjoncturel qui n'est jamais venu et un déficit creusé, mais 2015 pourrait signer un timide retour en grâce.

« La chute de la France » (Newsweek), « La France, homme malade de l'Europe » (The Guardian), « La France et sa montagne de dettes » (Der Spiegel): la presse étrangère a fait ses gros titres avec les déboires de la deuxième économie de la zone euro. Cela a contribué à populariser l'expression anglaise « french bashing » (dénigrement systématique de la France).

Démarrée avec un objectif officiel de croissance de 1% et une prévision de déficit public de 3,6% du Produit intérieur brut, 2014 devrait se conclure sur une croissance de 0,4%, à peine mieux qu'en 2013, et un déficit à 4,4%. « Nous pensions que cela irait mieux en 2014 », reconnaît Eric Heyer, chercheur à l'OFCE. Il dit avoir « sous-estimé certains freins : la concurrence des pays du sud de l'Europe, l'euro fort et les difficultés dans le logement et le BTP ».

2014 restera aussi l'année de la consécration par le président François Hollande, dès janvier, d'une « politique de l'offre », accompagnée d'un effort de rigueur budgétaire. Le gouvernement offre 40 milliards d'euros aux entreprises et promet un coup de frein sur la dépense publique, jurant que les hausses d'impôt appartiennent au passé. Ce tournant s'est notamment traduit par l'arrivée au ministère de l'Economie d'Emmanuel Macron, plus en harmonie avec cette ligne « sociale-libérale » que son prédécesseur Arnaud Montebourg.

2015 : l'espoir d'un rebond

Après une année de déceptions, 2015 pourrait, peut-être, voir rebondir l'activité. « Avec la baisse de l'euro et du prix du pétrole, les conditions apparaissent nettement meilleures », estime M. Heyer, qui juge injuste autant qu' « insupportable » le « French bashing », puisque la France est par exemple le seul grand pays européen, avec l'Allemagne, à avoir retrouvé son niveau de PIB d'avant crise.

Philippe Waechter, économiste chez Natixis AM, compte aussi en 2015 sur les largesses de la Banque centrale européenne et espère que la promesse de pause fiscale permettra de combattre « le French bashing de l'intérieur et l'exaspération des chefs d'entreprise ».

« Les marchés font fi de la mauvaise image de la France », lui prêtant à des taux historiquement bas, et l'économie française « pourrait profiter de l'affaiblissement de l'Allemagne, qui se verrait obligée d'augmenter sa dépense publique », pense par ailleurs Christopher Dembik, économiste de Saxo Banque. Mais il juge « trop optimiste » la prévision de croissance gouvernementale de 1% en 2015, soulignant qu'il en faudrait plus pour « créer de l'emploi ».

M. Dembik ne croit pas non plus aux réformes annoncées : « le gouvernement n'a plus de réelle assise politique », assure-t-il, prédisant un « détricotage parlementaire » de la loi Macron. Ce texte attendu le 10 décembre doit illustrer, y compris auprès des partenaires européens, l'élan réformateur en France dans des domaines aussi variés que les tarifs des notaires ou le travail du dimanche.

Le sursis de Bruxelles

« Il y a des réformes de faites, mais à petits pas, plutôt illisibles et compliquées. Nos partenaires étrangers ont donc l'impression qu'il ne se passe rien », juge Agnès Bénassy-Quéré, de la Paris School of Economics. « Le grand marqueur qu'ils attendent est une réforme majeure du marché du travail. Si cela arrive, cela permettra de négocier une marge de manoeuvre pour l'ajustement budgétaire » avec la Commission européenne prédit-elle. Auprès de Bruxelles, la France débutera 2015 en sursis. La Commission se donne jusqu'au printemps pour sanctionner éventuellement le dérapage du déficit public, qui aurait dû revenir à 3% du PIB l'an prochain, et n'y parviendra qu'en 2017.

Une autre menace, pour la France comme pour la zone euro, est celle du passage de la faible inflation actuelle à une franche déflation, phénomène paralysant de baisse des prix et des salaires. « Nous prenons gentiment la direction du Japon (aux prises avec la déflation depuis des années) sans avoir les moyens de réagir », craint Mme Bénassy-Quéré. Axelle Lacan, économiste chez Crédit agricole, ne redoute pas encore une telle spirale et juge que la mollesse des prix « reste une bonne nouvelle dans un pays où la consommation est le principal soutien de l'économie ».