Le rapporteur de la commission d'enquête parlementaire sur l'affaire Cahuzac, Alain Claeys (PS) réaffirme qu'il n'y a pas eu de dysfonctionnement majeur de l'Etat dans cette affaire, même s'il reconnait certaines erreurs mineures, dans son rapport auquel ont eu accès mardi des députés.

Le rapport, que les membres de la commission d'enquête ont pu consulter dans une salle à leur disposition et dont les grandes lignes ont déjà été révélées il y a trois semaines, conclut que « dans les semaines qui ont suivi les révélations de Médiapart (du 4 décembre 2012), l'appareil d'Etat a réagi dans le respect de la légalité » et qu'« à compter de l'ouverture de l'enquête prélimitaire (le 8 janvier) la justice n'a été ni entravée, ni retardée ».

Mais pour le député UMP Daniel Fasquelle, le rapport « se demande s'il y a eu des pressions sur la justice alors que cela n'a jamais été le sujet » « De toute évidence Alain Claeys cherche à protéger le président et le Premier ministre », a-t-il dit, expliquant qu'il ne voyait pas comment il pourrait voter ce rapport qui sera débattu le 8 octobre par la commission, présidée par le député UDI Charles de Courson, et publié le 14 octobre.

Néanmoins, selon d'autres sources parlementaires, le rapport reconnaît des dysfonctionnements mineurs. Ainsi, il juge que l'administration fiscale aurait pu faire une demande d'entraide à Singapour parallèlement à celle faite à la Suisse. L'ancien ministre du Budget, Jérôme Cahuzac, a dit en effet avoir transféré ses avoirs de la Suisse à Singapour à l'automne 2009.

Désaccords au sein de la commission

La commission était chargée d'enquêter sur l'attitude du gouvernement après la révélation par Mediapart, le 4 décembre 2012, de l'existence d'un compte bancaire caché à l'étranger appartenant à Jérôme Cahuzac. Ce dernier a finalement démissionné le 19 mars lors de l'ouverture d'une information judiciaire, avant d'avouer le 2 avril détenir un compte non déclaré.

Selon ces sources, le rapport ne cache pas les désaccords entre membres de la commission sur deux points clés : pourquoi l'exécutif n'a-t-il pas réagi dès décembre après les révélations de Médiapart ? Etait-ce opportun de demander une entraide administrative à la Suisse, ce qui a failli blanchir Cahuzac ?

Sur le premier point, le rapport juge que si l'exécutif a pu disposer en décembre de faisceaux d'informations par le biais de proches de Mediapart, il ne disposait d'aucune preuve face à un ministre qui réfutait catégoriquement ces accusations devant l'Assemblée, le Premier ministre et le Président. Ce n'est qu'à la suite d'une lettre d'Edwy Plenel, au procureur de la République de Paris, qu'une enquête préliminaire sera diligentée par le parquet le 8 janvier et que la voix de Jérôme Cahuzac sera authentifiée avec une quasi certitude dans un enregistrement gardé par son rival politique local Michel Gonelle.

Sur les actions controversées diligentées par le fisc, et notamment l'opportunité d'une demande d'entraide administrative à la Suisse, le rapport reconnait qu'il peut y avoir débat mais juge qu'on aurait pu aussi critiquer le fisc de ne pas chercher à savoir la vérité s'il n'avait pas fait cette démarche. La droite estime que la lettre de la demande d'entraide administrative adressée à la Suisse (concernant la banque UBS) telle qu'elle était formulée ne pouvait qu'avoir une réponse négative et blanchir Jérôme Cahuzac.

Seule la première partie du rapport fait consensus. Elle juge qu'avant le 4 décembre « les informations dont pouvaient disposer les services de l'Etat sont restées sans suite faute de saisine appropriée », notamment de la part de Michel Gonelle qui a gardé pour lui le fameux enregistrement incriminant Cahuzac pendant plus de dix ans.

Jérôme Cahuzac a été mis en examen pour « fraude fiscale », « blanchiment » et « déclaration incomplète ou mensongère de son patrimoine par un membre du gouvernement ». Le scandale a également poussé le président François Hollande à annoncer une série de mesures pour moraliser la vie politique qui ont été définitivement votées par le Parlement.