Dans un enregistrement téléphonique datant de fin 2000 mis en ligne mercredi par le site d'information Mediapart, un homme présenté comme le ministre délégué au Budget Jérôme Cahuzac avoue détenir un compte secret dans une banque suisse.

« Moi ce qui m'embête, c'est que j'ai toujours un compte ouvert à l'UBS (Union des banques suisses, NDLR) mais il n'y a plus rien là-bas, non ? La seule façon de le fermer, c'est d'y aller ? », demande cet homme à un interlocuteur non identifié. « Ca me fait chier d'avoir un compte ouvert là-bas, l'UBS c'est quand même pas forcément la plus planquée des banques », ajoute-t-il. Il s'inquiète des répercussions possibles alors qu'il s'apprête à devenir maire « au mois de mars ». « Donc je ne tiens vraiment pas du tout à ce qu'il y ait la moindre ambiguïté », ajoute-t-il. Jérôme Cahuzac a été candidat aux municipales de 2001, à Villeneuve-sur-Lot (Lot-et-Garonne) dont il était déjà député.

L'homme qui s'exprime dans l'enregistrement s'inquiète de la manière dont il va pouvoir fermer ce compte bancaire. « Ca fait chier, y a aucune procuration possible ? » interroge-t-il, « surtout que d'une certaine manière, les avoirs restent à l'UBS et que d'ici on peut gérer. C'est un jeu d'écriture pur et simple ».

La voix de Jérôme Cahuzac n'est pas reconnaissable de manière évidente selon les journalistes de l'AFP qui ont écouté l'enregistrement, mais Mediapart assure qu'elle a été authentifiée par son détenteur. Sollicité par l'AFP, son cabinet n'a pas souhaité réagir dans l'immédiat, renvoyant aux précédentes déclarations du ministre qui a notamment annoncé le dépôt très rapide d'une plainte en diffamation contre le média en ligne.

« Une plaisanterie »

Interrogé sur la transcription d'une partie de cette conversation par Mediapart dans l'article qui a accusé le ministre pour la première fois mardi, Jérôme Cahuzac s'est insurgé sur RTL mercredi matin : « c'est une plaisanterie », s'est-il exclamé. « D'ailleurs les mots qui me sont prêtés, ceux qui me connaissent ne voient pas que c'est le vocabulaire que je peux utiliser », a-t-il assuré.

Les conditions dans lesquelles l'enregistrement a été réalisé sont rocambolesques telles que le site les raconte. Après avoir appelé un correspondant sur un sujet tout autre, le député l'aurait rappelé par erreur, alors qu'il était en pleine conversation avec un autre interlocuteur. La conversation avec ce dernier est alors enregistrée par le répondeur téléphonique du premier correspondant, sans qu'aucun ne s'en rende compte, affirme Mediapart. Selon le site, le détenteur de l'enregistrement affirme « porter ce document comme un poids depuis 12 ans et n'exclut plus aujourd'hui d'aller voir un juge ».

Un déplacement à Genève

Mediapart répète avoir des preuves que le ministre s'est finalement rendu lui-même en Suisse pour clore ce compte, « début 2010 », et transférer les fonds à Singapour, via un « complexe montage offshore ». Mediapart nomme même un correspondant de Jérôme Cahuzac à l'UBS, « Marc D. », assurant « protéger » à ce stade son identité complète.

« J'ai effectué un déplacement » à Genève, a reconnu le ministre mercredi matin sur RTL, expliquant avoir voulu vérifier des informations « de nature fiscale » non détaillées. Ce voyage était « tellement peu discret que j'ai dû prendre le billet par le service des transports de l'Assemblée nationale, vous imaginez le niveau de clandestinité auquel j'étais réduit », a-t-il ironisé.