Quand la banque perd le droit aux intérêts, mise au point sur la déchéance du prêteur

- mais, situation ubuesque, comme l’agrément du Conseil d’Administration à ce ‘retrait’ est également discrétionnaire, le remboursement des parts sociales en devient soumis à une ‘discrétion au carré’ (article 13 des statuts de la banque):

La qualité de sociétaire se perd :
(…)
2° par démission volontaire donnée par lettre au Président de la Banque, sous réserve toutefois de son agrément discrétionnaire par le conseil,
Or le jugement rendu par le tribunal d’instance de Poitiers a retenu que :
Si les frais liés à l’acquisition de parts sociales ne présentent pas un lien direct et exclusif avec le crédit, ils ne constituent pas davantage une charge réelle pour l’emprunteur dans la mesure où ces frais peuvent lui être remboursés.
Le ‘peuvent’ est assez habile. Il est plus facile de perdre l’argent mis par obligation dans ces parts que de perdre la qualité de sociétaire afin de se les voir discrétionnairement remboursées … ou pas (mais pourquoi est-ce que je pense à un dessin d’HERGE ?). En effet :

- article 11 des statuts de la banque :

Il est expressément stipulé que les parts forment le gage de la société pour les obligations des sociétaires vis-à-vis d’elle.
- en outre ces parts sont invendables, article 10 des statuts de la banque, donc non liquides :

Les parts ne peuvent être négociées et transmises qu’avec l’agrément du Conseil d’Administration par virement de compte à compte.
Pour ce qui est du revenu tiré des parts le jugement rendu par le tribunal d’instance de Poitiers a retenu que :

Les parts sociales qui représentent la contrepartie financière d’un apport en numéraire pouvant donner lieu à versement d’intérêts sont ainsi distincts des frais visés à l’article L313-1 du Code de la consommation, lesquels s’analysent en débours exposés à fonds perdus au titre du prêt.
L’article 8 des statuts de la banque stipule que :

Les parts sont nominatives ; aucun dividende ne leur est attribué. Elles ne peuvent recevoir qu’un intérêt fixé annuellement par l’Assemblée Générale de la Banque, sans que son montant puisse excéder le taux maximum fixé par les dispositions légales ou réglementaires en vigueur.
Ce qui n’assure nullement que cet intérêt soit attribué chaque année, ni même qu’il soit effectivement versé :

L’article 41 des statuts de la banque réglant le paiement des intérêts à un compte du sociétaire prévoit généreusement que :

Les sommes non réclamées dans les délais légaux d’exigibilité sont prescrites conformément à la loi.
Ce qui met à la charge du sociétaire la nécessité de réclamer ce paiement des intérêts ! La version antérieure prévoyait elle que :

Toutes les sommes qui n’auront pu être effectivement touchées par le bénéficiaire pour quelque raison que ce soit dans les cinq ans de leur exigibilité seront prescrites conformément à la loi.

Autrement dit il suffisait à la banque, grâce à cette rédaction léonine, de ne pas les payer du tout, et « passez muscade » ! Or ce cas existe bien, les intérêts n’étant pas versés au-dessous d’un certain montant, tout en étant néanmoins déclarés au fisc.

On ne peut non plus négliger le fait que les intérêts éventuellement décidés, puis très hypothétiquement effectivement versés, sont inférieurs au taux du crédit consenti.

Notons encore que la banque a émis des certificats coopératifs d’investissement (qui pour beaucoup de vrais mutualistes sont la preuve de la perte du sens mutualiste) qui ont eux une rémunération bien supérieure, il est vrai au profit d’une banque non mutualiste dont beaucoup d’actionnaires ont gardé un souvenir ému des pertes que son introduction en Bourse leur a valu tant ils se sont fait croquer leurs noisettes.

De plus décrire les parts comme « la contrepartie financière d’un apport en numéraire » occulte les risques de ce placement forcé :

- Ce placement peut être perdu en partie ou en totalité selon les modalités prévues par les articles 42 à 44 des statuts de la banque en cas de liquidation, toujours possible.

- L’article 15 des statuts de la banque ne dégage pas de ce risque le sociétaire ayant triomphé du parcours semé d’obstacles conduisant au remboursement éventuel des parts sociales:

Le sociétaire qui cessera de faire partie de la Banque, soit par l’effet de sa volonté, soit pour toute autre cause, restera tenu pendant cinq ans dans la mesure de sa responsabilité statutaire envers la Banque et envers les tiers de toutes les obligations existantes au moment de sa sortie.
Revenons à l’article L313-1 du Code de la consommation pour trouver la solution de l’énigme initiale : comment la Cour de cassation a-t-elle pu trancher sans avoir à s’intéresser aux deux dernières branches du pourvoi, et sans violer la souveraine appréciation des faits par le juge du fond (ce qui me semblait être le risque de ce pourvoi)?

Elle est d’une simplicité aveuglante qui justifie pleinement la jurisprudence sans cesse réaffirmée.

Cet article disposantque« pour la détermination du taux effectif global du prêt, comme pour celle du taux effectif pris comme référence, sont ajoutés aux intérêts les frais, commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, y compris ceux qui sont payés ou dus à des intermédiairesintervenus de quelque manière que ce soit * dans l’octroi du prêt, même si ces frais, commissions ou rémunérations correspondent à des débours réels** » il suffit juste de le lire strictement.

* « de quelque manière que ce soit » contient toutes les modalités possibles de cette intervention, y compris astucieusement dissimulée (Cf. arrêt de la chambre civile 1,N° de pourvoi: 09-70540, 20 janvier 2011cité page 59 du texte à télécharger). Et donc lire strictement cette disposition impliquerait même d’y inclure l’acquisition de parts sociales nécessaire pour obtenir la qualité de sociétaire.
.
** « débours réels » doit se lire du côté de la banque prêteuse. Ainsi si elle sert des intérêts sur les parts, débours réels dans le futur, ils ne seront pas plus à déduire que la perte du sociétaire entre les intérêts servis, soumis à imposition, et le taux du prêt, ou sa perte éventuelle si les parts ne sont jamais remboursées, soit du fait délibéré de la banque, soit parce qu’elle serait liquidée.


 
Ajoutons à cette explication ces considérations complémentaires :

- toute charge imposée par le prêteur pour l’octroi du prêt (ADI, assurance-incendie, hypothèque etc.) doit être incluse dans le calcul du TEG sans avoir à envisager d’autres questions. Or le juge avait bien constaté ce lien :

Il convient en l’espèce d’examiner si le coût des parts sociales souscrites par l’emprunteur lors de la conclusion du contrat de crédit doit être intégré dans le calcul du TEG.
Dès lors il ne pouvait juger comme il l’a fait sans grossièrement violer la loi, toute sa motivation ne vise qu’à reprendre les moyens de la banque d’une façon univoque, et en contradiction avec ce qui précède, pour lui éviter la sanction que la loi lui imposait de prononcer.

La cassation était toute entière en germe dans ces quelques mots : « souscrites par l’emprunteur lors de la conclusion du contrat de crédit » qui permettaient de casser sans même devoir examiner les griefs contenus dans les deux dernières branches du pourvoi et donc sans violer la souveraine appréciation des faits par le juge du fond.

J’avoue avoir eu besoin de temps pour comprendre l’évidence et la beauté du raisonnement juridique ici à l’œuvre. Qu’on me le pardonne, car je ne crois pas être seul dans ce cas…

- l’arrêt rendu le même jour, abordé page 62 (La question des flux hypothétiques pour le calcul du TEG) tranche en pratique aussi le débat et sur le remboursement et sur les intérêts éventuellement servis sur les parts, par analogie avec la caution mutualiste (éventuellement et partiellement remboursable). Il donne même toute sa portée à celui en cause ici, ce qui explique que sa publicité soit encore plus large. Il n’y a aucunement à prendre en compte ce type de considération pour écarter de tels frais du calcul du TEG.

Un juge du fond qui irait contre la jurisprudence sur la prise en compte dans le TEG du coût des parts sociales attaquerait donc de façon frontale ces deux arrêts, en fait, et la loi aussi.

Enfin il reste le meilleur pour démonter les arguments de la banque, en dehors du fait qu’elle ne revendique pas que la rémunération des actionnaires des concurrentes ‘capitalistes’ soit déduite du TEG.



Elle a cessé d’exiger l’acquisition de parts sociales pour obtenir un prêt à la consommation.
Comment faut-il le comprendre ? A l’évidence ainsi :

- déjà ces acquisitions n’auraient pas eu le caractère légal en considération de la loi du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération qu’elle cherche à leur donner, sauf à violer cette loi.

- ensuite si seuls les prêts à la consommation sont désormais exclus de cette nécessité, c’est pour 2 raisons : d’une part la garantie qu’ils nécessitent est moins importante et moins longue dans le temps que dans le cas des prêts immobiliers (durée et montants en jeu autrement élevés), d’autre part l’incidence de la prise en compte dans le TEG du coût des parts sociales est infime dans le cas des prêts immobiliers alors qu’il est bien plus évident dans celui des prêts à la consommation (pour lesquels la déchéance du prêteur du droit aux intérêts serait en outre automatique).

- enfin c’est que le besoin pratique de cette obligation (les capitaux propres apportés par les parts sociales)n’était pas aussi grand qu’elle, et la doctrine qui la soutient, veulent le donner à croire aux juges du fond dans une entreprise relevant du lobbying et non du droit. En outre si ce placement était miraculeux, on imagine que les sociétaires y souscriraient massivement, en dehors de toute nécessité liée à un emprunt. Il se trouve aussi qu’un emprunteur a en général besoin d’argent, circonstance certes subalterne, mais néanmoins à prendre en considération).

C’est donc bien pour se donner un avantage compétitif indu * sur les offres de la concurrence que la prise en compte dans le TEG du coût des parts sociales était refusée par certaines banques sous de faux prétextes. Si en outre une banque ayant cette conception du respect de la loi a fait des violations autrement plus importantes du droit consumériste une touche de sombre s’ajoute au tableau.

* jusqu’à l’absurde ! En effet si on imposait, comme le texte le veut sans doute, la prise en compte de l’acquisition de la part sociale nécessaire pour obtenir la qualité de sociétaire, l’incidence en resterait parfaitement invisible dans le calcul du TEG. Il n’y a donc aucune réforme du texte à envisager pour préserver on ne sait quelle particularité des banques mutualistes.

En revanche je suis en accord avec Jérôme LASSERRE CAPDEVILLE (Prise en compte du coût de la souscription de parts sociales dans le calcul du TEG ; Petites affiches - 17 FEVRIER 2011 - N° 34 ; pages 4 à 9) quand il suggère de « légèrement modifier l'article L. 313-1 du Code de la consommation » dans ce sens :

L'alinéa 1er de l'article devrait ainsi préciser le fait que la dépense prise en compte doit avoir été imposée comme condition d'octroi du crédit, et qu'il importe peu que les sommes soient susceptibles d'être restituées, en tout ou en partie, par la suite. Seul un décaissement suffit. Cette légère modification de la teneur du texte aurait alors pour mérite de le clarifier une bonne fois pour toute. De même, le terme « charge » figurant à l'alinéa 2 de cette même disposition, impliquant selon nous l'idée d'un appauvrissement définitif, d'une atteinte irrémédiable au patrimoine, devrait être remplacé par la notion de « dépense », nettement plus neutre.
Certes la loi du 10 septembre 1947 doit être respectée, même s’il n’y a pas d’un côté les méchantes banques ‘capitalistes’ et de l’autre de gentilles banques mutualistes qui seraient, par là seulement, vertueuses en quelque sorte par état ou par nature été excusables par avance de toute violations du droit consumériste. Alors que la démocratie du « un homme, une voix » ne conduit, en pratique, personne ne se déplaçant aux assemblées générales, qu’à rendre leur direction totalement indépendantes des sociétaires, et bien plus que ne le sont les directions des banques capitalistes à l’égard de leurs actionnaires, autrement plus vigilants. Ce qui peut conduire à des dérives au moins face aux exigences de la démocratie, le groupe de dirigeants, en pratique, se recrutant par cooptation.
 
Pour terminer sur cet arrêt, le voici dans son intégralité, moyen du pourvoi (très bien fait, mieux encore que je ne le pensais initialement) compris:

Cour de cassation, chambre civile 1, 9 décembre 2010, N° de pourvoi: 09-67089, Publié au bulletin, Cassation

M. Charruault (président), président

SCP Thouin-Palat et Boucard, SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat(s)



REPUBLIQUE FRANCAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS​

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :


Sur le moyen unique, pris en sa première branche :


Vu l’article L. 313-1 du code de la consommation ;


Attendu que le 9 novembre 2004, la Casden banque populaire (la banque) a consenti à M. et Mme X... un prêt à la consommation d’un montant de 13 000 euros au taux effectif global de 5,35 % ; qu’à l’occasion de la conclusion de ce prêt les emprunteurs ont souscrit des parts sociales auprès de la banque ;


Attendu que pour débouter les époux X... de leur demande tendant à voir prononcer la déchéance du droit aux intérêts du prêteur pour n’avoir pas intégré les frais liés à la souscription des parts sociales dans le taux effectif global, le tribunal retient que ces frais ne présentent pas un lien direct et exclusif avec le crédit et qu’ils ne constituent pas une charge réelle pour l’emprunteur dans la mesure où ils peuvent lui être remboursés ;


Qu’en statuant ainsi, quand le coût des parts sociales dont la souscription est imposée par l’établissement prêteur comme une condition d’octroi du prêt, constitue des frais entrant nécessairement dans le calcul du taux effectif global, le tribunal a violé le texte susvisé ;


PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le surplus du moyen :


CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 13 mars 2009, entre les parties, par le tribunal d’instance de Poitiers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d’instance de Niort ;


Condamne la société Casden banque populaire aux dépens ;


Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Casden banque populaire, la condamne à payer à M. X... la somme de 1 500 euros ;


Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf décembre deux mille dix.


MOYEN ANNEXE au présent arrêt:


Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. X...


IL EST FAIT GRIEF au jugement attaqué d’AVOIR rejeté la demande de M. X... visant à voir condamner la CASDEN à lui verser la somme de 1117,32 € avec intérêt au taux légal à compter de la décision à intervenir correspondant à la déchéance des intérêts, et la somme de 1000 € pour le préjudice subi ;


AUX MOTIFS QUE l’article L 313-1 du Code de la consommation dispose que pour la détermination du taux effectif global du prêt, comme pour celle du taux effectif pris comme référence, sont ajoutés aux intérêts les frais, commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, y compris ceux qui sont payés ou dus à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l’octroi du prêt, même si ces frais, commissions ou rémunérations correspondent à des débours réels ; qu’il convient en l’espèce d’examiner si le coût des parts sociales souscrites par l’emprunteur lors de la conclusion du contrat de crédit doit être intégré dans le calcul du TEG ; que la loi du 10 septembre1947 portant statut de la coopération rappelle dans son article 3 que les coopératives ne peuvent admettre les tiers, non sociétaires, à bénéficier de leurs services, à moins que les lois particulières qui les régissent ne les y autorisent ; que la CASDEN en sa qualité de banque coopérative a, conformément aux dispositions législatives susvisées, rappelé dans ses statuts que seuls les sociétaires peuvent accéder aux services proposés par la CASDEN, en ce compris les opérations de crédit ; que dès lors, l’octroi d’un prêt est nécessairement subordonné à l’acquisition par l’emprunteur de la qualité de sociétaire du prêteur ; qu’il est toutefois erroné de prétendre que la souscription de parts sociales présente un lien direct avec le crédit consenti par le prêteur ; qu’il convient en effet de souligner d’une part que l’obtention de la qualité de sociétaire permet de conclure des emprunts successifs avec la banque coopérative sans qu’il soit nécessaire à chaque offre de souscrire de nouvelles parts sociales ; que l’emprunteur conserve d’autre part la possibilité de garder ses parts sociales après le remboursement intégral de l’emprunt s’il souhaite demeurer sociétaire ; que si les frais liés à l’acquisition de parts sociales ne présentent pas un lien direct et exclusif avec le crédit, ils ne constituent pas davantage une charge réelle pour l’emprunteur dans la mesure où ces frais peuvent lui être remboursés ; que les parts sociales qui représentent la contrepartie financière d’un apport en numéraire pouvant donner lieu à versement d’intérêts sont ainsi distincts des frais visés à l’article L 313-1 du Code de la consommation, lesquels s’analysent en débours exposés à fonds perdus au titre du prêt ; qu’il y a lieu en conséquence de considérer que la CASDEN a, de façon justifiée, exclu le coût de souscription des parts sociales dans le calcul du TEG, étant précisé au demeurant que le coût de cette souscription se révèle indéterminé au moment de la conclusion du contrat ; que la déchéance du droit aux intérêts n’est pas encourue de sorte que Monsieur X... Fabrice sera débouté de l’ensemble de ses demandes ;


1°) ALORS QUE lorsque la souscription de parts sociales de l’établissement prêteur est imposée comme condition d’octroi du prêt, le coût afférent à cette souscription ainsi rendu obligatoire a un lien direct avec le prêt souscrit et doit être pris en compte dans le calcul du taux effectif global ; qu’en jugeant néanmoins que le coût de la souscription des parts, à laquelle il constate que l’octroi du prêt était subordonné, ne devait pas être intégré au taux effectif global, le Tribunal d’instance a violé l’article L 313-1 du Code de la consommation ;


2°) ALORS, EN OUTRE, QUE M. X... démontrait, de nombreuses preuves à l’appui, que la souscription de nouvelles parts sociales de la CASDEN avait conditionné l’octroi du prêt litigieux ; qu’en s’abstenant de rechercher si en l’espèce, l’organisme prêteur n’avait pas subordonné l’octroi du prêt à la souscription de nouvelles parts sociales, pour se borner à affirmer de façon abstraite qu’il n’était pas nécessaire à chaque offre de souscrire de nouvelles parts sociales, le Tribunal d’instance a privé sa décision de base légale au regard de l’article L 313-1 du Code de la consommation ;


3°) ALORS, ENFIN, QUE par un courrier du 9 mai 2008, la CASDEN rappelait que «le fait que le Sociétaire bénéficiaire d’un nouveau crédit souscrive des parts sociales pour renforcer les fonds propres de sa banque nous paraît être la réponse conforme aux principes d’un fonctionnement coopératif» ; que dans le Bulletin des sociétaires d’avril 2008, elle indiquait : «il faut souligner également le caractère désormais facultatif de la souscription de parts sociales à l’occasion d’un prêt à la consommation» ; que ces écrits exprimaient en des termes clairs et précis que la souscription de parts sociales était exigée pour chaque conclusion d’un nouveau prêt, peu important que l’emprunteur dispose déjà de parts de la CASDEN ; qu’en jugeant néanmoins que l’obtention de la qualité de sociétaire permettait de conclure des emprunts successifs sans qu’il soit nécessaire à chaque offre de souscrire de nouvelles parts sociales, le Tribunal d’instance a dénaturé les écrits susvisés et violé l’article 1134 du Code civil.


Publication


Décision attaquée : Tribunal d’instance de Poitiers du 13 mars 2009



 
Juste lu en diagonale mais l'essentiel est dit, analysé et clairement expliqué. ;)

J'apporterais certains commentaires vu que je connais bien ce dossier qui m'occupe depuis le deuxième trimestre 2008. :)

Au début, j'avais juste demandé un réexamen de mes crédits en cours et remboursés, et je proposais qu'un compromis soit trouvé. La banque a refusé ...... Je vous invite à visiter mon blog et mon site pour mieux comprendre le litige.

Au fait, le service de la publication de la Cour de Cassation a oublié de suprimer mon prénom ! Pas grave, tout le monde saura maintenant que Monsieur POLLUX1963 se prénomme FABRICE.:ange:

Bien cordialement

Fabrice
 
Au fait, le service de la publication de la Cour de Cassation a oublié de suprimer mon prénom !

Non car l'anonymisation ne porte pas sur le prénom.:cool:
Et les personnes morales n'y ont, elles, pas droit, ce qui autorise à citer leur dénomination sociale.
 
Deposuit potentes de sede, et exaltavit humiles.

Il a renversé les puissants de leurs trônes et élevé les humbles.
 
Hervé Causse, professeur de droit à Clermont-Ferrand, après une étude pour la Semaine Juridique (« La coopération bancaire ravalée à une fraction du TEG ? », JCP, éd. E, 17 juin 2010, 1576, éd. Lexinexis) a produit sur son site http://www.hervecausse.info/ une réaction (citée ici en rouge) qui s’en prend violemment – ce qui est habituellement plutôt le propre d’un plaideur éconduit - à cet arrêt du 9 décembre 2010 (N° de pourvoi: 09-67089) sur la prise en compte de l'acquisition des parts sociales dans le calcul du TEG.

Lien direct :

http://www.hervecausse.info/La-Cour...ure-dans-le-TEG-Cass-civ-1e_a465.html?print=1

Le titre est à lui seul tout un poème :
« La Cour de cassation continue de ravaler le contrat de société coopératif à des frais à inclure dans le TEG (Cass. civ. 1e, 9 déc. 2010, n° 09-67089). Vers un arrêt d'Assemblée plénière ou une loi ? »


- il fausse totalement le débat puisque, nous l’avons vu, les parts sociales en cause n’avaient aucun lien avec l’acquisition de la qualité de sociétaire de la banque (la part qui y suffit selon larticle 12 des statuts de la banque étant acquise de longue date) et tout à voir, en revanche, avec le prêt demandé.

- les statuts de cette banque, de plus, sont totalement muets sur la nécessité de renforcer ces acquisitions de parts sociales à l’occasion de chaque prêt, et selon le montant emprunté (des tranches sont définies de façon croissante : tant de parts de telle somme à telle autre) : c’est dire que la question échappe une fois de plus au « contrat de société coopératif » si inexactement mis en avant.

- il croit pouvoir jouer de l’Assemblée plénière contre la première chambre civile et la chambre criminelle, semblant bien renseigné sur les intentions de la banque de se pourvoir en cassation après que la décision à rendre à Niort, donnant par là d’autant plus à croire qu’une campagne est menée contre la première chambre civile qu’il brandit ensuite une autre menace.

- en effet il appelle de ses voeux une loi qui serait faite en faveur des particularités prétendues des banques mutualistes. Passons sur l’aspect indécent de cet appel aux politiques contre les juges : il est d’actualité, hélas. Il semble ignorer que nous vivons dans l’Union Européenne, qui supporterait d’autant plus mal un régime anticoncurrentiel que, dans un passé récent, la France a été très lourdement condamnée pour son refus de transcrire les directives assurances qui déplaisaient aux sociétés mutualistes, lesquelles sont appuyées par tout un réseau de politiciens. Cette complaisance dont on voit mal à quel motif d’intérêt général elle répondait a coûté fort cher au contribuable, avant que cette transcription soit enfin effectuée (réforme du Code de la mutualité). En outre, et Jérôme LASSERRE CAPDEVILLE a raison de le rappeler dans l’étude précitée, écarter ce coût du calcul du TEG est inacceptable dans un système de concurrence entre banques, TEG et coût total ayant pour finalité que l'emprunteur soit informé de ce que lui coûtera ce crédit, et qu’il puisse comparer le montant affiché avec les TEG des offres émises par d'autres établissements. En outre il y a aussi une directive européenne sur le TEG.

On mesure déjà que c’est de lobbyisme qu’il s’agit, mais ce comportement est la plus forte condamnation qui soit de certaines dérives mutualistes : censées se réclamer de valeurs en faisant les chevaliers blancs de la défense du consommateur, alors que ce combat contre la loi qui le protège amène à se demander quel est l’intérêt capable de susciter une telle animosité de la part d’une banque mutualiste. Elle ne doit pas faire de profit, alors quel intérêt défend-elle en l’espèce ? Ni la protection du consommateur, ni le respect de la loi, ni celui de la concurrence. Un tel aveuglement rend perplexe : quelle petite cuisine veut-on demander à des politiciens complaisants, s’il s’en trouve, de protéger ?

Ne risque-t-on pas de découvrir que dans cette démarche d’influence il y a cette réalité : derrière le terme de ‘sociétaire’ il y a un client qu’on veut priver des droits du consommateur, et à qui on donne à croire que la banque étant supposée sienne, bien que gérée selon la seule volonté de dirigeants cooptés, elle lui serait naturellement d’une bienveillance étrangère par essence aux méchantes banques ‘capitalistes’ ?

« La première chambre civile continue à traiter l'acquisition des parts sociales en "frais" à inclure dans le TEG. La résistance des juges du fond sur cette question est pour l'heure entravée par cet arrêt de cassation. Sans doute pas définitivement. »

Nous avons pourtant vu par l’étude des statuts de cette banque - à laquelle Jérôme LASSERRE CAPDEVILLE ne s’est pas consacré non plus (cet auteur, tout en approuvant l’arrêt, croit donc au mensonge sur l’acquisition de parts à ne pas renouveler à l’occasion de prêts ultérieurs, et il suppose que le remboursement des parts est automatique, ainsi que le paiement des intérêts...) – que cette acquisition de parts est bien liée à la seule obtention du crédit, et est une source involontaire de frais pour le consommateur.
Ensuite si la résistance de quelques juges du fond qui croient bon de reprendre les arguments fallacieux d’une banque sans prendre en considération les moyens de preuves produits par son sociétaire devait se poursuivre, alors ce serait nier la mission confiée à la Haute Cour : unifier la jurisprudence. Est-ce le rôle d’un juge que de violer la loi ? Et que veut dire cette allusion : « pas définitivement » ?

Visant la phrase clef de l’arrêt (« le coût des parts sociales dont la souscription est imposée par l’établissement prêteur comme une condition d’octroi du prêt, constitue des frais entrant nécessairement dans le calcul du taux effectif global ») Hervé Causse croit bon d’affirmer :

« Les trois idées qui, dans cette courte phrase, servent la solution, nous semblent éminemment critiquables voire fausses ; précisons qu'est faux ce qui contredit le dictionnaire, une loi ou la pure la logique. »

C’est assez plaisant de parler d’idées fausses dans cette décision pour défendre un jugement qui a pris avec la réalité des faits les libertés que l’on sait.
S’en suit toute une série de remarques (dont cet aimable : « Les expressions utilisées dans "l'attendu" ne sonnent pas non plus la vérité juridique ») prétendant réduire l’arrêt à une position de pure autorité ne démontrant rien, pour justifier les rebellions qu’il a pour mission d’encourager chez certains juges du fond au nom d’idées justes, alors que la réalité est plus triviale, derrière des affirmations de principe tournant autour des valeurs mutualistes qui seraient nées toutes armées de la loi de 1947.

Il faut quand même en relever les incongruités : quand on se pose en donneur de leçons contre la Haute Cour, encore faut-il être soit même en situation de respecter la vérité des faits, qui a quelque peu à voir avec la vérité juridique qu’il est fait semble-t-il reproche à la Cour de cassation de malmener ! Voyons donc quelles sont pour Hervé Causse les trois idées fausses de la Haute Cour à relever dans cette décision :
 
Idée fausse n° 1 attribuée par Hervé Causse à la Cour de cassation :

« "dont la souscription est imposée par l'établissement" : l'affirmation nous paraît fausse, c'est la loi sur la coopération qui impose cela, soit le statut coopératif, et non l'établissement ; voilà qu'un juge reproche à un établissement de respecter et la lettre et l'esprit de son statut !? »

Je me contente de renvoyer le lecteur à ce qui a été écrit plus haut pour voir de quel côté est le mensonge :

- une part suffisait à l’acquisition de la qualité de sociétaire de la banque selon larticle 12 de ses statuts ;

- ladite qualité de sociétaire était acquise depuis des années, faute de quoi du reste aucun prêt n’aurait pu être sollicité ;

- plus fort encore, la banque a cessé d’exiger l’acquisition de parts sociales pour obtenir un prêt à la consommation plutôt que de voir le TEG de ses prêts devenir moins compétitif : violerait-elle par là la loi du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération ?



Idée fausse n° 2 attribuée par Hervé Causse à la Cour de cassation :

« "comme une condition d'octroi du prêt" : ce n'est pas et comme précédemment, une condition découlant de l'établissement, mais de la loi (pour tous les services des banques coopératives) ; il est vrai que la Haute Juridiction ignore la loi de 1947 sur la coopération »

Les faits sont têtus : la banque a bien exigé de ce sociétaire, comme de tous les autres, l’acquisition de parts sociales supplémentaires pour toute obtention de prêt bien après l’acquisition de la qualité de sociétaire.

Et ce sans jamais les rembourser, nous savons, pour avoir étudié les faits, que les statuts de cette banque imposeraient pour cela de la quitter, sans que ce remboursement, discrétionnaire, soit pour autant garanti !

J’ignore si la Haute Juridiction ignore la loi de 1947 sur la coopération, enfin, j’en doute quand même un peu, mais je sais que les statuts de cette banque la respectent en n’exigeant que l’acquisition d’une seule part pour devenir sociétaire et en restant totalement muets sur la nécessité de souscrire de nouvelles parts à chaque demande de prêt selon le montant de celui-ci.

J’ignore également si l’auteur a pris soin d’étudier les statuts de cette banque avant d’écrire pour la défendre, mais si jamais il l’a fait - comme la rigueur intellectuelle attendue d’un auteur de doctrine, chargé de former des juristes*, et qui croit bon d’attaquer aussi frontalement la Cour de cassation sur ses prétendues idées fausses, me semble l’exiger – alors cette diatribe deviendrait accablante.

* signalons au passage que la banque en cause étant celle des personnels de l’Éducation Nationale, un professeur de droit a vocation à la connaître, puisqu’il peut en devenir sociétaire. Il semble exclu que ce soit le cas de cet auteur, puisqu’il ignore manifestement tout des mécanismes de l’acquisition obligatoire de parts sociales pour obtenir un prêt de cette banque, ce qui est néanmoins le sujet qu’il traite afin de dénoncer les idées fausses de la Cour de cassation.


Idée fausse n° 3 attribuée par Hervé Causse à la Cour de cassation :

"constitue des frais" : or la notion de frais ne conduit pas à dire que des parts sociales ou actions qui seront revendues, qui servent des revenus annuels, et qui peuvent servir à d'autres services, sont des "frais" ; jamais les frais n'ont inclus pareil mécanisme ; dire qu'il y a des frais contredit l'idée d'investissement - certes nouvelle - qui est au cœur des apports, du contrat de société, notion qui devrait être travaillée et promue et qui est ici entravée.

Nous sommes ici sur un terrain moins scandaleux : il est cette fois légitime de s’interroger, dans un article de doctrine et non de lobbyisme, sur le sens à attribuer à la notion de frais.

Le texte de l’article L. 313-1 du Code de la consommation aurait pu être mieux rédigé – mais c’est le lot de bien des lois, nous l’avons vu avec le cas de l’arrêt Édouard, qui ne faisait qu’appliquer strictement un texte mal ficelé – et j’ai dit plus haut mon accord avec la modification suggérée par Jérôme LASSERRE CAPDEVILLE.
Surtout, c’est le rôle de la jurisprudence de faire en sorte que de ces imprécisions puisse naître une application cohérente de la loi en fonction des intentions du Législateur (intentions que le juge doit rechercher devant un texte obscur). Et c’est le rôle de la Cour de cassation, en tant que Cour suprême, de faire en sorte que la jurisprudence soit unifiée.

Reprenons cette critique qui échappe cette fois à la diatribe tout en retombant dans l’erreur:

- selon les statuts de cette banque, déjà, les parts sociales ne sont pas des actions (actions qui ont peu à voir avec la coopération) et ne seront pas revendues, l’article 10 des statuts l’interdisant et limitant au seul et hypothétique virement de compte à compte (de sociétaire, donc) qui suppose par ailleurs l’agrément du Conseil d’Administration. On aimerait savoir si le cas est fréquent.

- le remboursement des parts sociales, nous le savons, est un parcours semé d’embûches, et qui suppose de quitter la société, avec l’agrément du Conseil d’Administration.

- l’acquisition de parts sociales pour obtenir un nouveau prêt, et en fonction du montant de ce prêt, alors que l’emprunteur a besoin non de faire un prétendu placement mais d’obtenir des ressources, lui cause bien des frais tant au moment où il est dans ce besoin, que dans la durée.

- nous avons vu en effet que l’intérêt peut parfaitement ne pas être servi aux sociétaires, soit que telle année il n’ait pas été décidé d’en attribuer, soit, de façon plus ordinaire, que le montant acquis par tel sociétaire soit jugé insuffisant pour justifier son paiement, soit, enfin, que la banque utilise l’astuce prévue dans ses statuts pour en spolier tel sociétaire. Il apparaîtra bientôt qu’elle a un dispositif encore plus efficace pour obtenir des ressources sans aucune contrepartie au bénéfice de sociétaires.

- quand bien même cet intérêt serait payé, il n’en reste pas moins qu’il n’est pas net (car fiscalisé) et reste inférieur au taux du prêt. Autrement dit, considérer qu’il y aurait placement rentable pour le sociétaire parce qu’en empruntant à X% + Y% (X + Y = taux nominal du prêt) on se ferait servir sur les parts sociales un intérêt de X – Z (Z étant l’effet de l’impôt) peut faire sourire dans une Faculté de sciences économiques, même sans considérer que le remboursement des parts sociales soit tout sauf acquis.

- enfin, en quoi cet arrêt empêcherait-il les sociétaires de souscrire massivement des parts sociales si ce placement, devenu volontaire, était rémunérateur pour eux (mais on voit mal, dès lors, en quoi il se distinguerait d’un placement en actions dans une banque ‘capitaliste’, sinon par le fait que les dirigeants y sont plus contrôlés par les propriétaires de l’entreprise ?). Il n’empêche que l’absence de prise en compte dans le calcul du TEG des parts souscrites par obligation à l’occasion d’un emprunt. Cette invocation d’une « notion qui devrait être travaillée et promue et qui est ici entravée » est donc dénuée de toute portée.

Ainsi les trois idées fausses imputées à tort à la Haute Cour par Hervé Causse ne sont que le reflet d’une vision déformée des faits qui aboutit à cette harangue en dehors du sujet : « Il faudra donc que ce soit l'Assemblée plénière qui tranche et dise si, véritablement, le pouvoir judiciaire considère la coopération, le contrat de société coopératif, comme un détail à ravaler à une fraction du TEG. » On ne savait pas que là était le sujet de droit en débat le 9 décembre 2010 !

 
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