Quand la banque perd le droit aux intérêts, mise au point sur la déchéance du prêteur

Et quand à cette flèche « Car ce qui est finalement incompris, ou au moins dédaigné, ce n'est rien moins qu'un modèle complémentaire de celui du pur capitalisme tant décrié. Un modèle destiné à améliorer la condition des particuliers ("consommateurs") bien plus profondément que la minuscule protection du TEG ! » elle risque de perdre de sa pertinence si un dossier vient à prouver qu’une banque mutualiste peut très bien porter à la détérioration des condition des particuliers un soin qui dépasse ses simples, mais massives et répétées, violations du droit consumériste. Or le risque peut en exister...



Nous savons aussi que la protection du TEG, qui n’est pas minuscule (ce dédain reflète-t-il la position de la banque mutualiste sur ce sujet ?) est d’une énorme importance en matière de moralisation des pratiques bancaires, même si elle ne se limite pas à cela.

Mais un observateur peut aussi se poser la question suivante, malgré cet ‘enfumage’ : si cette obligation où la banque place ses sociétaires de souscrire toujours plus de parts sociales, qui se cumulent sans jamais être remboursées à chaque prêt supplémentaire, était rentable pour eux, comme on veut ici le donner à croire, elle ne le serait pas pour elle.

Dès lors, pourquoi s’acharnerait-elle à exiger cette acquisition de parts sociales faisant boule de neige ?

C’est ici le non-dit du débat engagé par les lobbyistes : le respect de la loi de 1947 sur la coopération - supposée ignorée de la Haute Cour - si imprudemment et si impudemment mis en avant, alors que souscrire une seule et unique part sociale en entrant dans la société coopérative suffit à en assurer le respect, n’est pas en cause.

Ce qui est en cause est cette réalité : une banque mutualiste, comme toute autre banque, doit avoir des fonds propres. La question sort totalement du respect de la loi de 1947 sur la coopération, comme elle dépend de ratios qui de plus en plus sont définis à un niveau supranational. La vraie question, à laquelle ce combat de chiffonniers, utilisant les plus mauvais arguments sans hésiter à violer les faits, contre la jurisprudence de la Cour de cassation sur un point parfaitement mineur du calcul du TEG (qui peut croire raisonnablement que devoir majorer d’une façon quasi-imperceptible ce TEG suffirait à tuer la compétitivité des banques mutualistes ? Celle en cause ici est du reste la seule à poursuivre le combat sur ce mauvais terrain) est celle-ci. Les banques mutualistes qui ne visent qu’un groupe de sociétaires numériquement réduit et ne disposant pas de ressources importantes du fait des professions concernées sont exposées à de gros problèmes pour satisfaire les exigences en matière de fonds propres.



Dès lors au lieu d’exposer clairement à ses sociétaires les questions que son financement met en jeu, et impliquent pour sa survie, craignant qu’ils ne voient pas en quoi les services offerts seraient plus avantageux pour eux que ceux de la concurrence pour susciter un tel effort, celle en cause préfère les contraindre à lui fournir, prêt après prêt, tout en osant soutenir en justice qu’il s’agirait par là de respecter de la loi de 1947 dont les magistrats de la Cour de cassation, eux, ignoreraient tout. C’est pathétique.

Cette banque, qui avait à son origine (l’après-guerre) une vocation résolument anticapitaliste avait pour finalité de participer à un vaste ensemble mutualiste et coopératif constitué autour du milieu enseignant : assurance (MAIF), VPC (CAMIF) etc., en liaison avec un mouvement syndical qui y avait aussi son intérêt. Cela a parfois mal fini et dans le mépris de la clientèle: on sait ce qu’il est advenu de la CAMIF, que la banque en cause a soutenu jusqu’à l’absurde sans que les sociétaires aient pu en fait contrôler ce choix : or aux conseils d’administration de tout cet ensemble ce sont les mêmes dirigeants qui se retrouvaient, ce qui a quelque peu facilité ce genre de soutien. La dérive d’une assurance-retraite est également célèbre, elle a eu des conséquences très graves.

Tout ceci pour dire que ce n’est pas « ravaler le contrat de société coopératif » comme le prétend Hervé Causse que d’exiger que ces entreprises, dans la gestion desquelles la part des sociétaires reste purement symbolique malgré la beauté théorique et anticapitaliste du « un homme une voix » respectent les lois.


En réalité l’attention doit être d’autant plus vigilante à leur égard qu’elles sont tentées de faire accepter par leurs sociétaires des comportements qu’ils n’accepteraient pas d’une entreprise ‘capitaliste’, au motif que rien de mauvais ne saurait venir d’une coopérative qui est censée être ‘la leur’, désarmant ainsi leur esprit critique sur ses pratiques. On a même vu une banque reprocher à un emprunteur contestant le TEG de son contrat de vouloir bénéficier d’un crédit gratuit aux frais des autres sociétaires et de menacer la survie du système coopératif (pas moins) après en avoir profité’. Le soutien apporté à la CAMIF ne menaçait-il pas plus la banque ? Et en quoi le sociétaire qui emprunte à des taux souvent peu favorables profiterait-il du système ?


Yann Gré, avocat d’IDF, a pour sa part commenté l’arrêt du 9 décembre 2010 (pourvoi n°09-67089) en ces termes : « Si d'autres décisions avaient déjà été rendues dans ce sens, les termes de principe de cette nouvelle décision démontrent la volonté de la Cour de Cassation d'imposer cette solution aux juridictions inférieures. » sur son blog et sur Agoravox, site fréquenté, il ajoute à propos des 2 arrêts du même jour : « Ces deux décisions démontrent donc la volonté très stricte de la Cour de Cassation d’obliger les Banques à respecter scrupuleusement les règles applicables au taux effectif global. »


http://yanngre.blogspot.com/2011/03/droit-bancaire-le-cout-des-parts.html


http://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/taux-effectif-global-teg-et-90277


Un renversement de jurisprudence est donc exclu.

 
Messieurs. Je viens donc sur ce site après que M. Pollux m'en ait donné les coordonnées. J'ignorais qu'il y avait autant de développements sur cet arrêt du 9 décembre. Je vous remercie, en tout cas, pour vos remarques sur mon travail. Je me permettrai juste deux observations. D'une part, un autre arrêt a été rendu le même jour par la Cour de cassation et concerne les sommes payées pour constituer un fonds de garantie, somme qui doivent donc également être prise en compte pour calculer le TEG. Vous en trouverez un commentaire sous ma plume dans le Dalloz de cette semaine (n°10 p. 720). Je reprends néanmoins des arguments figurant déjà dans le commentaire précité. D'autre part, j'ai cru lire dans les messages précédents le regret de ne m'avoir pas vu développer tel ou tel point dans mon commentaire. Je suis hélas tenu, par l'éditeur, à un nombre maximum de caractères au-delà duquel je ne peux pas aller, sous peine de ne pas pouvoir être publié. Je dois dès lors faire des choix et laisser tomber des points pourtant forts intéressants.
Au plaisir de vous lire. Bien cordialement.
 
Merci de votre intérêt, cher Monsieur.

En fait pour s'intéresser à ces points il fallait déjà avoir connaissance de la décision attaquée, connaître les statuts de la banque, et avoir lu d'un oeil critique l'argumentaire de la banque, celui contenu dans un rapport d'un universitaire (dont un confrère de la même université parisienne partage votre avis sur cette jurisprudence) qu'elle avait suscité pour le présenter devant le TI de Poitiers, et les analyses peu amènes d'Hervé Causse sur la position de la Cour de cassation.

Cette question, déjà: pensez-vous que la coopération soit réellement menacée par cette jurisprudence comme on veut nous le donner à croire?
 
Bonjour,

Le consommateur ne s’intéressera aux failles éventuelles de son offre de prêt que si l’aventure tourne mal, et donc quand il sera confronté à une action de la banque contre lui : bien souvent ce sera trop tard face à la prescription, sauf en cas de découverte retardée d’erreur ou de dol.

hors vous l'avez fait justement remarqué, si un client poursuit la banque pour fautes alors qu'il n'y a pas de problèmes client<->banque, alors ce client; bien que dans son bon droit; risque d'être débouté.

Donc si je n'ai pas de problème avec ma banque et que je souhaite mettre en avant la faute de la banque, je risque de paraitre appâté par le gain donc de me faire débouté.

pour ne pas apparaitre mercantile, il faut donc attendre un problème avec la banque.
si ce problème survient plus de 5 ans après la signature du contrat ou la prescription aura fait son effet

d'ailleurs, je ne comprends pas comment des erreurs sur un contrat "en cours" peuvent être prescrite?
Ce n'est pas à la fin du contrat que la prescription débute ?
 
LordWolfy:

vous l'avez fait justement remarqué, si un client poursuit la banque pour fautes alors qu'il n'y a pas de problèmes client<->banque, alors ce client; bien que dans son bon droit; risque d'être débouté
Pas exactement:

- s'agissant de la demande de déchéance, elle peut être introduite par action (assignation de la banque) et il est préférable de la faire dès que les problèmes sont connus (après éventuelle demande de transaction auprès de la banque: si par exemple ses fraudes du droit consumériste sont massives et impliquent une conception erronée des formulaires d'offre, ou de ses logiciels, son intérêt sera d'éviter d'une part un contentieux massif *, lié à la publicité de la décision à intervenir, d'autre part à la mauvaise publicité apportée à ses pratiques, ce qui lui imposera des dépenses considérables pour en diminuer par la suite les effets.).

* ainsi il y a quelqu'un, qui n'est pas un membre du forum, qui a obtenu il y a 2 ans pour un prêt immobilier une suppression totale d'un montant considérable d'intérêts, en découvrant des vices inédits, mais la confidentialité requise l'empêchera d'en parler, même à moi.:cry:
Pollux1963 en avait demandé une à sa banque, pour le crédit à la consommation de l'arrêt étudié ci-dessus, elle l'avait refusée, pas sûr qu'elle se soit conduit là de façon astucieuse du fait de la remise en cause de ses pratiques.

Ce qui n'est pas acquis, c'est la quotité de cette déchéance (sauf en crédit à la consommation, où son automaticité fait que le juge n'a pas le choix de moduler la sanction: cas de Pollux1963).

- Ce que j'ai voulu dire est que si on vient seulement devant le juge avec un TEG de 5% au lieu de 5,05%, l'issue ne me semble pas acquise d'avance (TEG qu'on a tort de seul utiliser pour la demande de déchéance, il est rare qu'il puisse être seul en cause).

Dans le cas de l'arrêt Edouard il y avait même une certaine forme d'injustice pour les banques en cause: elles avaient gentiment accepté de renégocier des baisses de taux importantes, et ensuite elles perdaient les intérêts à cause d'une mauvaise lecture du texte (obtention du prêt =?), sans aucun dol de l'emprunteur.

Ce que j'ai voulu dire aussi est que si on vient devant le juge parce que, en dehors de tout conflit, on aété appâté par la pub d'un site vous disant ' grâce à moi ne payez pas vos intérêts', et que l'analyste financier en cause se trompe dans son expertise du TEG, là la déroute est plausible.

pour ne pas apparaitre mercantile, il faut donc attendre un problème avec la banque.
La banque est aussi mercantile. Et si vous attendez que la prescription joue en sa faveur...
Mais il faut venir avec un dossier solide, des fautes prouvées, et si elles sont massives, ce n'en sera que mieux pour vous.

si ce problème survient plus de 5 ans après la signature du contrat ou la prescription aura fait son effet
sauf si elle ne pouvait être découverte alors. Ce que la banque devra prouver.

d'ailleurs, je ne comprends pas comment des erreurs sur un contrat "en cours" peuvent être prescrite?
Ce n'est pas à la fin du contrat que la prescription débute ?
Non, hélas...Revoyez le fichier paginé, sous Word ou PDF (notamment pages 8 et suivantes, 57,64):

- de la date de l'acte SSP si les informations y figuraient (mais si la banque conteste que le TEG soit erroné, elle prouve que l'erreur ne pouvait être découverte à cette date!),

- de la découverte des failles de l'offre, TEG compris, sinon.
 
Dernière modification:
Un arrêt (avec large publicité: F P+B+I) vient d'être rendu sur la différence entre l'offre et l'avenant, c'est le premier du genre (avant celui qui étudiera le cas inverse, celui où l'on veut faire passer une offre pour un avenant):

Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 3 mars 2011, 10-15.152, Publié au bulletin




Ici c'est l'emprunteur qui voulait à toute force que l'avenant (c'en était bien un) fournisse toutes les informations requises pour la seule offre depuis la loi de 1999 déjà étudiée ici.



La déchéance est légitimement refusée car l'avenant n'a pas à assurer les mêmes obligations que l'offre, et seule l'avenant peut être utilisé pour modifier le contrat initial (dans le cas contraire, rappelons le, l'émission d'une offre = mise en place d'un nouveau contrat*):




Mais attendu que les obligations prévues aux articles L. 312-7, L. 312-8, L. 312-10 et L. 312-33 du code de la consommation ne sont pas applicables, en cas de renégociation d’un prêt immobilier entre les mêmes parties, aux modifications du contrat de prêt initial
qui ne peuvent être apportées que sous la forme d’un avenant conformément à l’article L. 312-14-1 du même code, introduit par la loi n° 99-532 du 25 juin 1999 ; que la cour d’appel a constaté que M. X... avait, le 2 mars 2000, reconnu avoir pris connaissance le 6 janvier 2000 de l’”offre modificative du prêt” adressée par voie postale le 24 décembre précédent et l’accepter ; qu’il s’ensuit que la demande de déchéance des intérêts présentée au titre de l’irrégularité alléguée de l’acceptation de l’avenant litigieux, soumis aux dispositions de l’article L. 312-14-1 précité en raison de sa date, ne pouvait être accueillie ; que par ce motif de pur droit substitué, après avis donné aux parties, à ceux que critiquent les deux branches du moyen, l’arrêt se trouve légalement justifié ;


Pour l’irrégularité alléguée, il s'agissait de la preuve de l’expédition de l’acceptation par voie postale.

* comment faire la différence? En dehors de ce qui a déjà été dit plus haut, si l'imprimé (instrumentum) du contrat est identique à celui de l'offre mettant en place le contrat initial, soit il n'y a jamais eu d'offre (cas peu probable), soit c'est encore une offre...

 
Merci de votre intérêt, cher Monsieur.

Je me joins aussi à Elaphus pour vous remercier d'être venu nous rendre une petite visite. :)

Cette question, déjà: pensez-vous que la coopération soit réellement menacée par cette jurisprudence comme on veut nous le donner à croire?

Une drole de question que vous posez mon cher Elaphus, mais je suppose que vous avez votre idée sur la question. :ange:

Est ce que je me trompe ? :oops:

Exposez nous votre point de vue.

Bien cordialement
 
Réponse: on nous dit que la Cour de cassation méconnait le contrat coopératif et donc menace les banques de cette catégorie (celles du moins ne respectant pas la loi, la vôtre étant la seule semble-t-il à avoir persévéré malgré la jurisprudence, et encore en ce moment). On nous chuchote aussi que si tous les emprunteurs agissent contre cetet banque du fait decetet jurisprudence elel serait fragilisée.

Balivernes!
En effet je lis dans un PROSPECTUS ÉTABLI POUR L’OFFRE AU PUBLIC DE PARTS SOCIALES DES BANQUES MUTUALISTES OU COOPÉRATIVES et visé par l'Autorité des Marchés Financiers il y a peu :


Il n'existe, pour la période couvrant au moins les douze derniers mois, aucune procédure gouvernementale, judiciaire ou d'arbitrage (y compris toute procédure dont la (...) a connaissance, qui est suspens ou dont elle est menacée) qui pourrait avoir ou a eu récemment des effets significatifs sur la situation financière ou la rentabilité de la (...).


Ces douze derniers mois votre pourvoi était en suspens, et peut-être d’autres instances en cours dont la banque avait connaissance.


Or ce prospectus a été visé le 15 juillet 2010 par le Président Directeur Général de cette banque qui « atteste, après avoir pris toute mesure raisonnable à cet effet, que les informations contenues dans le présent prospectus sont, à ma connaissance, conformes à la réalité et ne comportent pas d’omission de nature à en altérer la portée. »

Sauf à considérer qu’il y aurait eu « omission de nature à en altérer la portée » force est alors de constater que tout ceci est sans aucun effet sur la rentabilité de cette banque. Il n’y a donc nul besoin de s’en prendre à la Cour de cassation.
 
Ces douze derniers mois votre pourvoi était en suspens,

Effectivement, je vous le confirme. :)

J'avais vu ce document de l'AMF mais je ne l'avais pas lu en détails. Si j'osais, je poserais bien la question à l'AMF à savoir si Casden avait évoqué ce pourvoi qui risquait de fragiliser sa situation financière. :ange::confused:

Bien cordialement

Fabrice
 
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