Quand la banque perd le droit aux intérêts, mise au point sur la déchéance du prêteur

Elaphus

Contributeur régulier
Ce tutoriel m’a semblé indispensable pour faire une synthèse des possibilités d’action ou de défense de l’emprunteur face à une offre litigieuse.

Précisons d’emblée que cette déchéance :

- ne vaut que pour les manquements de la banque au droit consumériste tel qu’il s’applique à l’offre préalable de prêt (contenu, forme de l’acceptation), et non pour les failles du TEG dans l’acte notarié, qui relèvent elles d’une demande de nullité de la clause de stipulation des intérêts. Mais les deux demandes peuvent être faites simultanément.

- concerne des manquements dépassant largement le seul cas du calcul du TEG, auquel on la limité généralement, notamment sur ce forum. Or ces possibilités sont souvent très intéressantes car peut-être plus souvent rencontrées qu’une erreur de TEG.

Seul le crédit immobilier à taux fixe est ici traité.

I) Les sanctions :

Commençons par elles afin d’en mesurer l’importance au bénéfice du consommateur.

Les amendes sont des sanctions pénales, qui n’intéressent donc pas en soi le consommateur, mais elles sont soumises à prescription triennale, qui sera le plus souvent acquise au bénéfice de la banque, les conflits surgissant le plus souvent plus tard. Ces amendes sont infligées par le juge civil dans le cadre d’un procès civil, sauf si une action pénale a été engagée (plus souvent par la DGCCRF que par le consommateur).

Le montant élevé de certaines prouve que le législateur a voulu avoir un effet dissuasif afin d’empêcher certains comportements bancaires à l’occasion de ce qui est le plus souvent le plus grand engagement d’une vie de consommateur.


a) L’article L312-34 du Code de la consommation sanctionne seulement pénalement par une amende de 30 000 euros une violation d’une des dispositions de l’article L. 312-11 :

Jusqu'à l'acceptation de l'offre par l'emprunteur, aucun versement, sous quelque forme que ce soit, ne peut, au titre de l'opération en cause, être fait par le prêteur à l'emprunteur ou pour le compte de celui-ci, ni par l'emprunteur au prêteur. Jusqu'à cette acceptation, l'emprunteur ne peut, au même titre, faire aucun dépôt, souscrire ou avaliser aucun effet de commerce, ni signer aucun chèque. Si une autorisation de prélèvement sur compte bancaire ou postal est signée par l'emprunteur, sa validité et sa prise d'effet sont subordonnées à celle du contrat de crédit.

Notons que la dernière phrase pose le problème de la conduite que devrait tenir la banque face à une offre ne débouchant pas sur un contrat valide (violation du délai légal de réflexion par exemple). La loi l’oblige à ne pas mettre en place ce contrat.

b) L’article L312-33 est l’article capital :

Il contient aussi des peines d’amende, mais surtout, au profit du consommateur, la possibilité pour le juge du fond (TGI, cour d’appel) de prononcer la déchéance(totale ou non) du prêteur au droit aux intérêts conventionnels, qui est elle une sanction civile.

Important : le prononcé de la déchéance ne présuppose pas que l’amende soit prononcée : la question du sens de « en outre », ne doit pas inquiéter car elle n’indique pas que l’amende en soit le préalable nécessaire, la durée des prescriptions n’étant de toute façon pas la même.

La déchéance de l’article L. 312-33, alinéa 4, qui ne sanctionne pas une condition de formation du contrat, n’est ainsi pas une nullité, donc elle ne relève pas de l’article 1304 du Code civil. Pourtant le consentement a bien été donné sur de mauvaises bases…

La déchéance du prêteur au droit aux intérêts conventionnels sanctionne l’irrespect par le prêteur de l’une de ses obligations prévues aux articles suivants du Code de la consommation:

- L. 312-7 {= offre adressée gratuitement par voie postale à l'emprunteur éventuel}
- L. 312-8 {= contenu de l’offre},
- L. 312-10 { = validité de 30 jours minimum de l’offre, et surtout respect du délai légal de réflexion],
- L. 312-14 2ème alinéa {= l'emprunteur est tenu de rembourser la totalité des sommes que le prêteur lui aurait déjà effectivement versées si la condition résolutoire de la non-conclusion, dans un délai de quatre mois (ou plus, si convenu ainsi) à compter de son acceptation, du contrat pour lequel le prêt est demandé a à jouer}
- L. 312-26 (article rarement en cause : il s’agit des contrats de location-vente ou de location assortis d'une promesse de vente, ce qui vise donc le bailleur).

Il faut ajouter que les articles L313-1 et R*313-1 sont nécessairement en cause également, par le renvoi opéré à leurs dispositions par l’article L. 312-8 pour le calcul du TEG.

Article L312-33 :

Le prêteur ou le bailleur qui ne respecte pas l'une des obligations prévues aux articles L. 312-7 et L. 312-8, à l'article L. 312-14, deuxième alinéa, ou à l'article L. 312-26 sera puni d'une amende de 3 750 euros.
Le prêteur qui fait souscrire par l'emprunteur ou les cautions déclarées, ou reçoit de leur part l'acceptation de l'offre sans que celle-ci comporte de date ou dans le cas où elle comporte une date fausse de nature à faire croire qu'elle a été donnée après expiration du délai de dix jours prescrit à l'article L. 312-10, sera puni d'une amende de 30 000 euros.
La même peine sera applicable au bailleur qui fait souscrire par le preneur ou qui reçoit de sa part l'acceptation de l'offre sans que celle-ci comporte de date ou dans le cas où elle comporte une date fausse de nature à faire croire qu'elle a été donnée après l'expiration du délai de dix jours prescrit à l'article L. 312-27.
Dans les cas prévus aux alinéas précédents, le prêteur ou le bailleur pourra en outre être déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.
 
NB :

- Ce texte prévoit la déchéance des intérêts sans qu’il soit exigé que le vice ait causé un grief à l’emprunteur, ce que confirme la jurisprudence.

- La Cour de cassation (chambre civile 1, 18 février 2009, N° de pourvoi: 05-16774, Cassation) applique la déchéance aussi à un avenant :

« Vu les articles L. 312-8 et L. 312-33 du code de la consommation ;

Attendu que selon le second de ces textes, l'absence d'une des mentions prévue au premier peut être sanctionnée par la déchéance du droit aux intérêts du prêteur ;


Attendu que pour rejeter la demande de déchéance du droit aux intérêts du prêteur résultant de l'absence de mention du TEG sur l'avenant au prêt de 930 000 francs, l'arrêt retient que seule la mention d'un TEG erroné en violation de l'article L. 312-8 du code de la consommation peut entraîner la déchéance du droit aux intérêts dans les termes de l'article L. 312-33 du même code ;


Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes sus-visés par refus d'application ;
»

Mais il faut ajouter que malgré la signature d’un avenant sans vices, si l’offre fondant le contrat initial en contenait, ceux-ci restent (hors effet de la prescription) sanctionnables, l’avenant dépendent du contrat initial.

A la différence du crédit à la consommation, pour lequel la déchéance du prêteur au droit aux intérêts conventionnels est obligatoirement totale (mais les montants en jeu sont plus limités), dans le cas du crédit immobilier cette sanction civile est laissée à la discrétion du juge tant pour son application que pour son montant.

La Cour de cassation ne pourra donc jamais la prononcer elle-même, elle peut juste casser un arrêt qui aurait jugé à tort que la déchéance ne s’appliquait pas au cas d’espèce.

Les juges du fond peuvent parfaitement reconnaître que la banque a violé telle obligation (c’est dans le cas contraire que leur arrêt serait cassé), mais ne pas juger nécessaire, devant la faiblesse de la faute, de prononcer la déchéance, ou de ne la prononcer que pour petite partie des intérêts. La Cour de cassation n’y pourra rien : ce pouvoir est discrétionnaire : les juges n’ont pas à justifier une déchéance totale, ou une déchéance symbolique. En revanche ils doivent motiver leur constatation des fautes, ou de leur absence.

Certains tribunaux tapent très fort, d’autres moins. Ici c’est pour une erreur d’1/34ème du taux seulement qu’elle est totale, et la faute jugée substantielle :

Cour d’appel de Paris, 19 janvier 2001, N° de RG: 1998/18761 :

« Qu’en revanche, il n’est pas sérieusement contesté, la Banque invoquant à ce sujet une erreur matérielle, que le taux effectif global d’intérêt mentionné dans l’offre, soit 17 %, ne correspondait pas à la réalité ; que l’acte authentique, dont les dispositions ne sauraient en tout état de cause être invoquées, puisque c’est à la date de soumission de l’offre qu’il convient d’apprécier l’information des emprunteurs, s’il fait état d’un taux effectif global de 17,50 %, ne présente pas sa décomposition, en intérêt, frais, commissions ou rémunérations de toute nature, au sens des dispositions de l’article L 313-1 du Code de la Consommation, pas plus que l’offre, pour le pourcentage prétendument erroné;

Qu’eu égard à la date de signature du prêt considéré, cette différence d’un demi-point au niveau du taux d’intérêt était de nature à compromettre le caractère éclairé de l’acceptation que M. et Mme X... donnaient, contrairement à ce que la décision entreprise a cru pouvoir considérer, intérêt au taux de 17% n’ayant été réclamé qu’au titre des intérêts moratoires ;

Que les dispositions de l’article L 312-33 du Code de la Consommation relatives à la déchéance des intérêts sont en conséquence applicables ; que c’est de manière erronée que les Premiers Juges ont estimé qu’il ne pouvait être exigé une fixation intangible du taux effectif global, alors que les frais, commissions ou rémunérations visés à l’article L 313-1 alinéa 1 ne correspondent pas aux charges liées aux garanties assortissant éventuellement le prêt, et aux honoraires d’officiers ministériels, qui n’ont effectivement pas à figurer au titre du taux effectif global, lorsqu’ils ne peuvent être déterminés avec précision ;

Que le jugement sera en conséquence infirmé ;

Que la B.R.E.D. se borne à demander le rejet de la demande, sans former de demande subsidiaire quant à la portée de la déchéance ;

Que la Cour prononcera la déchéance pour la totalité des intérêts, en considération du caractère substantiel de la défaillance de la Banque dans l’information due à M. et Mme X...; »

Dernier point important : « l’emprunteur n’en reste pas moins tenu aux intérêts aux taux légal depuis la mise en demeure» (Civ. 1ère, 26 novembre 2002, Bull. n° 288 ; N° de pourvoi : 00-17119 ; Civ. 1ère, 18 mars 2003, N° de pourvoi : 00-17761)malgré la déchéance du droit aux intérêts qui ne supprime (quand elle est totale) que les intérêts exigibles avant elle.
A comparer à :
- la nullité de la clause de stipulation des intérêts dans l’acte notarié, qui entraîne elle le passage au taux légal depuis l’origine du contrat (taux légal tout de même plus avantageux que le taux contractuel).
- la nullité du contrat de prêt en son entier, qui entraîne elle le retour à l’état antérieur au contrat : si l’emprunteur se fait restituer les intérêts payés à la banque, il doit rembourser à celle-ci le capital restant dû, ce qui peut poser problème si aucune autre banque ne veut lui consentir un prêt à cette fin.

En fait la déchéance totale du prêteur au droit des intérêts conventionnels, fondée sur les manquements dans l’offre, est effectivement plus protectrice que la nullité du contrat notarié entier (qui laisse donc le prêt à rembourser) ou de sa seule clause de stipulation des intérêts (donc passage au taux légal dès l’origine…). Toutefois si c’est la banque qui agit contre l’emprunteur, et non l’emprunteur qui assigne la banque en déchéance (ce qu’il faudrait faire sitôt les vices de l’offre perçus), il aura de toute façon le prêt à rembourser dans presque tous les cas.

Notons que la jurisprudence impose une mise en demeure explicite, qui ne se confond pas nécessairement avec la déchéance du terme. L’emprunteur a donc intérêt à ce que la mise en demeure soit intervenue le plus tard possible dans la vie du contrat…mais cela sans que l’effet de la prescription ait pu jouer en faveur de la banque.

Là est en effet le gros problème : en cas de conflit la banque va souvent jouer la montre, afin de faire jouer pour elle la prescription. Mais en outre la réforme du Code civil de 2008 par le législateur a abaissé de beaucoup la durée nécessaire pour prescrire (devinez à qui cela profite !) : elle est passée de 10 à 5 ans.
 
II) Le piège de la prescription :

C’est évidemment sur le consommateur qu’il va se refermer. Il faut donc l’étudier maintenant, avant même les failles à considérer.

Les aléas de la vie jouent surtout au bout de plusieurs années de vie d’un prêt (divorce, chômage, maladie...) et le consommateur, dans la grande majorité des cas, ignore tout des droits qui le protègent : il ne va donc examiner, et encore s’il le fait, les failles de son offre que quand il ne peut plus rembourser son crédit, et donc que la banque agit contre lui (saisie, assignation devant un TGI).
Il est plus rare que ce soit le consommateur, rarement informé, qui agisse contre la banque, et encore plus en l’absence de toute difficulté avec son prêteur.

1) Il faut être dans les 5 ans :

La demande tendant au prononcé de la déchéance des intérêts prévue par l'article L. 312-33 du Code de la consommation, même présentée par voie d'exception, était soumise à la prescription décennale de l'article L. 110-4 du Code de commerce sur les rapports entre professionnels et consommateurs ...mais qui est passée à 5 ans au 20 juin 2008 (Loi n°2008-561 du 17 juin 2008 - art. 15). Ce n’est que lorsqu'une instance a été introduite avant l'entrée en vigueur de la présente loi, que l'action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne. Cette loi s'applique également en appel et en cassation. Peu de gens sont donc concernés désormais par ce délai des 10ans.

Il faut ajouter – car l’erreur est fréquente – que l’exception de nullité dite perpétuelle, opposée à une action venant de la banque, ne peut jouer dès lors qu’un contrat a été exécuté, même seulement en partie.


2) Mais dans les 5 ans de quoi :

Se pose ici la question de la détermination du point de départ de la prescription, et donc celle de la détermination de la date à laquelle les vices dénoncés ont été connus, ce qui peut sauver certains consommateurs du piège des 5 ans. Mais là, il faut trouver un motif qui permette de retarder ce point de départ, et dans la plupart des cas seul le calcul du TEG, qui échappe à un consommateur ‘normal’, pourra être mis en cause.

a) pour le calcul du TEG :

La question posée est de savoir quand le consommateur a pu découvrir les vices affectant le TEG affiché sur son offre (et, dans le cas d’une demande de nullité de la clause de stipulation des intérêts dans l’acte notarié, de celui qui figure dans l’acte).
Ce peut être un courrier de réclamation adressé à la banque, une expertise amiable, etc. Pourvu qu’on soit dans les 5 ans fatidiques.

Mais la charge de la preuve va reposer sur la banque dès lors qu’elle soulève la prescription de la demande de déchéance du prêteur au droit des intérêts conventionnels (demande qui peut être ‘reconventionnelle’ : le consommateur la porte en opposition à une action du prêteur contre lui, cas le plus fréquent ; demande qui peut être contenue dans une action de l’emprunteur contre sa banque, qu’il assigne à cette fin). Ce point peut être capital, en faveur du consommateur.
Exemple, Cour d’appel de Rennes, ct0014, 8 septembre 2006 :

« Qu’il est constant que les dispositions de l’article L.313-1 du Code de la consommation, qui imposent que pour la détermination du TEG soient prises en compte les intérêts, frais et commissions ou rémunérations de toute nature directs ou indirects, sont d’application générale ;
Qu’il est constant également que le délai de prescription de l’action en nullité de la stipulation d’intérêts qui constitue la sanction du défaut de mention du TEG ou de son caractère erroné, court dans ce dernier cas à compter de la découverte de l’erreur ;Que les époux X... estiment qu’ils n’ont pu découvrir cette erreur qu’au vu du rapport du cabinet BCA s’agissant d’une question technique ;
Qu’il revenait donc à la banque de démontrer qu’ils pouvaient avoir une connaissance préalable de ce taux erroné, ce qu’elle ne fait pas ;
Que dès lors, il sera fait droit à la demande tendant au prononcé de la nullité de la stipulation d’intérêt conventionnel et à l’application du taux légal depuis la date d’attribution du prêt ;»

« Que leur contestation reposant sur le cahier des conditions générales de l’offre de prêt conclue le 8 juillet 1986, ils pouvaient dès cette date se convaincre de l’irrégularité dénoncée ; qu’ils ne peuvent invoquer sa découverte tardive, ce qu’ils ne font pas, pour faire repousser le point de départ de la prescription acquise bien avant l’introduction de l’instance le 5 mars 2004»

Explication de ce « la sanction du défaut de mention du TEG ou de son caractère erroné » : il faut savoir qu’au départ c’est l’absence d’indication du taux qui était punie, puis par extension un TEG erroné a été, et légitimement, assimilé à une absence d’indication du taux. Car il y a bien tromperie du consommateur, qui va s’engager – désormais parfois pour 25 ans ou plus – sur de fausses données.

NB : dès lors que le mode de calcul du TEG n’a pasété parfaitement porté à la connaissance de l’emprunteur ce n’est pas de la date de l’offre que partira le calcul de la prescription. C’est ainsi le cas si les mentions nécessaires ne sont pas portées sur l’offre (énonciation et estimation des charges à inclure dans le TEG).

Quand il s’agit d’un crédit pour les besoins d’une activité professionnelle, les juges sont plus restrictifs, avec la formule suivante dans trois arrêts de la Chambre commerciale de la Cour de cassation du 10 juin 2008 (pourvois 06-18906, 06-19452, 06-19905), pris au visa des articles 1304 *, 1907 du Code civil et L. 313-2 du Code de la consommation:

« Attendu qu'en cas de contestation des intérêts payés par un emprunteur qui a obtenu un concours financier pour les besoins de son activité professionnelle, l'exception de nullité de la stipulation de l'intérêt conventionnel ne peut être opposée que dans un délai de cinq ans à compter du jour où il a connu ou aurait dû connaître le vice affectant le taux effectif global (TEG) ; »

* et non de l'article L. 110-4 du Code de commerce, bien entendu.


b) si un dol est intervenu :

Il permet de retarder la détermination du point de départ de la prescription de 5 ans au jour de la découverte du dol. Qui est une erreur provoquée par l’autre partie au contrat, qui a pu se contenter d’une simple réticence dolosive en taisant des informations dont la connaissance aurait amené à ne pas contracter. La jurisprudence a bien progressé en matière de réticence dolosive, mais pour elle comme pour le dol plus élaboré, il faut pouvoir le prouver.

Il se trouve des juges du fond pour retenir –légitimement - qu’un TEG erroné est déjà dolosif, d’autres sont plus attentifs à défendre les intérêts des banques : il y a un courant dans le droit civil assez hostile au droit consumériste, qui introduit un régime particulier, distinct du droit général des obligations.
 
c) s’il s’agit d’une demande de nullité :

Signalons le au passage, même si c’est hors-sujet, car les deux demandes peuvent être faites simultanément (déchéancedu prêteur au droit aux intérêts conventionnels ; nullité de la clause de stipulation des intérêts).
Dans ce cas aussi le délai de 5 ans, issu cette fois de l’article 1304 du Code civil, est à retenir. Et il part également soit de la date du contrat, soit de la découverte de l’erreur ayant vicié le consentement.

Cour d’appel d’Aix-en-Provence, chambre commerciale, 6 décembre 2007, N° de RG: 05/22476 :

« 1. En application de l’article 1304 du Code civil, le point de départ de la prescription de l’action en nullité d’une convention pour cause d’erreur est retardé à la date à laquelle l’erreur a été découverte.

2. Il résulte des articles 1907 du Code civil et L 313-2 du Code de la consommation que le taux effectif global doit être fixé par écrit, cette exigence étant une condition de validité de la stipulation même de l’intérêt.

La méconnaissance de ces textes est sanctionnée par la nullité relative de la clause d’intérêts conventionnels.
L’action tendant à voir mettre en œuvre cette sanction s’éteint si elle n’a pas été exercée dans les cinq ans suivant la signature de l’acte quant celui- ci ne mentionne pas de TEG ou bien lorsque les énonciations de cet acte révèlent en elles- mêmes le caractère erroné du TEG qui y figure.
(…)
A les supposer fondées, ces irrégularités ne se déduisent pas des énonciations de la convention de prêt et de la convention de réaménagement.

Il s’ensuit que les appelants sont fondés à soutenir que le délai de prescription de l’action en nullité des clauses d’intérêts n’a commencé à courir, par application de l’article 1304 du Code civil, qu’à compter de la révélation à l’emprunteur du caractère erroné du TEG.

3. C’est à l’emprunteur, qui s’oppose à la fin de non recevoir tirée de la prescription des actions en nullité, qu’il appartient d’établir que la découverte de l’erreur est intervenue au cours des cinq années ayant précédé la demande en nullité. »

NB : ici c’est l’emprunteur, qui est en outre un professionnel, qui agit contre le prêteur, lequel lui a opposé une fin de non recevoir tirée de la prescription de son action.


Quand la prescription était celle des 10 ans de l’article L. 110-4 du Code de commerce concernant les obligations nées entre commerçants et non commerçants sans distinguer selon la forme en laquelle elles ont été constatées, la nullité de la clause de stipulation des intérêts de l’acte notarié pouvait être demandé dans ce délai, désormais réduit à 5 ans (Cour d’appel de Poitiers, chambre civile 1, 3 octobre 2007, N° de RG: 05/1493).

Le dol peut aussi être invoqué dans ce cas de demande de nullité :

Cour d’appel de Nîmes, arrêt du 15 avril 2008 :

« Sur la recevabilité de l’exception de nullité, la SCI LES AIGUES fait valoir d’une part que le dol ou l’erreur visé par l’article 1304 alinéa 2 du Code Civil découle d’une présentation erronée du TEG ; d’autre part qu’elle n’a pu prendre conscience de la fausseté du TEG avant la naissance d’un contentieux ; que cette fausseté lui a été révélée par le rapport d’étude de la Société IFLC du 13 juillet 2006. Elle estime qu’aucun intérêt n’est dû ».

L'arrêt juge que:

« Sur la prescription de l’action en nullité de la stipulation d’intérêts
L’article 1304 du Code Civil dispose que :
”dans tous les cas où l’action en nullité ou en rescision d’une convention n’est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans.*
Ce temps ne court dans le cas de violence que du jour où elle a cessé ; dans le cas d’erreur ou de dol, du jour où ils ont été découverts.”
En cas de mention du TEG erroné dans un contrat de prêt, la prescription quinquennale de l’action en annulation de la stipulation d’intérêts litigieux commence à courir à compter de la révélation à l’emprunteur d’une telle erreur.
En l’espèce, le fait allégué comme révélation de la mention d’un TEG erroné est le rapport de la Société INTER FINANCE LOISON CRESPY du 13 juillet 2006 ; la circonstance que l’emprunteur aurait eu à sa disposition les données requises pour en faire la vérification au moment du prêt, n’implique pas, s’agissant d’un non-professionnel de la finance, qu’il pouvait ou devait connaître l’erreur alléguée au moment ou dans un temps voisin de la signature du contrat ;
La BANQUE CHAIX ne fait état d’aucun événement ou document antérieur au rapport de la société INTER FINANCE LOISON CRESPY qui aurait éclairé l’emprunteur.
La demande d’annulation formée par la SCI LES AIGUES par dire du 18 septembre 2006 n’est donc pas prescrite ; le jugement du 8 mars 2007 sera de ce chef confirmé. »


(à suivre)
 
d) date de l’offre et date de l’acte notarié :

La date et le document à considérer diffèrent selon qu’il s’agit d’une demande de déchéancedu prêteur au droit aux intérêts conventionnels ou d’une demande de nullité de la clause de stipulation des intérêts.

C’est à la date de soumission de l’offre exclusivement qu’il convient d’apprécier l’information des emprunteurs dans le cadre de l’information due aux emprunteurs : un TEG qui y est erroné ne sera pas ‘compensé’ par un TEG exact dans l’acte notarié. Ce qui est logique, puisque c’est sur cette base que se forme le consentement, et capital.

Cour d’appel de Paris, 19 janvier 2001, N° de RG: 1998/18761 :

« Dès lors qu’à la date de la signature du prêt considéré, peut être relevée, entre le taux effectif global mentionné dans l’offre et celui réellement pratiqué par la banque, une différence d’un demi-point de nature à compromettre le caractère éclairé de l’acceptation de l’emprunteur, les dispositions de l’article L. 312-33 du Code de la consommation relatives à la déchéance des intérêts ont vocation à s’appliquer, et cela, quelles que soient les dispositions de l’acte authentique, étant entendu que c’est à la date de soumission de l’offre qu’il convient d’apprécier l’information des emprunteurs ».

Cour d’appel de Colmar, 12 mai 2005 :

« c’est au moment de l’acceptation de l’offre qu’il convient de se placer pour vérifier si les époux Y... ont bénéficié d’un contrat régulier les informant clairement de leurs droits et obligations, soit nécessairement à une date antérieure à la signature de ces actes notariés. »

Cour d’appel de Paris, 11 janvier 2002, N° de RG: 1999/12617 :

« Mais considérant que ce texte s’insère dans un ensemble de dispositions destinées à assurer à l’emprunteur une information précise lui permettant, avant de prendre sa décision, d’apprécier l’effort financier à consentir et l’évolution, dans le temps, de sa dette ;

Que dès lors, une information qui ne précède pas la décision de l’emprunteur ne répond, ni à l’objectif, ni aux prescriptions de ces textes ; »

Mais cela pose aussi la question – qui sera traitée plus loin - des informations que la banque pouvait, à cette date, et devait, inclure dans le calcul du TEG, mais aussi celle des charges qu’elle devait simplement énoncer et estimer (si un chiffrage précis en était impossible).

Il faut distinguer, là encore, entre offre et acte notarié :

- des tolérances existent, de plus en plus limitées, pour exclure certains coûts du calcul du TEG dans l’offre ;
- en revanche il n’y a plus aucune tolérance pour le TEG dans l’acte notarié.

Dès lors rien ne peut être écarté du calcul du TEG dans l’offre qui ne sera pas mieux connu au moment de calculer le TEG dans l’acte notarié. Ce qui est capital pour établir les tolérances en cause : ainsi d’une assurance-incendie par exemple, rien ne s’opposant à ce que son coût soit déjà connu lors de l’émission de l’offre, hors circonstances exceptionnelles.
(à suivre)
 
e) La notion d’ordre public :

L’article L313-17 du Code de la consommation issu de la LOI n° 2010-737 du 1er juillet 2010 - art. 22 (c’était le L313-16 avant) fait que les dispositions des chapitres Ier (Crédit à la consommation) et II (Crédit immobilier) et des sections 2 à 8 du chapitre III (celles communes aux chapitres Ier et II) du titre I (Crédit) du Livre III (Endettement) de ce code sont d'ordre public, donc cela concerne tous les articles en cause…sauf les dispositions de la section 1 (Le taux d'intérêt : taux effectif global et taux d'usure ) de ce chapitre III.
Donc les articles concernés sont les articles L. 312-7, L. 312-8, L. 312-10, L. 312-14, L. 312-11, L. 312-26, L312-33 & L312-34, mais pas L313-1 ni L313-2 sur le TEG. C’est pour le moins fâcheux comme le taux effectif global et le taux d'usure (usure de moins en moins réprimée) sont des éléments capitaux.

Le citoyen doit donc être conscient que des lois assez discrètes peuvent affecter gravement sa protection en tant que consommateur, comme cela a été fait en 2008 (prescription). Un ancien secrétaire d’Etat notait par exemple dans un livre récent sur les conflits d’intérêt que les fonctions dans le privé du rapporteur de la loi sur le surendettement qu’il défendait posaient problème.
Je précise toutefois, pour les contrats antérieurs à la prise d’effet de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, qu’a été établi dans son dernier article (le 26) un régime de transition qui réclame une lecture attentive du II pour être bien compris dans le cas du jeu de la prescription de l'article L. 110-4 du Code de commerce réduit de 10 à 5 ans:

II. ― Les dispositions de la présente loi qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
III. ― Lorsqu'une instance a été introduite avant l'entrée en vigueur de la présente loi, l'action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne. Cette loi s'applique également en appel et en cassation.
Prenons un contrat de prêt :
- de 1999 : non encore prescrit sous l’ancien système, en 2008 on va lui appliquer la durée réduite de 5 ans…mais comme la durée totale ne peut excéder la durée prévue par la loi antérieure, la prescription restera acquise en 2009 et non en 2013.
Les prescriptions auxquelles il restait en 2008 moins de cinq ans à courir se prescriront à la date initialement prévue.
- de 2007 : au lieu d’aller jusqu’en 2017, on va lui appliquer la durée réduite de 5 ans, la prescription sera acquise au bénéfice de la banque en 2013.
Pour les prescriptions en cours auxquelles il restait en 2008 plus de cinq ans à courir, le nouveau délai de prescription de cinq ans partira pour elles à compter de l'entrée en vigueur de la loi.
Le problème avec la notion d'ordre public est aussi que la jurisprudence (et non la loi) a établi une distinction entre 2 catégories de dispositions d'ordre public :

- les unes ne relèvent que de l’ordre public de protection : seul le consommateur peut les invoquer (élément en principe favorable : par exemple la banque ne peut demander la nullité du prêt), et jusqu’à la réforme de 2008 la prescription était plus courte (élément défavorable cette fois!). La loyauté contractuelle impose à la banque de donner les bases d’un consentement éclairé, la jurisprudence reconnaît du reste qu’un TEG erroné est potentiellement dolosif. Ainsi le TEG devrait plus explicitement relever de dispositions d'ordre public : on peut considérer que cela est bien le cas malgré le statut de l’article L312-33 du Code de la consommation puisque le renvoi est opéré sur eux par l’article L. 312-8 (qui est lui d'ordre public) pour le calcul du TEG.

Cet autre exemple très important ne relève lui aussi que de l’ordre public de protection, pour toutes les ambiguïtés éventuelles du contrat de prêt, notamment ceux à taux révisable : l’article L. 133-2 du Code de la consommation issu de la loi du 1er février 1995, dont le second alinéa dispose que les clauses des contrats proposés par les professionnels aux consommateurs ou aux non-professionnels « s’interprètent en cas de doute dans le sens le plus favorable au consommateur ou au non-professionnel ». Mais là c’est légitime.

- les autres relèvent de l’ordre public de direction, donc du rôle de régulation des activités économiques que l’Etat entend voir respecté, par exemple dans le domaine de la concurrence. Là jusqu’à la réforme de 2008 la prescription était plus longue, et tout intéressé peut agir, y compris l’Etat bien entendu.

Outre la faiblesse déjà signalée de la protection du consommateur par une durée de prescription bien trop courte, qui va jouer contre lui dans la grande majorité des cas (songeons que l’on voit des prêts dépasser les 25 ans !), il faut bien voir que la banque qui fausse totalement la concurrence entre établissements bancaires en minorant systématiquement le TEG de ses prêts immobiliersviole également, en fait, l’ordrepublic de direction.


Le juge Nicolas MONACHON-DUCHENE [Semaine Juridique - Edition Générale, 2004; 78 (30)], a excellemment écrit que:

« L'ordre public se définit par ce à quoi il ne peut être dérogé. Qu'il soit qualifié de direction ou de protection, il reste l'ordre public. Il s'agit du bloc légal intangible, qui fonde l'ensemble du corpus juridique. Si cet ordre public peut admettre des dérogations, dès lors que l'emprunteur est seul autorisé à en réclamer le bénéfice, par son action en nullité relative, avec la faculté de régularisation de celle-ci, cet ordre perd de sa force. (…) C'est un ordre qui s'apparente à un intérêt privé. Ce n'est plus l'ordre public. Plus encore, qualifier un ordre public de protection de mesures édictées dans l'intérêt des particuliers et protectrices d'un intérêt privé c'est demeurer aveugle sur le fait qu'au-delà du particulier protégé, la loi protège également, et avec la même force, le marché du crédit immobilier, la loyauté de la concurrence entre les opérateurs et son effectivité. Protéger le consommateur c'est aussi protéger le marché. Ces considérations permettent de situer cet ordre public également dans l'ordre public de direction. »

« Seuls les plus informés seront protégés, alors que la loi a prévu cette protection en posant pour axiome que les emprunteurs sont des parties faibles, puisque nécessitant une protection, et peu au fait de leur droit. »

Ce qui revient à dire que les emprunteurs les moins informés, les plus exposés aux défaillances, souvent ceux qui auront le moins compris leur contrat, se verront face à une action de la banque contre eux alors que par jeu de la prescription le prêteur ne risquera, lui, plus rien comme sanction, qu’elle soit pénale (3 ans) ou civile (5 ans). Sauf si la découverte de l’erreur a été assez tardive.

C’est une des raisons d’être de ce tutoriel…

Passons maintenant aux situations permettant, si l’on n’est pas prescrit, de demander la déchéance (ou, éventuellement, la nullité de la clause de stipulation des intérêts, la nullité du contrat entier, elle, sera plus difficile à faire valoir).


(à suivre)
 
J’ajoute à ce qui précède au sujet de la réforme de 2008 des règles de prescription que la vieille prescription extinctive de droit commun de feu l’article 2262 du Code Civil est passée elle aussi à cinq ans, contre trente ans auparavant. Bien entendu les règles de prescription concernant l'État sont elles restées inchangées. Cette réforme assez scandaleuse a pourtant peu attiré l’attention des medias !

III) Les dispositions pouvant être violées par la banque (1) : 2 délais sur 3 sont en cause

Il y a en effet 3 délais pouvant être en cause, mais seul le dernier, le délai légal de réflexion, a une grande importance.

1) le délai de validité de l’offre préalable de prêt (30 jours au moins) :

Il vient de l’article L. 312-10du Code de la consommation :

L'envoi de l'offre oblige le prêteur à maintenir les conditions qu'elle indique pendant une durée minimale de trente jours à compter de sa réception par l'emprunteur.

Ce délai écoulé, la pollicitation (l’offre de contracter émise par la banque) est caduque. Il est à conseiller de demander un délai plus long, mais je doute qu’il soit accordé :

- la banque préfère mettre la pression sur l’emprunteur afin d’éviter qu’il ne se tourner vers la concurrence, s’il n’a pas pris soin de demander plusieurs offres simultanément ;
- les taux peuvent monter.

Il est donc dangereux pour l’emprunteur de s’exposer à voir l’offre bancaire de contracter devenir caduque si seule sa négligence est en cause. Une offre de contracter non acceptée dans les délais prévus par le pollicitant c'est équivalent d’un refus de ces conditions : les pourparlers sont rompus.

Il faut savoir en effet:

- qu’une banque n'a nulle obligation de prêter, le ‘droit au crédit’ n’existe pas. Elle n’a pas non plus à justifier les motifs de son refus, et encore moins auprès d’un vendeur qui cherchera souvent à savoir, afin de bénéficier de la clause pénale malgré un refus de prêt subi par son acquéreur, si ce refus n’était pas de complaisance : le secret bancaire s’y oppose.

- la banque ne pourra pas non plus être attaquée (en dommages-intérêts du droit civil général) pour rupture abusive de pourparlers :elle a fait une pollicitation à des conditions qui semblaient devoir intéresser l'emprunteur mais elles ont été refusées par celui-ci, elle n'a nulle obligation d'émettre une nouvelle offre. Il n'y a là aucune mauvaise foi contractuelle du côté de la banque, on peut imaginer que l'emprunteur a été averti avant l'émission de l'offre de ses conditions, si elles ne le satisfaisaient pas il ne tenait qu'à lui de rompre les pourparlers ou de les poursuivre afin d’obtenir de meilleures conditions de prêt.

- rien dans le Code de la consommation n’oblige non plus la banque à émettre une nouvelle offre, on ne peut encourager le tourisme de l’emprunteur qui s'amuserait à faire émettre une offre par 4 banques, et qui, passé le délai de 30 jours, sans en avoir accepté aucune, voudrait que les banques en émettent une autre automatiquement.
Ce serait aussi irréaliste : pourquoi la banque, hors baisse des taux, améliorerait-elle des conditions après que l'emprunteur se soit quelque peu payé sa tête ? Imposer aux banques une obligation d'émettre une nouvelle offre (ce qui n'existe pas encore) serait dans ces conditions absurde: pour dévoyer cette règle il leur suffirait, dans la limite du taux d'usure, de partir d'un taux nominal inacceptable.

Le prêteur est seulement obligé à maintenir les conditions de l’offre pendant une durée minimale de trente jours à compter de sa réception par l'emprunteur, et non à réémettre éternellement des offres. La phase pré-contractuelle ayant abouti à cette émission d’une offre ne valait que pour les conditions y étant stipulées, elle n’a aucune autre obligation, ni en droit général des contrats, ni en droit consumériste.

Ainsi passé ces 30 jours (si la banque s'en tient là, ce qui est la règle apparemment) les conditions ne sont plus valables et donc il n'y a plus d'offre. Le candidat à l’emprunt devra repartir de zéro.

En outre depuis 1999 toute modification des conditions d'obtention d'un prêt (= offre non encore acceptée) passent par l'émission d'une nouvelle offre (et non par avenant). Si, et seulement si, dans ce cas, la banque y consent.


2) le délai d’effet de la clause résolutoire (4 mois au moins) n’est lui pas concerné :

Il vient de l’article L. 312-12du Code de la consommation. Mais cet article n’est pas susceptible d’amener la déchéance du prêteur au droit aux intérêts conventionnels, ce qui est assez normal (le prêt ne devant pas survivre au jeu de cette clause) sauf indirectement, si cela a amené la banque a refaire une seconde offre faussement datée, ce qui ne doit guère se rencontrer. On voit mal pourquoi une banque s’entêterait à le violer, en outre.

L'offre est toujours acceptée sous la condition résolutoire de la non-conclusion, dans un délai de quatre mois à compter de son acceptation, du contrat pour lequel le prêt est demandé.

Le contrat de prêt (l’offre acceptée) n'est donc pas encore définitif: cette clause résolutoire (si elle joue, le contrat n'est pas 'caduque', mais résilié) est d'ordre public.
L'emprunteur peut toujours redemander à contracter de nouveau s’il s’agit d’un simple retard dans le traitement de son dossier, mais la banque est libre d'émettre (à conditions identiques, si par exemple les taux avaient baissé, ou différentes de la 1ère offre), ou de refuser d'émettre, une nouvelle offre valable 30 jours (ou plus, si…).

Ce texte est destiné à protéger le consommateur : il ne doit pas se trouver embarqué dans un prêt pour 10,15 ou 25 ans si l’opération à financer ne se fait pas. Parfois il se retourne contre lui s’il ne s’agit que d’un retard extérieur à sa volonté (notaire, permis de construire lent à être accordé…).

J’ajoute que le prêt sera ultérieurement annulable si le permis de construire devait être lui-même annulé par le juge administratif, suite à un recours.

Les parties peuvent convenir d'un délai plus long que celui défini à l'alinéa précédent.

Il est à conseiller de faire cette demande, qui ne sera pas forcément acceptée, si on peut craindre des retards (genre demande de permis de construire à rallonge).

3) le gros morceau, le délai légal de réflexion (10 jours entiers) :

Il vient lui aussi de l’article L. 312-10du Code de la consommation, rappelé en outre par L. 312-8, tant il est capital :

L'offre est soumise à l'acceptation de l'emprunteur et des cautions, personnes physiques, déclarées.
L'emprunteur et les cautions ne peuvent accepter l'offre que dix jours après qu'ils l'ont reçue.
L'acceptation doit être donnée par lettre, le cachet de la poste faisant foi.

Le juge Nicolas MONACHON-DUCHENE [Semaine Juridique - Edition Générale, 2004; 78 (30)], écrit fort bien que:

« L'emprunteur ne doit pas accepter l'offre avant l'expiration du délai de dix jours ; dans le cas où il le ferait toutefois, il n'est pas admis à " régulariser " cette infraction en renouvelant son acceptation après le délai de dix jours ; la Cour de cassation a jugé, dans un arrêt du 30 mars 1994 (Cass. 1re civ., 30 mars 1994, n° 92-13.653, Mme Laszlo c/ Crédit du Nord : Bull. civ. 1994, I, n° 130) que l'inobservation de la règle d'ordre public, édictée par l'article L. 312-10, alinéa 2, ne peut être couverte par la réitération de l'acceptation.
Si l'emprunteur accepte l'offre avant l'expiration du délai de dix jours, cela peut être pour obtenir plus vite son prêt et réaliser plus vite son opération immobilière. Mais ce faisant, il se prive de la faculté d'examiner avec tout le soin nécessaire l'offre et de la possibilité de la comparer à celles que la concurrence peut lui proposer.
Il est évident que l'examen attentif et la possibilité de comparaison sont des considérations qui priment sur celle de la célérité de l'opération. La rapidité de l'opération ne profiterait en somme qu'au prêteur, l'emprunteur succombant à ses charmes sans être en mesure de s'assurer de ceux des autres opérateurs sur le marché et sans apprécier la réelle valeur des conditions qui lui sont proposées.
Que ce soit de par sa précipitation, ou pressé par le prêteur, l'emprunteur peut donc être amené à accepter l'offre avant l'expiration du délai légal de réflexion. En cette circonstance, l'emprunteur est privé de la protection que la loi lui accorde - impérativement. Son consentement n'aura pas été éclairé dans les conditions exigées.
Cette violation de l'impératif légal appelle une sanction. »
 
a) Ce délai se calcule ainsi :

- le jour de réception ne compte pas ;
- on compte 10 jours entiers, et le dernier jusqu’à 24 H;
- le courrier ne peut partir que le lendemain.

Plus simplement : date d’acceptation = jour de réception + 11 au minimum.
Pour une réception datée du 10, un envoi du 20 sera irrégulier, et la banque doit le refuser.

NB : la date d’acceptation n’est pas celle portée sur l’offre par l’emprunteur mais – et le texte de l’article L. 312-10du Code de la consommation empêche de juger autrement – celle du cachet de la poste sur l’enveloppe de retour. Ainsi une banque ne pouvant produire cette enveloppe en justice ne pourra qu’être sanctionnée pour violation du délai légal de réflexion ...si l’emprunteur utilise ce moyen.
C’est en effet sur la banque que repose la charge de cette preuve. Il s’agit de règles de forme.

b) les règles de forme, l’envoi postal :

Si l’article L. 312-7du Code de la consommation dispose que :

le prêteur est tenu de formuler par écrit une offre adressée gratuitement par voie postale à l'emprunteur éventuel ainsi qu'aux cautions déclarées par l'emprunteur lorsqu'il s'agit de personnes physiques.

il ne contraint pas la banque à faire cet envoi postal obligé en recommandé avec avis de réception (R-AR).

Il en va de même pour le retour de l’offre par l’emprunteur, et s’il doit lui aussi être fait par voie postale c’est parce qu’il serait trop facile de faire signer n’importe quoi n’importe où (bureaux de la banque ou domicile de l’emprunteur) et sur le champ, sans réflexion, si ces 2 contraintes n’étaient pas imposées.

La question posée est donc de savoir si ces exigences sont de forme, seulement, ce qui est la position de la jurisprudence, ou devraient être aussi de fond. Cela gouverne aussi le régime des nullités, plus souple en matière de violation des règles de forme que de celles de fond.

c) sanction pénale :

La lecture de la disposition pénale d’amende de 30 000 euros est forcément stricte (le droit pénal ne permet pas de faire autrement !). La banque ne peut donc la subir que si elle a fait souscrire par l'emprunteur ou les cautions déclarées, ou a reçu de leur part l'acceptation de l'offre sans que celle-ci comporte de date ou dans le cas où elle comporte une date fausse de nature à faire croire qu'elle a été donnée après expiration du délai de dix jours prescrit à l'article L. 312-10. Mais cela ne vaut que si la banque a elle-même faussement daté son offre, ou, cas plus fréquent, accepté un prêt que l’emprunteur aurait accepté par une violation du délai légal dont elle avait connaissance. Par exemple si l’emprunteur a porté une date de réception de l’offre impossible, ou une date d’acceptation postérieure à son retour, la banque était en mesure d’apprécier qu’il y avait eu une telle violation du délai légal : elle devait refuser le contrat, illégalement formé devant l’ordre public.

Ce qui explique que des banques demandent parfois de leur retourner avec l’offre l’enveloppe de l’envoi qu’elles en avaient fait à l'emprunteur, si cet envoi était en courrier simple : toutefois la quasi-totalité d’entre elles ont recours au recommandé avec avis de réception. Elles se pré-constituent ainsi la preuve de la date de réception de l’offre par l'emprunteur… ce qui rend encore plus nécessaire une bonne vérification du respect du délai.

Seule une banque acceptant de violer le droit de la consommation ne fera ni envoi R-AR, ni demande de retour de l’enveloppe de son propre envoi.


d) La portée des mentions inscrites par l’emprunteur lui-même sur l’offre :

L'emprunteur peut contester en justice, sans conséquences défavorables pour lui, les dates qu’il a lui-même portées sur l’offre s’il utilise le moyen d’une violation du délai légal de réflexion connue de la banque afin d’obtenir sa déchéance.
Ce n’est pas choquant :

- l'emprunteur ne peut renoncer à la protection qui lui est assurée par l’ordre public ;

- c’est l'emprunteur qui est pressé de contracter (parfois par la faute de la banque, qui a traîné dans le montage de son dossier), le forum, et d’autres aussi, sont remplis de ces interrogations d’emprunteurs inquiets, prêts à tout pour avoir leur prêt au plus vite, et rageant contre ce délai.
C’est à la banque de le faire respecter, et ce d’autant plus qu’elle a souvent intérêt à brusquer les emprunteurs afin de les empêcher d’aller voir la concurrence, ou même, pire, de comprendre un contrat trop complexe (à taux variable par exemple).

La jurisprudence est bien établie :

Cour d’appel d’Aix-en-Provence, chambre commerciale, 6 décembre 2007, N° de RG: 05/22476 :

« Les appelants, auxquels incombe la charge de la preuve, ne démontrent pas que les dates de réception des offres portées sur les formulaires d’acceptation sont erronées. »

Donc a contrariola preuve apportée par l’emprunteur contre les mentions qu’il a portées est possible, et bien recevable. Ici, simplement, les emprunteurs n’ont pu prouver l’inexactitude des dates qu’ils ont eux-mêmes portées et dont ils contestaient la véracité.

L’arrêt de cassation qui suit établi que :

- la mention de la date de réception portée par l’emprunteur n’est pas probante contre lui ;
- la banque doit prouver le respect du délai légal dès lors que ce point est contesté, la charge de la preuve de sa violation n’incombe pas à l’emprunteur.

Cour de cassation, chambre civile 1, 29 octobre 2002, N° de pourvoi: 99-17333
Publié au bulletin - Cassation partielle.



« Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Vu les articles L. 312-10, alinéa 2, et L. 312-33 du Code de la consommation ;
Attendu que, selon le premier de ces textes, l'acceptation de l'offre d'un prêt immobilier, qui doit intervenir à l'expiration du délai de 10 jours après sa réception, doit être donnée par lettre, le cachet de la poste faisant foi ; qu'en application du second, la seule sanction civile de l'inobservation de cette règle de forme est la perte, en totalité ou en partie, du droit aux intérêts dans la proportion prévue par le juge* ;
Attendu que, suivant offre préalable que les époux X... ont déclaré avoir reçue par voie postale le 18 août 1992, le Crédit foncier de France leur a consenti un crédit immobilier qui a été constaté par acte authentique le 11 septembre 1992 ; que, soutenant que la banque ne prouvait pas que le délai de 10 jours pour accepter l'offre avait été respecté et que leur acceptation avait été expédiée par voie postale, les emprunteurs ont fait assigner, en mars 1996, le Crédit foncier pour le faire déclarer déchu du droit aux intérêts ;
Attendu que pour débouter les époux X... de leur demande, l'arrêt infirmatif attaqué retient, d'une part, qu'ayant signé une déclaration selon laquelle ils avaient accepté l'offre le 29 août 1992 et reconnu être en possession d'un exemplaire, la preuve de son acceptation après le délai de 10 jours était ainsi établie et, d'autre part, que les sanctions prévues à l'article L. 312-33 du Code de la consommation s'appliquent uniquement lorsque l'acceptation de l'offre n'est pas datée ou comporte une date fausse de nature à faire croire qu'elle a été donnée après l'expiration de ce délai ;
Attendu qu'en se prononçant par ces motifs, alors que l'acceptation n'avait pas été donnée dans la forme prescrite par l'article L. 312-10 du Code de la consommation, de sorte que l'acte invoqué ne faisait pas foi de la date de l'acceptation et que la déchéance du droit aux intérêts était encourue par le prêteur, la cour d'appel a violé les textes susvisés, le premier, par fausse application, et le second, par refus d'application ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en ce qu'il a débouté les époux X... de leur demande en déchéance du droit aux intérêts, l'arrêt rendu le 14 mai 1999, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; »

Publication : Bulletin 2002 I N° 255 p. 196

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, du 14 mai 1999

* notons toutefois que cela ne concerne pas la violation éventuelle du délai légal, mais l’absence d’envoi postal de l’offre.

Titrages et résumés : PROTECTION DES CONSOMMATEURS - Crédit immobilier - Offre préalable - Acceptation - Délai de dix jours - Preuve - Moyen - Cachet de la poste – Portée .

Il résulte des articles L. 312-10, alinéa 2, et L. 312-33 du Code de la consommation que l'acceptation de l'offre de prêt immobilier, qui doit intervenir à l'expiration du délai de dix jours après sa réception, doit être donnée par lettre, le cachet de la poste faisant foi et que la seule sanction civile de l'inobservation de cette règle de forme est la perte, en totalité ou en partie, du droit aux intérêts dans la proportion prévue par le juge. Lorsque l'acceptation n'a pas été donnée dans la forme prescrite par l'article L. 310-12 susvisé, le prêteur encourt la déchéance du droit aux intérêts dès lors que l'acte contenant cette acceptation ne faisait pas foi de sa date.


 
e) La sanction civile de déchéance du prêteur du droit aux intérêts :

Elle interviendra donc, si le juge le veut bien, non pas pour toute violation du délai légal mais uniquement si la banque a :

- faussement daté son offre, ce que l'emprunteur aurait du mal à prouver en l’absence de courriers établissant cette fausseté ;

- accepté une offre sans date d’acceptation, ce qui revient à dire sans date d’acceptation prouvée par le cachet de la poste qui seul fait foi, il peut s’agir d’une absence de retour postal, ou de l’incapacité de la banque à produire l’enveloppe de retour (qu’elle soit perdue, ou à même de prouver la violation du délai légal !) ;

- accepté une offre avec fausse date d’acceptation, qui donc lui était connue comme étant impossible. A noter que cela comprend la fausse date de réception dès lors que la banque en avait aussi connaissance (soit par l’avis de réception, soit parce que celle portée serait antérieure à l’envoi). En effet le but est bien qu’il soit possible de vérifier le respect du délai légal de réflexion : dès lors une banque qui ne procède pas à l’envoi en R-AR de l’offre se met en mauvaise posture puisqu’elle ne pourra pas prouver son propre envoi postal (sauf si elle réclame le retour de son enveloppe, gymnastique avaricieuse), déjà, alors que la charge de la preuve lui en incombe en cas de contestation, ni qu’elle ait pu vérifier la date de réception. Cette économie de bout de chandelle peut donc se révéler bien coûteuse pour elle en cas de conflit.

Mais si la violation du délai légal est restée inconnue de la banque, sans aucune fraude du prêteur ou acceptée par lui, elle ne peut être sanctionnée ni pénalement (amende), ni civilement (déchéance).


f) Contre l’acte notarié la procédure d’inscription de faux ne sera pas nécessaire :

Quand le notaire se contente, sans interroger les parties, de retranscrire les mentions fausses portées sur l’offre par l'emprunteur, la contestation de ces dates ne nécessite pas d’en passer par la lourde procédure d’inscription de faux contre les actes authentiques, qui ne vaut que pour ce que le notaire a fait, ou pour ce qui s’est passé en sa présence :

« l'acte authentique ne fait foi jusqu'à inscription de faux que des faits que l'officier public y a énoncés comme les ayant accomplis lui-même ou comme s'étant passés en sa présence dans l'exercice de ses fonctions »
(entre autres : Cass. 1re civ., 16 juill. 1969 : Bull. civ. I, n° 277. - Cass. 3e civ., 7 mars 1973 : Bull. civ. III, n° 185. - Adde Cass. req., 15 févr. 1897 : DP 1897, 1, p. 582. - Cass. com., 20 oct. 1958 : D. 1958, p. 748. - Cass. 1re civ., 26 mai 1964 : JCP G 1964, II, 13758, note R.L. - Cass. com., 16 juill. 1980 : Bull. civ. IV, n° 298. - Cass. 1re civ. 4 mars 1981 : Bull. civ., I, n° 79.)

5) et pour une demande de nullité du contrat ?

J’aborde cette question, hors-sujet, car certains emprunteurs peuvent avoir intérêt à soulever la nullité du contrat si leur consentement a été irrégulièrement formé alors qu’ils ne sont pas certains d’obtenir la déchéance du droit aux intérêts du prêteur, mais cela supposera :
- de rembourser le prêt, la banque remboursant les intérêts déjà payés ;
- et cette fois la durée des 5 ans de prescription n’est pas susceptible d’être allongée (erreur pouvant être découverte dès l’origine !) sauf en cas de dol.

Elle ne relève pas du droit de la consommation (qui ne prévoit que la perte, en totalité ou en partie, du droit aux intérêts du prêteur s’il est – et seulement si ! - partie prenante de cette violation du délai légal) mais du droit civil général.

D’une part le consentement a été irrégulièrement formé (en violation de l’ordre public de protection : seul l'emprunteur pourra donc s’en prévaloir, dans un délai de 5 ans), mais d’autre part se pose la question de l’effet de la réitération du contrat lors de l’acte notarié (qui suit quasiment toujours un contrat de prêt sous seing-privé, du fait de la nécessité de constituer une garantie, et de l’intérêt pour la banque d’avoir un titre exécutoire *) pouvant effacer ou pas le vice de l’acceptation initiale.

* intérêt qui a bien été affaibli par l’évolution de la jurisprudence, qui ne traite pas les autres titres exécutoires de la même façon que ceux constitués par les décisions de justice. En pratique toute banque agissant par saisie contre son emprunteur défaillant sur la base de l’acte notarié va se retrouver devant le juge de l’exécution (JEX) qui peut porter atteinte à sa créance en en constatant la prescription ou en prononçant la déchéance des intérêts, en plus de la question des irrégularités éventuelles de procédure.

L’emprunteur ne peut renoncer au bénéfice de la règle d'ordre public (sauf s’il y a ensuite un renouvellement de l’acceptation constaté par acte authentique, et non une reprise des termes de l’acceptation irrégulière, cf. arrêt du 18 janvier 2000 ci-dessous). Mais l’action doit être engagée avant 5 ans.

Civ. 1ère, 9 décembre 1997, Bull. n° 368 , N° de pourvoi : 95-15494 ; Cassation :

« Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Vu les articles L. 312-10, alinéa 2, et L. 313-16 du Code de la consommation ;
Attendu, selon le premier de ces textes, que l'emprunteur ne peut accepter l'offre que dix jours après l'avoir reçue ; que, selon le second, les dispositions applicables en matière de crédit immobilier sont d'ordre public ;
Attendu que Mme Savoie a formé une demande de prêt immobilier auprès de la banque Sovac immobilier ; qu'elle a assigné la banque en nullité du contrat de prêt pour violation des articles 5 et 7 de la loi du 13 juillet 1979 ;
Attendu que, pour débouter Mme Savoie de sa demande, l'arrêt attaqué relève qu'aprèsavoir reçu l'offre le 17 décembre 1990 celle-ci a signé l'acte de prêt chez le notaire le 26 décembre suivant, soit le dixième jour après avoir pris connaissance de l'offre, que le contrat de prêt a été exécuté, que ce n'est que deux ans après l'avoir signé qu'elle a assigné la banque en nullité de ce contrat, qu'enfin, Mme Savoie n'allègue aucun grief né du non-respect des dispositions légales auquel elle a prêté son concours ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'acceptation avait été donnée avant l'expiration du délai de dix jours suivant la réception de l'offre, et que la renonciation au bénéfice des dispositions d'ordre public de l'article L. 312-10 du Code de la consommation n'est pas possible, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; »

Publication : Bulletin 1997 I N° 368 p. 249

La méconnaissance des dispositions d’ordre public est sanctionnée non seulement pénalement mais encore par la nullité (virtuelle et non textuelle donc) du contrat même s’il ne s’agit pas ici d’un prêt immobilier (Civ. 1ère , 7 octobre 1998, Bull. n° 290 p. 201– N° de pourvoi : 96-17829) : « il est interdit au professionnel d'obtenir du client démarché à son domicile, avant l'expiration du délai de réflexion, directement ou indirectement, à quelque titre que ce soit, une contrepartie ou un engagement quelconque ».
 
La jurisprudence appliquant la déchéance pour la violation du délai légal est critiquée, le magistrat Nicolas MONACHON-DUCHENE déjà cité est partisan d’une interprétation extensive des textes consuméristes que justifie pour lui a violation de ce qu’il considère comme une règle de fond (il est possible que l’évolution de la jurisprudence aille dans ce sens, cela a déjà été le cas pour le crédit à la consommation, tant par l’action de certains juges du fond – dont un médiatisé dans une œuvre littéraire – que par celle de la CJUE).

Il fait valoir quant au débat sur la nature de l’ordre public à considérer que :

- la cohérence de la jurisprudence de la Cour de cassation est en cause (arrêt du 30 mars 1994 : l'emprunteur ne peut pas régulariser sa première acceptation donnée pendant le délai de réflexion et couvrir la nullité encourue par une seconde acceptation donnée après le délai de dix jours. Alors que le propre d'une nullité relative est de pouvoir être couverte par celui qu'elle entend protéger). On peut néanmoins lui objecter que la réitération telle que l’accepte la Cour de cassation cette fois dans un acte notarié ne se contentant pas de reprendre les énonciations fautives de l’offre, mais lui substituant une nouvelle acceptation, répond bien à cette possibilité.

- l'ordre public se définit par ce à quoi il ne peut être dérogé.

Qui qu’il en soit la Cour de cassation ne considère pas, du moins pour le moment, qu’il soit impossible de faire dans un acte notarié une nouvelle acceptation elle régulièrement formée. Mais elle y met des conditions très strictes.

C’est l’arrêt de Civ. 1ère, 18 janvier 2000 (Pourvoi n° 97-20.750) qui, tout en rappelant que la confirmation de l’acceptation irrégulière n’était pas possible a jugé qu’une nouvelle acceptation devait être admise :

« Vu l'article L. 312-10 du Code de la consommation, ensemble l'article L. 313-16 du même Code;
Attendu que pour annuler le prêt immobilier consenti par la Caisse d'épargne de Basse Normandie aux époux D suivant offre émise le 13 mai 1985, l'arrêt attaqué retient que cette offre a été acceptée par les emprunteurs, le 23 mai 1985, moins de 10 jours après qu'ils l'ont reçue ;
Attendu, cependant, que si le caractère d'ordre public des dispositions du premier des textes susvisés, s'oppose à ce que l'irrégularité de l'acceptation faite moins de dix jours après la réception d'une offre de prêt immobilier puisse être couverte par une confirmation, aucune disposition légale n'interdit à l'emprunteur de renouveler son acceptation après expiration de ce délai ; qu'en ne recherchant pas si, ainsi que le prétendait la Caisse d'épargne, les énonciations de l'acte authentique du 30 mai 1985 ne valaient pas nouvelle acceptation, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés ; »

Décision attaquée : cour d'appel de Caen (1ère chambre civile) 1997-09-02



N.B. : la cour de renvoi saisie après cette cassation a retenu que l'acte authentique avait été rédigé dans des conditions excluant tout vice du consentement (CA Rouen, 11 décembre 2001).

Dans le même sens : Chambre civile 1 ; 2 novembre 2005 ; N° de pourvoi : 03-20918 ; Rejet

Il faut donc bien différencier simple confirmation (inefficace) et réitération qui suppose, elle, que l’acceptation initiale soit régulière, ou qu’une acceptation cette fois régulière soit faite sans mention portant simple confirmation de la précédente.

L’arrêt qui suit analyse très bien cette distinction capitale entre confirmation (inefficace) et réitération:

Cour d’appel de Toulouse, ct0035 , 30 avril 2008 :

« Ils affirment que la signature de l’acte notarié du 5 février 2000 ne peut constituer une quelconque réitération de l’acceptation du crédit litigieux puisqu’il est simplement stipulé dans l’acte que “ l’emprunteur reconnaît expressément avoir accepté l’offre conformément à l’article 7 de la loi du 13 juillet 1979 plus de dix jours après sa réception par lui “, ce qui ne constitue pas une nouvelle acceptation de l’offre et donc une réitération mais une tentative de confirmation tendant à couvrir l’irrégularité de l’acceptation prématurée, ce qui est impossible.

Le caractère d’ordre public de ces dispositions s’oppose à ce que l’irrégularité de l’acceptation puisse être couverte par une confirmation.

Si aucune règle légale n’interdit à l’emprunteur de renouveler son acceptation après expiration du délai, les énonciations de l’acte notarié de prêt du 5 février 2000 ne peuvent valoir nouvelle acceptation.
Cet acte qui contient affectation hypothécaire de premier rang sur la villa se borne, sur ce point, à mentionner que le prêteur a remis une offre de prêt que l’emprunteur reconnaît avoir reçue..... L’emprunteur reconnaît expressément avoir accepté l’offre de prêt, conformément à l’article 7 de la loi du 13 juillet 1979, plus de dix jours après sa réception par lui ‘, et celle- ci y a été annexée.

Il n’y a donc pas, d’évidence, une véritable acceptation mais uniquement une confirmation de l’acceptation irrégulière.

Le prononcé de la nullité de l’acte de prêt entraîne la remise des parties dans l’état où elles auraient été si le prêt n’avait pas été souscrit ; la SCI représentée par les époux Y... doivent donc restituer le capital versé par le CREDIT AGRICOLE et celui- ci les intérêts perçus. »

Et la banque doit être condamnée à rendre la somme de 47. 243, 74 € correspondant au total des intérêts encaissés à cette date pour les deux prêts.

En revanche cet arrêt constate lui une vraie réitération:
Cour d’appel d’Agen, 15 janvier 2003, N° de RG: 01/578 :

« ils soutiennent que la réitération de l’acceptation devant notaire lors de l’établissement de l’acte authentique ne saurait couvrir l’irrégularité initiale d’autant qu’en réalité, cet acte ne vaut pas nouvelle acceptation, laquelle serait contraire aux règles de l’art. 6 du Code Civil*; ils ajoutent que l’exception de nullité qu’ils soulèvent n’est pas soumise au délai de prescription de l’art. 1304 du Code Civil mais à celui décennal de l’art. 189 bis du Code de Commerce, qui s’applique aux actes mixtes et ce d’autant plus qu’il n’existe aucune prescription plus courte édictée par le Loi sur le crédit immobilier, »

* qui interdit de déroger à l'ordre public.

L’acte notarié est en revanche sans aucun effet de ‘couverture’ pour les fautes sanctionnées par la déchéance dans une offre. Autrement dit : la déchéance, sanction relative à l’offre, reste acquise même si la réitération est valable, et cette réitération efficace interdirait seulement de demander la nullité du contrat, sauf si l’on avait renoncé explicitement à toute demande de déchéance dans l’acte notarié :

Cour de cassation, chambre civile 1, 5 juin 2008, N° de pourvoi: 07-14120, Cassation :

« Vu l’article L. 312-7 du Code de la consommation ;

Attendu que l’Union de crédit pour le bâtiment (UCB) a émis, le 8 octobre 1999, une offre de prêt immobilier d’un montant de 645 383 euros au profit de M. et Mme X... ; qu’après acceptation en date du 20 octobre 1999, le prêt a été réitéré par acte authentique le 25 octobre 1999 ; que, contestant le respect par la banque des formalités d’envoi de l’offre et de son acceptation, les emprunteurs ont sollicité la déchéance du droit aux intérêts du prêteur;

Attendu que pour débouter M. et Mme X... de leur demande tendant à la déchéance du droit aux intérêts de l’UCB, l’arrêt relève que si les emprunteurs ne peuvent renoncer par anticipation aux règles de protection légale d’ordre public, il leur est néanmoins loisible de renoncer à leur droit acquis de se prévaloir de leur méconnaissance, ce qui résulte de leur participation à l’acte notarié conclu le 25 octobre 1999 et portant réitération de l’offre et de son acceptation par leurs soins ;

Qu’en se déterminant par de tels motifs impropres à caractériser la renonciation au bénéfice de la sanction résultant du non-respect des dispositions d’ordre public relatives au formalisme de l’offre préalable, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision »
 
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