En revanche, la position d'une Cour d'Appel considérant que l'utilisation de l'année lombarde, susceptible de rendre erroné le calcul des intérêts d'un prêt, peut s'analyser comme une "mauvaise exécution du contrat", (relevant de l'article 1147 ancien du code civil) est une vraie question de droit qui n'a guère trouvée opposant sérieux sur ce forum.
Bonjour agra07,
Je vais tacher de répondre à votre question, reconnaissant que vous l’aviez auparavant posée, sans qu’aucun intervenant n’y réponde (et pour cause).
Est-ce que l'utilisation de l'année lombarde, susceptible de rendre erroné le calcul des intérêts d'un prêt, peut s'analyser comme une "mauvaise exécution du contrat", relevant à ce titre de l'article 1147 (ancien) du Code civil ?
Vous parlez de contrat, et c'est effectivement sur le terrain du droit des obligations qu'il faut se placer pour pouvoir vous répondre utilement, non sans avoir au préalable rappelé quelques règles applicables, ceci pour une meilleure compréhension.
Il est constant que le contrat de prêt d’argent consenti par un professionnel du crédit est un contrat consensuel qui se forme par le simple échange des volontés, ce contrat de prêt à un consommateur se formant en effet par la rencontre formalisée d’une offre et d’une acceptation, par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s’engager.
Ainsi le prix, c’est-à-dire l’intérêt que devra payer l’emprunteur pour la jouissance du capital qu’il s’oblige à restituer, doit être déterminé ou déterminable en application du droit des obligations. Le taux nominal d’un prêt n’est pas un prix déterminé, mais le mode de détermination du prix, soit le mode de calcul de l’intérêt sur lequel les volontés doivent s’accorder.
S'agissant des règles spéciales d’information précontractuelle en matière de crédits immobiliers, l'article L.312-8 du Code de la consommation énonce en son paragraphe 2° bis que l'offre de prêt comprend un échéancier des amortissements détaillant pour chaque échéance la répartition du remboursement entre le capital et les intérêts.
Ainsi, dès l’émission de l’offre, l’emprunteur est mis en mesure de connaître avec précision le montant total des intérêts qu’il aura à verser.
Le coût des intérêts du crédit constitue donc en toute logique l'élément majeur du consentement réfléchi et éclairé de l’emprunteur en phase précontractuelle, et c’est sur les bases légales de l'article 1907 du Code civil que va se former l'accord de volonté des parties sur la clause de détermination des intérêts, c'est-à-dire le taux d’intérêt.
C’est pour cette raison qu’il est exigé du prêteur professionnel qu’il assure la plus totale transparence du contrat d’adhésion envers son client consommateur.
Le cas de figure que vous invoquez est l'usage d'un diviseur 360 (au lieu de 365 ou 366) par le prêteur sur la première échéance incomplète d'un prêt, ce qui a eu pour effet mathématique de générer un surcroît indu d'intérêt au détriment du consommateur, mais surtout a consisté à donner naissance à un taux d'intérêt (contractuel) supérieur à celui initialement prévu dans l'offre qui a été signée.
En d'autres termes, en offrant à l’acceptation de l'emprunteur un prêt immobilier dont les intérêts intercalaires ne sont pas calculés sur une année civile de 365 ou 366 jours, mais sur une année bancaire de 360 jours, le prêteur a soumis à son cocontractant un taux sciemment erroné, qui n’est pas celui de l’offre sur lequel s’est formé l’accord des volontés.
Or, l’article 1907 impose a minima une seule règle de calcul : à taux unique s'exerce un mode de calcul unique, qui permet de convertir l’intérêt en taux, et inversement de convertir le taux en intérêts.
C’est donc le mode de calcul qui fait le taux et qui fait l’intérêt, d'où il s'ensuit que la connaissance de l’un permet la détermination de l’autre, à capital et durée constants.
De sorte que prévoir deux modes distincts de calcul, comme la base Exact/360 en préfinancement et la base du mois normalisé (30,41666/365) en amortissement, n’est rien d’autre que prévoir deux taux différents sur la durée du crédit : un "taux 360", puis un "taux 365" qui auront "facialement" aux yeux profanes de l’emprunteur la même valeur, mais dont l’un - le taux 360 - génèrera plus d’intérêt que l’autre à son insu et à son détriment.
L’emprunteur se retrouve ainsi confronté à deux taux d’intérêt différents pour un même prêt, dont il résulte un taux unique supérieur à celui stipulé au contrat, auquel il n’a pas consenti.
En effet, le fait pour l'organisme prêteur d'user d'un diviseur 360 sur la totalité du prêt, depuis la première échéance brisée jusqu'à la dernière échéance, masque aux yeux de l’emprunteur le fait que la banque, dès la rédaction de son offre, prépare contractuellement l’application, aux intérêts séparant la date de mise à disposition des fonds du début de la première échéance, d’un taux différent et supérieur à celui qu’elle lui propose d’accepter.
La fraude au consentement de l’emprunteur sur le prix qu’il s’engage à payer en signant le contrat de prêt est dès lors caractérisée, d’où il se déduit le fait que les volontés ne peuvent se rencontrer, ce qui doit conduire à considérer que le taux contractuel est intrinsèquement vicié.
La nécessité que le taux d’intérêt soit calculé sur une année civile est une règle formelle d’ordre public de protection financière des particuliers, mais au-delà, il s’agit d’une règle formelle du droit du contrat de prêt à intérêt : l’unicité du taux avec sa règle de calcul est consubstantielle de l’accord de l’emprunteur sur le prix du capital prêté.
Il en résulte que la clause d’intérêt liant les parties n’a pas pu valablement se former en l’absence d’accord sur le taux et le tableau d’amortissement (comprenant toutes les échéances).
Cette solution emprunte aux mécanismes issus du droit commun, en se fondant sur la seule observation de l’absence de rencontre des volontés, sans se référer, d'une manière ou d'une autre, à la théorie des vices du consentement.
En définitive, on dira que
le taux de l'offre n'est pas le taux que la banque a appliqué. Il ne s'agit donc pas, pour vous répondre, de
savoir si le grief ne se situe que dans l'exécution du contrat, puisque c'est l'ensemble de l'opération de prêt qu'il faut considérer, et partant, si l'emprunteur a signé en toute connaissance de cause.
Comme bien évidemment la banque se sera bien gardée de lui expliquer qu'elle lui prélevait clandestinement des intérêts indus dès la première échéance, qui plus est en générant de ce fait deux taux d'intérêt au lieux d'un seul, c'est une nullité relative de plein droit qui est encourue en cas de méconnaissance par un professionnel de dispositions d'ordre public contenues aux articles 1907 du Code civil et L.313-2 du Code de la consommation.
Comme quoi, votre question ne pouvait pas appeler une réponse simple... c'est bien plus complexe qu'il n'y paraît.