Bonjour, il me semble avoir lu quelque part qu'en cas de clause lombarde et d'erreur de TEG, les sanctions de la substitution du taux conventionnel par le taux légal et de la déchéance des intérêts pouvaient se cumuler, qu'en pensez vous ?
L’emprunteur non professionnel qui critique les stipulations de son prêt immobilier (l'intérêt conventionnel ou/et le TEG) dispose de deux modes d’action, soit en nullité, soit en déchéance.
En effet, le législateur, lorsqu’il a instauré le formalisme prévu par les dispositions particulières des articles L.312-8 et L.312-33 du Code de la consommation, n’a pas entendu priver l’emprunteur de la possibilité de se prévaloir également des dispositions impératives de l’article 1907 du Code civil relatives à la fixation par écrit du taux d’intérêt dans l’acte de prêt d’argent.
Dès lors, la sanction concernant l’information précontractuelle de l
’offre n’a pas vocation à primer sur les dispositions générales s’imposant à
l’écrit constatant un contrat de prêt, relevant d’une obligation contractuelle d’ordre public.
La Cour de cassation a eu l’occasion de préciser une nouvelle fois, le 9 décembre 2015, en confirmant sa position du 18 février 2009, qu’il n’y avait pas de conflit entre les textes applicables en matière de nullité et de déchéance, rappelant que les sanctions prévues, qui peuvent se chevaucher sans se contredire, n’ont pas les mêmes caractères et peuvent coexister, d’autant plus que ces textes couvrent deux périodes différentes de l’opération de crédit : la mise sur le marché d’une offre et le consentement de l’emprunteur au coût total, intérêts et accessoires, de l’opération financière (
Cour de cassation, Chambre civile 1, 9 déc. 2015, 14-24.543 ; idem : 18 fév. 2009, n° 05-16.774).
La première Chambre civile s’est à nouveau prononcée le 6 juin 2018 en opérant clairement une distinction entre les erreurs relevées
dans l'offre de crédit et celles se retrouvant
dans le contrat, donnant lieu à des sanctions reposant sur des régimes juridiques distincts, de sorte qu’il n'y avait pas lieu de les confondre en faisant prévaloir la sanction de la déchéance sur le prononcé de la nullité (
Cour de cassation, Chambre civile 1, 6 juin 2018, n° 17-16.300).
Plus récemment encore, le 22 mai 2019, au visa des articles L.312-33, L.313-1, L.313-2 et R.313-1 du Code de la consommation, ensemble l’article 1907 du Code civil, la Haute Cour a cassé l’arrêt qui retenait que l’emprunteur ne disposait pas d’option entre nullité ou déchéance concernant l’inexactitude tant du taux effectif global que des intérêts conventionnels, en réaffirmant que l’inexactitude du TEG dans un acte de prêt est sanctionnée par la nullité de la stipulation d’intérêts (
Cour de cassation, Chambre civile 1, 22 mai 2019, n° 18-16.281).
Ainsi, si vous estimez que votre prêt immobilier comporte des irrégularités ou des erreurs de calcul, dans l'offre et/ou dans le contrat, vous pouvez agir :
1) En nullité relative du contrat de prêt, c'est-à-dire demander l'annulation de la stipulation de l'intérêt conventionnel si votre banque a calculé les intérêts du prêt sur la base d'une année de 360 jours, sans vous en informer et sans que vous ayez donné votre accord express (en ce cas, on dit qu'il n'y a pas eu rencontre des volontés, de sorte que le contrat ne s'est pas valablement formé et qu'il doit donc être annulé sur les fondements du droit des obligations).
La sanction, en pareil cas, est la substitution du taux légal à l'intérêt contractuel initialement stipulé, dès la signature de l'offre et pour toute la durée du prêt.
2) En déchéance du droit aux intérêts du prêteur si vous arrivez à démontrer que le TEG de l'offre est erroné à plus d'une décimale, si par exemple tous les frais n'ont pas été pris en compte lorsque votre banquier vous a communiqué son offre de prêt.
La sanction, en ce cas, est la déchéance du droit aux intérêts de la banque, en totalité ou dans une proportion laissée à la libre appréciation du juge.
EN CONCLUSION et pour répondre à votre question : si une telle affaire se présentait devant une juridiction, c'est-à-dire
comportant à la fois une irrégularité du taux conventionnel fixé sur la base d'une année lombarde et en même temps un TEG inexact à plus d'une décimale, le juge aurait effectivement le choix de l'une et/ou l'autre des deux sanctions (attention surtout à bien distinguer offre et contrat dans votre action).
Mais ne rêvons pas, il n'appliquera pas les deux à la fois : selon toute vraisemblance, la sanction serait de limiter la perception des intérêts par le prêteur à hauteur de l'intérêt légal, soit parce qu'il ferait primer la nullité et la substitution de l'intérêt au taux légal, soit parce qu'il déciderait de la déchéance, mais en la limitant à la seule perception de l'intérêt légal, tout cela revenant en définitive au même.
Certes, il pourrait aussi décider d'appliquer la déchéance totale du droit aux intérêts s'il estimait que le TEG est “gravement“ erroné, en ce cas sanction maximum (mais je ne l'ai jamais vue, sauf en matière de crédit à la consommation, sur les fondements de l'ancien article L.311-48 du Code de la consommation).