Les députés UMP ont continué mardi de s'engouffrer dans la brèche ouverte par François Fillon, qui a déclaré que la suppression du bouclier fiscal, voire de l'impôt sur la fortune (ISF), n'était plus taboue.

Dans la majorité, tous restent encore assez flous ou contradictoires sur le calendrier idoine de cette réforme et son financement (environ trois milliards d'euros), alors que l'opposition, elle, ne croit pas à ce soudain revirement. Le Premier ministre a affirmé dimanche que la suppression du bouclier fiscal et de l'ISF avant la présidentielle de 2012 n'était pas « un sujet tabou », la conditionnant cependant à « une réforme fiscale d'ensemble » qu'il envisage à l'automne 2011.

Le bouclier « détruit » en 2012 ?

L'un des participants au petit-déjeuner de la majorité, mardi matin à l'Elysée autour du chef de l'Etat, en est persuadé: « On avance à grandes enjambées. Sarkozy et Fillon sont sur la même longueur d'ondes, (le patron des députés UMP) Jean-François Copé aussi. Dans le budget 2012, le bouclier fiscal est détruit et l'ISF se retrouve amenuisé, en retirant par exemple la résidence principale du calcul ».

« On peut supprimer le bouclier et aménager l'ISF, avec une fiscalité du patrimoine global avec un plancher et un plafond... Tout est possible. Il faut laisser le débat prospérer », a abondé devant la presse M. Copé, qui ajoute: « Ne nous enfermons pas dans un calendrier ».

Lundi, le rapporteur général du Budget, Gilles Carrez (UMP), avait pilonné le bouclier fiscal, « techniquement inadapté », qui « jette le discrédit sur l'ensemble du système fiscal » et « qui n'a pas vocation à être éternel ». Mais ce dernier avait écarté toute une réforme fiscale d'envergure en 2011, car cela représentait « un risque politique majeur » avant l'élection présidentielle de 2012.

Pas question d'attendre en revanche pour certains dans la majorité. « Il ne faut pas remettre à demain la suppression du bouclier fiscal, de l'ISF et la création d'une tranche supplémentaire de l'impôt sur le revenu », a lancé le patron des députés Nouveau Centre François Sauvadet. « Je pense que les amendements » au budget 2011 « qui viendraient écorner le bouclier ou réformer l'ISF seraient illisibles », lui répond par avance Jean-François Copé.

Fillon « courageux quand il s'en va »

La gauche, elle, ironise, sur ce revirement. « Il n'y a pas une vraie volonté de rupture. On est dans la communication », estime le chef de file des députés PS, Jean-Marc Ayrault. « Le budget 2011 va être examiné par l'Assemblée dans quelques jours. Il n'y a rien de prévu concernant les mesures fiscales injustes, dont le bouclier fiscal ». François Fillon « devient courageux parce qu'il s'en va », raille Henri Emmanuelli, qui parle d'une « manoeuvre électorale ». « La panique du gouvernement et des dirigeants de l'UMP pourrait prêter à sourire », a ajouté Roland Muzeau (PCF). « Ils avaient décidé de privilégier les plus riches. Aujourd'hui, le boomerang leur revient à la figure ».

Le villepiniste François Goulard (UMP) est encore plus sévère: « On se demande pour qui on nous prend, nous parlementaires, pour qui on prend les Français ! ». « Le gouvernement vient de présenter un budget. L'orientation n'est pas celle de l'abandon du bouclier fiscal mais du coup de rabot donné aux niches fiscales », a-t-il rappelé.