Quand la banque perd le droit aux intérêts, mise au point sur la déchéance du prêteur

Je reviens aussi sur cet arrêt déjà cité car on en débat en MP à son sujet.

Cour d'appel d'Agen, du 20 décembre 2000, 1999/00332

Je n'en ai pas cité le passage essentiel car nous n'étions plus sur l'autre sujet, celui clos:

Il en va de même qu'il s'agisse d'une offre ou d'un avenant.

Une première chose m'nterpèle; il est question de "délai de rétractation".
Serions nous dans un crédit à la consommation ?

Si non, il est dit "....ne peuvent pas non plus reprocher à la Caisse d'Epargne de n'avoir pas réitéré son offre dans le délai de rétractation "

Il n'y a pas débat sur ce point.

Le débat est celui que je vous ai rapplé en réponse à votre message MP.

Par ailleurs, là non plus "on ne va pas y passer le réveillon", j'arrête donc aussi là cet échange.

Cdt
 
Une première chose m'nterpèle; il est question de "délai de rétractation".
Serions nous dans un crédit à la consommation ?
Non, il s'agit bien d'un crédit immobilier, les lapsus ou approximations de vocabulaire ne sont pas rares (et je ne suis pas le seul a être mal lu, l'arrêt aussi):

que la Caisse d'Epargne de Midi-Pyrénées a consenti aux époux X... le 13 avril 1985 un prêt de 375.000 francs au taux de 12,90% l'an
" Votre demande de réaménagement de prêt immobilier a été acceptée. Conformément à l'article 5 de la loi n° 79.596 du 13 juillet 1979 relative à l'information et à la protection des emprunteurs dans le domaine immobilier, nous vous adressons l'avenant au contrat de prêt numéro 085005027 en deux exemplaires ... "
et c'est donc bien un délai de réflexion qui était en cause:

Attendu que l'avenant joint à cet envoi portait lui-même la mention suivante, sous la rubrique " IMPORTANT "
" En application de l'article 7 de la loi 79 - 596 du 13 juillet 1979, cette proposition est valable trente jours à compter de sa réception. La loi vous impose un délai de réflexion de dix jours avant de répondre ";
l'article L 312-10 du Code de la consommation

Il n'y a pas débat sur ce point.

Le débat était ici:
(supprimé!ce qui empêche de savoir de quoi il retournait)

où vous affirmiez que le droit consumériste obligeait la banque à émettre une nouvelle offre si la précédente était devenue caduque, ce que je niais. Si on en change les termes, évidemment...

Et pour ce sujet dont j'ai dit qu'il était clos (= par un modérateur, pas par moi, car j'imagine bien que vous ne serez pas convaincu, ni par moi, ni par l'arrêt cité ;)) veuillez quand même bien vouloir considérer ceci, qui confirme ce que j'avançais autrefois:

son offre de renégociation deviendrait caduque au bout de trente jours

= ensuite, nulle obligation d'en émettre une autre, alors que la banque subissait ce reproche:

- que le Tribunal les a déboutés de toutes leurs demandes aux motifs d'une part que leur demande principale, introduite plus de dix ans après la souscription du contrat de prêt, est prescrite par application de l'article 189 bis du code de commerce et que d'autre part leur demande subsidiaire tendant à voir mettre en oeuvre la responsabilité contractuelle de la caisse d'épargne n'est pas fondée* ;
* pour ne pas avoir émis un nouvel avenant. Le grief qu'Aristide croyait possible donc:

Attendu qu'ils font grief au premier juge de s'être ainsi prononcé alors pourtant
(...)

- que pourtant l'acceptation de l'offre de crédit marquait la naissance du contrat et suffisait à obliger irrévocablement les parties ; que par conséquent la banque ne pouvait révoquer son offre à partir du moment où elle avait été acceptée, même si cette acceptation était intervenue dans des conditions irrégulières ; qu'elle avait préféré continuer à profiter du taux élevé de l'intérêt prévu dans le contrat originaire et rester taisante en laissant les emprunteurs dans l'ignorance du vice ;



- qu'elle n'avait pas exécuté la convention de bonne foi, en ne les avertissant pas en temps utile de son refus d'exécuter le second contrat de prêt tout en sachant pertinemment que son offre de renégociation deviendrait caduque au bout de trente jours ; qu'ils étaient donc bien fondés à demander la résolution du contrat de prêt et l'allocation de dommages et intérêts sur la base de l'article 1184


(...)


- qu'il y avait eu à tout le moins de la part de la banque une promesse de contrat qui l'engageait définitivement et qui l'obligeait à réitérer son offre dans le délai de rétractation* ; que faute par elle de l'avoir fait elle avait engagé sa responsabilité contractuelle; que l'obligation du promettant constituait en effet une obligation de faire qui au terme de l'article 1142 du Code civil devait se résoudre en dommages et intérêts en cas d'inexécution du débiteur ;
* le lapsus vient des emprunteurs, donc, enfin, de leur avocat. La Cour ne fait que reprendre la bourde!

Et je reprends la motivation de l'arrêt (qui clôt, elle, le débat en droit, c'est l'argument que j'utilisais autrefois):

Attendu que les époux X... ne peuvent pas non plus reprocher à la Caisse d'Epargne de n'avoir pas réitéré son offre dans le délai (de rétractation) ; qu'elle n'avait aucune obligation à cet égard et qu'elle était parfaitement libre de ne pas vouloir contracter ; que son choix ne saurait engager sa responsabilité contractuelle ;
Attendu qu'il convient par conséquent de confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions ;
 
Dernière modification:
Je reviens malgré tout sur le hors-sujet sur le coût total du crédit suscité par mon affirmation, isolée d’un texte de plus de 50 pages sous Word, car le débat est important par ce qu’il cache, qui ne déborde assez largement, et parce que c’est de la vraie vie, et de celle de l’emprunteur de base, qu’il faut partir. Et non des spéculations - aux délices parfois un peu pervers - de passionnés de mathématiques financières (songeons à l’allongement en ces lieux des débats sur les échéances lissées ou sur les TEG inexactement calculés, sans qu’un consensus puisse s’en dégager):

Ainsi le coût total permet bien à l'emprunteur l’approche la plus efficace de l’information sur le coût véritable de l’opération - que le TEG ne donne lui qu’en pourcentage - puisqu’elle est fournie là en valeur absolue, la plus ‘parlante’ pour le consommateur. Si ce coût total est mal affiché, c’est d’autant plus grave que c’est la seule information permettant à l’emprunteur, par un seul chiffre, de mesurer toutes les conséquences financières de son engagement, notamment celles relatives au prix de revient réel de l’achat immobilier rendu possible par ce prêt.
Les mots ayant un sens, explicitons-le car on n’y a semble-t-il pas prêté assez attention, préférant assassiner ce § d’un « c’est faux » aussi définitif que tranchant et passablement hors-sujet par rapport à mon texte que je dois citer sans les coupures pratiquées par Aristide qui en dévoient passablement le sens en les sortant de leur contexte:

a) « l’approche la plus efficace de l’information sur le coût véritable de l’opération - que le TEG ne donne lui qu’en pourcentage - puisqu’elle est fournie là en valeur absolue » ne porte que sur les notions mises en gras.

C’est donc sous cet angle du coût véritable de l’opération, et lui seulement, qu’elle doit être considérée, ce qu’Aristide n’a pas perçu me semble-t-il… Je n’ai pas dit que c’était le meilleur outil pour comparer différentes offres préalables de crédit, auquel cas sa remarque aurait eu plus de pertinence.

Nous verrons ci-dessous l’implication en cas d’allongement de la durée des prêts, et là le TEG est assez aveugle même pour comparer différentes offres préalables de durée très différente.


b) « c’est la seule information permettant à l’emprunteur, par un seul chiffre, de mesurer toutes les conséquences financières de son engagement, notamment celles relatives au prix de revient réel de l’achat immobilier rendu possible par ce prêt ».

J’ai dit que bien des consommateurs, même ayant fait quelques études, en sont à croire qu’un emprunt de 200 000 € à 4% les amènera à payer seulement 4% de 200 000 €, soit 8 000 € (certains auront déjà eu recours à la calculatrice) pour toute la durée du prêt, mettons 20 ans.
A ces consommateurs là, qui existent bien (enquêtez autour de vous, ou loin de votre milieu si vous êtes un passionné de mathématiques financières), le TEG sera de peu de secours, et bien moins que le coût total du crédit.

C’est cette notion de « seul chiffre » qui rend cette approche la plus efficace en matière de coût véritable de l’opération, sans avoir de calculs à faire.

La notion de prix de revient réel de l’achat immobilier est capitale, et importe plus que de grappiller quelques euros chaque mois.
Car il n’y a pas à s’interroger que sur l’avantage de telle offre sur une autre (= TEG), il y aussi à s’interroger sur la pertinence de l’opération immobilière envisagée, sous l’angle de son coût total.

Or, tant que l’emprunteur de base n’a pas en mains son offre de prêt, il ne perçoit nullement le prix de revient réel de l’achat immobilier envisagé. Du reste, à mon sens, il serait à estimer avant que soit signé tout compromis afin de ne pas devoir s’engager puis se retirer, mais au prix du paiement d’une clause pénale, de l’opération immobilière envisagée.

C’est d’autant plus dangereux que – et ce forum le prouve chaque jour – la question du consommateur de base ne sera pas « combien mon emprunt va me coûter, et mon achat immobilier avec ? » mais, et dans l’angoisse qui pousse aux mauvaises décisions : « est-ce que ça va passer ? », la banque n’étant vue, à ce stade, que comme une sorte de Dieu lointain, tout puissant, car il peut permettre au rêve de se réaliser…ou pas. Et le « ça» qui n’est pas freudien mais désigne le dossier de l’emprunteur passera devant ce Dieu comme dans un Jugement dernier qu’il importe plus que tout de réussir! On est à vrai dire un peu effaré devant certaines questions, et même certaines angoisses, posées sur ce forum ou sur d’autres. Elles me font penser que la protection du consommateur mériterait d’aller encore plus loin.

Et si « ça ne passe pas », miracle, on en prendra bien pour 5 ou 10 ans de plus !
Le Dieu lointain a en effet abandonné ses pratiques anciennes, du Dieu terrible de l’Ancien Testament bancaire (apport personnel de 20 % ou plus, prêts de durée courte : tout ceci écartait de l’achat les plus fragiles économiquement. Était-ce toujours contre leur intérêt ?) on croit être passé au Dieu d’amour du Nouveau Testament bancaire (celui qui prête à 110 % - ce qu’un notaire n’est pas censé accepter, dès lors qu’il y a constitution d’hypothèque, mais il le fera quand même – et celui qui veut bien prêter sur 30 ans afin que ça « puisse passer », on voit pire encore ailleurs, on a même esquissé plus chez nous !).

Ensuite, si le rêve tourne au cauchemar, bien évidemment le Dieu lointain deviendra terrible et menaçant ! Et là on va commencer à éplucher le contrat signé, ce qui a rarement été fait avant, quand on pestait contre ce foutu délai légal de réflexion qui ajoutait encore un contretemps avant l’accès au paradis de la propriété… Et on va peut-être y découvrir quelques une des failles listées dans ce travail. Mais que de vies gâchées pour en arriver là!

Aux Etats-Unis, les subprimes ont poussé plus loin ce Nouveau Testament bancaire, puisqu’on a délibérément prêté à des gens incapables de rembourser, en revendant ces titres de prêts pourris et saucissonnés à d’autres intervenants, avec les conséquences que l’on sait : crise bancaire, crise économique, aides massives aux banques (car trop grosses pour périr), facilités de crédit (alimentant d’autres bulles et permettant de retrouver les bonus bancaires !), crises des dettes souveraines (qui reste devant nous), obligeant à passer à l’austérité, etc.

D’autant que nous sommes dans une bulle immobilière d’un niveau jamais vu chez nous et qu’une baisse de prix est probable (rappelons que la bulle vers 1990 a été sanglante à Paris, alors qu’elle était bien plus modeste que l’actuelle, on a vu des prix baisser y de 40%). Ceux qui racontent que l’immobilier, ça ne baisse pas, poussent des centaines de milliers de familles vers le désastre. Tout est cyclique dans l’économie.

Prenons un achat d’un appartement de 200 000 € + 24 000 € de frais dits de notaire et de commission de l’agent immobilier + 100 000 € de coût total du crédit : nous en sommes à 340 000 € là où Candide croyait débourser 200 000 € pour ne plus « jeter son argent par les fenêtres ». Là il le jettera simplement à sa banque, dont il est en pratique ‘locataire’ tant que son prêt court encore. Certes il ne jette plus son argent par les fenêtres mais il joue, sans le savoir, sur le futur des prix immobiliers : si la bulle immobilière actuelle éclate, comme c’est probable, combien se revendra l’appartement acheté 200 000 € ? Et payé 340 000 € ?

Je voyais, dans un des départements à la densité la plus faible, aux revenus les plus bas, les plus agricoles, un terrain à bâtir en vente à 150 000 € pour 1500 m², loin de tout, y compris de la médiocre agglomération qui en est le chef-lieu (dans 10 ans, en l’absence de transports en commun, quel sera le coût des déplacements, avec l’évolution inévitable du prix de l’énergie, pour aller travailler, faire ses courses, etc. ?). Je disais chiffre parlant : déjà le prix d’achat du terrain, sans la maison, c’est plus de 12 ans de SMIC ! Et combien d’années d’épargne pour un non-smicard ? Ajoutez-y le coût total du crédit, celui de la construction de la maison, et le coût total du crédit qui ira avec, et voyez le destin que se prépare peut-être l’heureuse famille.

J’ai dit ‘parlant’. Je songe à ces amis, qui dans leur jeunesse ont connu les anciens francs, comme moi, qui ont achevé des études supérieures en un temps où moins du ¼ des Français obtenaient le Bac, et qui à ma grande surprise utilisaient récemment ces anciens francs –pas même les francs !- au lieu des euros pour parler de prix immobiliers. Devant ma surprise (et les ricanements de certains devant leur écran, j’imagine) ils m’ont répondu : « Ben oui, quand ce sont de grosses sommes, les anciens francs sont plus ‘parlants’.

Après que vous ayez ri d’eux, demandez-vous s’il n’y a pas là une certaine forme de sagesse face à la bulle immobilière actuelle. Un prix de 300 000 €, ça devient banal, ça n’a plus grand sens (il y a bien des gens qui croient maîtriser les €, et qui ne maîtrisent rien du tout : ainsi mon épouse se dit parfaitement à l’aise avec eux. Il ne saurait en aller autrement, elle ne regarde aucun prix et n’en sait aucun, même banalement alimentaire) et dans bien des endroits, on n’a droit qu’à un achat assez médiocre à ce prix. Dites, en arrondissant, 2 000 000 de FRF, et là ça montrera mieux l’absurdité concrète de ce prix pour lequel on avait un petit château, en bien des lieux provinciaux, il y a 12 ou 13 ans ! Laissons les 200 briques, qui ne sont plus que des briquettes, à ces amis…mais elles nous parlent assez bien quand même : « pour 200 briques, t’as plus rien ». Quelle folie !
 
Allongez la durée du prêt, et vous multipliez aussi l’effet éventuel des aléas de la vie (divorce, dont on sait à quel point il s’est banalisé, chômage, qui ne baissera pas à l’avenir avec notre inévitable déclassement économique dans le cadre de la mondialisation….), alors cela vaut bien un peu de sympathie pour ce coût total du crédit !

L’allongement de la durée des prêts, c’est aussi ce qui a permis la formation de cette bulle immobilière sous couvert de baisse des taux. Il y a là, un peu, nos subprimes à nous, version light, à la française. Or l’effet de cet allongement de la durée des prêts sur le prix de revient réel de l’achat immobilier, ça n’est pas le TEG qui permet de le voir par un seul chiffre, mais le coût total du crédit.

c) Il faut comprendre que les 2 seules notions à considérer, car ayant une portée juridique, en matière d’information à apporter au consommateur, sont le TEG et ce coût total du crédit, dont j’ai écrit ci-dessus qu’elles sont complémentaires. Voyons pourquoi.

- Le TEG est certes le moins mauvais outil pour comparer différentes offres préalables de crédit. Mais je ne suis pas certain que tous les emprunteurs de base se fassent émettre plusieurs offres, si tant est même qu’ils demandent une simulation à plusieurs banques, qui n’a que peu de valeur. Je crois du reste qu’ici certains pros n’encouragent pas à faire cette démarche.
Or cette comparaison a moins de portée économique que la prise en compte du prix de revient réel de l’achat immobilier.

- En revanche il sera muet sur l’effet de l’allongement de la durée des prêts dont on sait qu’elle est le recours des plus faibles des acquéreurs de biens immobiliers face à la bulle immobilière…qui s’en trouve entretenue par là ! Nos subprimes à nous ?

Quel emprunteur de base sait que cet allongement de la durée des prêts, en qui il voit la solution magique (et la banque ne l’en décourage pas !) pour entrer dans la norme du taux d’effort, qu’il aime car elle lui permet de « réaliser son rêve d’achat» a des conséquences désastreuses en termes d’intérêts à payer ? Quel emprunteur de base sait qu’au-delà d’une certaine durée il est contre-productif ?

Or cette information le coût total du crédit la lui apporte, et non le TEG. Alors que le risque couru ici est autrement plus grave que celui de ne pas gagner 3 €/mois sur sa mensualité en comparant des offres via le TEG.

d) le TEG et ce coût total du crédit sont tous deux de mauvais outils, mais il faut faire avec eux par force…

Aristide, qui tient tant aux échéances lissées, prétend que le TEG rend mieux compte de l’effet temps. Sauf dans le cas le plus important, qui est celui de la prise de la mesure de la nocivité de l’allongement de la durée des prêts…

Aucun des deux outils ne permet réellement de comparer deux offres si les ADI ne sont pas identiques, notamment dans les garanties offertes. Aucun des deux outils ne permettra de voir qu’à coût égal (admettons que ce soit le cas) une hypothèque sera bien plus coûteuse qu’une caution mutuelle (qui dans certains cas permettra de se faire reverser une partie de son coût en l’absence de sinistre) car elle évitera des frais de mainlevée (hélas non inclus dans nos deux outils) et sera moins traumatisante en cas de défaillance de l’emprunteur.

J’ajoute quand même qu’il serait bon, dans toute clause suspensive d’obtention de prêt dans un compromis, une condition non seulement de durée maximale du prêt, et de taux d’intérêt maximal, mais aussi de coût total du crédit à ne pas dépasser. Cela contraindrait déjà le candidat à l’achat à étudier l’emprunt assez tôt.

On pourrait poursuivre ce débat, qui est de grand intérêt,mais on aura déjà compris qu’il ne se règle pas en une affirmation combien rapide, et qu’il appellerait d’ouvrir un sujet qui lui soit propre.
 
VIII) Les autres dispositions, mineures ou en débat, et la question de la responsabilité bancaire :


1) Une exigence de décomposition du TEG ?

On voit dans l’arrêt, déjà cité ci-dessus, de la Cour d’appel de Paris (19 janvier 2001, N° de RG: 1998/18761) une exigence de décomposition du TEG qui me semble mal présentée:

« que l’acte authentique,(…) s’il fait état d’un taux effectif global de 17,50 %, ne présente pas sa décomposition, en intérêt, frais, commissions ou rémunérations de toute nature, au sens des dispositions de l’article L 313-1 du Code de la Consommation, pas plus que l’offre, pour le pourcentage prétendument erroné; ».

Il est un peu curieux déjà de voir appliquer à l’acte authentique une exigence qui ne vaut que pour l’offre, mais qui était bien en cause aussi en l’espèce.
En fait l’article visé n’exige pas cette décomposition du TEG : il doit ( ?) s’agir d’un raccourci visant l’obligation d’énoncer, en donnant une évaluation de leur coût, les stipulations, les assurances et les sûretés réelles ou personnelles exigées, qui conditionnent la conclusion du prêt mais obligation extérieure au calcul du TEG et qui ressort elle de l’article L. 312-8 du Code de la consommation définissant le contenu de l’offre. Elle fait, cette obligation, que l’emprunteur doit avoir sous les yeux tous les éléments pris en compte pour ce calcul du TEG. A défaut il ne peut percevoir que le TEG est erroné (ce qui, en outre, exigerait de lui des compétences assez peu répandues).

Ou alors il faudrait admettre, à suivre cet arrêt, que la décomposition du TEG serait requise, du genre taux nominal de X% + Y% pour…, + Z% pour …etc.
Après tout, c’est possible, j’ai souvenir d’un arrêt de la Cour de cassation qui valide une offre au motif, précisément, que le TEG y était présenté comme une addition de pourcentages liés aux différentes charges en cause. Il est vrai que cela permet au consommateur de vérifier ce qui entre dans le calcul, et d’apprécier le coût des exigences de la banque, mais je pense que les spécialistes du calcul du TEG que nous avons sur le forum vont dire que cette exigence méconnaîtrait les bases réglementaires du calcul !

L’arrêt en cause (Cour de cassation, chambre civile 1, 16 septembre 2010, N° de pourvoi: 08-20550) rejette le pourvoi contre une décision de la Cour d'appel de Versailles du 29 mai 2008 qui avait débouté M. et Mme X... de leur demande tendant à voir prononcer la nullité de la stipulation relative aux intérêts conventionnels, au motif que :

« était indiqué un taux annuel de 5,55 % auquel étaient ajoutés, en page 14 :
- des frais divers pour 0,170 % ;
- une cotisation assurance décès invalidité dans la limite d’un montant de prêt assuré à 100 % : 0,384 % x 2 ;
que le TEG ainsi obtenu (hors même de l’incidence de frais d’instruction du dossier) était de 6,488 %, soit supérieur à celui indiqué dans l’acte de vente lui-même en page 14 ; »

La décision de la Cour d'appel de Versailles a été validée car si le TEG était inexactement affiché, c’est bien celui qui a été appliqué au contrat et non le taux plus élevé qui aurait dû ressortir du calcul.

Dans cet autre arrêt de la Cour de cassation (chambre commerciale 15 octobre 2002, N° de pourvoi: 99-11874) on voit bien validée une décomposition du TEG (partielle puisque « hors frais d'acte », ce qui a été ici accepté).
Il s’agissait d’une entreprise, donc d’un professionnel non protégé par la demande de déchéance des intérêts, dont le liquidateur faisait valoir que « en déclarant non fondée la demande de réduction du taux applicable au taux légal, tout en constatant que le taux effectif global du prêt, d'un montant de 13 %, ne prenait pas en compte les primes d'assurance(4,55 %) et les frais d'acte(évalués entre 2 % et 2,5 %), sans rechercher si ces frais ne constituaient pas un accroissement des charges de l'emprunt faisant en conséquence partie du taux effectif global, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 3 et 4 de la loi du 28 décembre 1966, devenus les articles L. 313-1 et L. 313-2 du Code de la consommation ; »

Mais le moyen est rejeté, et le pourvoi avec, par la Cour de cassation :

« Mais attendu qu'après avoir constaté que le contrat de prêt litigieux mentionnait que les primes d'assurance étaient égales à 4,55 % de chaque versement mensuel tandis que les frais d'acte étaient évalués entre 2 et 2,5 % du montant du prêt, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que le contrat fait référence expresse à un taux effectif global de 13 % "hors frais d'acte" et que ces mentions sont suffisantes pour permettre à l'emprunteur d'évaluer le coût du crédit ; qu'ainsi, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ; »


2) Deux TEG dans une offre ?

Oui, c’est possible, mais sans doute rarissime (variation du taux de l’ADI), et cela peut être sinon exigible, mais du moins accepté. Ici la banque a même poussé loin son obligation d’affichage d’un TEG aussi précis que possible :

Cour d’appel d’Aix-en-Provence, chambre commerciale, 6 décembre 2007, N° de RG: 05/22476 :

Le prêt étant assorti d’une « assurance groupe décès, invalidité, incapacité de travail » dont le taux de cotisation est variable, dans la limite maximale de 0,45 % l’an (cf. acte notarié page 21), les appelants sont mal fondés à critiquer la mention de deux TEG, l’un fixé en considération de la cotisation d’assurance applicable au jour de l’acte, l’autre fixé en considération de la cotisation d’assurance au taux maximal.

3) L’absence de la date de mise à disposition des fonds :

Elle peut être mise en cause, mais je doute fort qu’un juge du fond s’en émeuve beaucoup, sauf dans le cas où elle serait destinée à masquer un dol de l’emprunteur, si elle est seule en cause. Ainsi, quand un nouveau prêt est mis en place par une offre préalable, en faisant croire qu’il s’agirait d’un avenant, la banqua va vouloir masquer le fait que les fond sont déjà été débloqués, en partie (cas d’un achat en VEFA) ou en totalité et qu’en fait elle va utiliser le montant prêté pour racheter le prêt initial, tout en le dissimulant. Ainsi rien ne sera versé de façon contractuelle (en général : au notaire, à l’emprunteur, ou au constructeur) mais l’emprunteur ne s’en apercevra pas : il ne s’agira que d’un jeu d’écritures dans les comptes de la banque, et lui aura bien eu les sommes en question, sans comprendre qu’elles ressortaient de deux cadres contractuels différents. Seule la pièce d’historique du prêt le montrerait.

Ce moyen visant l’absence de la date de mise à disposition des fonds peut toutefois s’utiliser néanmoins dans des situations plus ordinaires:

Cour de cassation, chambre civile 1, 19 mars 2009, N° de pourvoi: 05-13126 :

« Qu’en statuant ainsi, alors d’abord que si la méconnaissance du délai d’acceptation de dix jours est sanctionnée par une nullité relative*, l’inobservation des règles de forme relatives aux modalités d’envoi de l’offre de prêt est sanctionnée par la déchéance du droit aux intérêts seule réclamée par l’emprunteur et qu’ensuite, ce dernier invoquait le non respect des dispositions relatives à la mention dans l’offre de prêt de la date de mise à disposition des fonds et du montant des frais, la cour d’appel a violé les textes susvisés ; »

* juste s’il n’y a pas fraude connue du prêteur, ou pratiquée par lui, donc.

Le moyen du pourvoi ayant obtenu la cassation soulève aussi la question de la mention des frais éventuellement perçus, en cas de non-conclusion du contrat dont j’ignore si elle figure souvent dans une offre, et qui a effectivement été sanctionnée ci-dessus:

« ALORS QUE, d’autre part, l’offre préalable d’un prêt immobilier doit comporter une clause relative à la date de mise à disposition des fonds, ainsi que la mention des frais éventuellement perçus, en cas de non-conclusion du contrat ; qu’en l’espèce, la cour, qui a omis de rechercher, alors que le docteur X... le lui avait demandé, si l’offre préalable de prêt formalisée par le CREDIT LYONNAIS comportait ces mentions, a privé sa décision de base légale au regard de l’article L.312-8 du Code de la consommation. »

 
4) Et quand il y a un amortissement négatif en début de prêt ?

Celui-ci doit ressortir de l’offre, or cela peut se rencontrer plus souvent que par le passé avec les prêts à taux variable ou autres solution sophistiquées et surtout avec l’allongement de la durée des prêts. L’offre sera jugée fautive si elle ne permet pas de percevoir ce risque.

Cour de cassation, chambre civile 1, 16 mars 1994, N° de pourvoi: 92-12239, rejet :

« Attendu que la banque fait grief à l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 19 décembre 1991) de l’avoir déclarée déchue du droit aux intérêts conventionnels (…)
Mais attendu qu’après avoir exactement énoncé que l’article 5 de la loi n° 79-596 du 13 juillet 1979 dispose que les prêts que le texte régit doivent faire l’objet d’une offre précisant la nature, l’objet et les modalités du prêt, notamment celles qui sont relatives aux dates et conditions de mise à la disposition des fonds ainsi qu’à l’échéancier des amortissements, les juges du second degré ont justement considéré qu’un tableau qui se contenterait de détailler les dates des échéances et leur montant global, sans préciser la part du remboursement affecté dans chacune d’elles à l’amortissement du capital par rapport à celle couvrant les intérêts, ne satisferait pas aux exigences légales ;

Qu’ils ont encore relevé que l’” échéancier des amortissements “, versé par la banque aux débats, n’avait pas été annexé à l’acte authentique de vente et qu’ainsi, seul figurait dans l’offre acceptée et annexée audit acte authentique un tableau des échéances avec leur date et leur montant global ; que, compte tenu du taux d’intérêt élevé, de la longue durée du prêt et de la minoration des premières échéances, le prêt proposé comportait au début un amortissement négatif, conduisait à une augmentation de fait du capital, que seul un échéancier des amortissements conforme aux exigences légales pouvait mettre en lumière cette particularité ;
que la déclaration des époux X... ne suffisait pas à établir que cet échéancier des amortissements était joint à l’offre lorsqu’ils l’avaient acceptée, »

Il va de soi, et cet arrêt permet de le rappeler, que si aucun échéancier des amortissements n’a été joint à l’offre la déchéance est encourue.
Ce qui est dit ici des déclarations des emprunteurs, une nouvelle fois, est très important : une banque ne peut les leur opposer quand elle a seule la charge de la preuve.

Il peut arriver qu’une banque ayant commis un grave dol des emprunteurs préfère prétendre qu’aucun tableau d’amortissement ne leur a été remis dès lors que celui-ci fait ressortir qu’au lieu d’un prétendu avenant à un prêt c’est un nouveau prêt qu’elle a clandestinement mis en place en émettant une nouvelle offre de prêt, rachetant à l’insu des emprunteurs le prêt initial.

5) Qui a la charge de la preuve de l’exactitude du TEG ?

Le Tribunal de Grande Instance de Bobigny (jugement du 14 mars 2002) a jugé que c’est à la banque – ici le demandeur à l’instance - de prouver l’exactitude de son calcul du TEG :

« le demandeur, à qui incombe la charge de la preuve, ne démontre pas que le calcul a été fait sur la base d'un TEG de 11,38 % qui prend en compte l'inclusion des frais de gestion et d'assurance. En effet, le demandeur se contente d'avancer dans ses écritures que ' vérification a été faite de ce que le taux de 11,38 % comprend bien ...'. Aucune pièce pertinente comptable ne vient illustrer l'hypothèse de calcul suggéré ; (...) Il n'appartient pas au tribunal (...) de suppléer à la carence du demandeur quant à la preuve de l'application à l'espèce du TEG mentionné au contrat.
Dès lors, il convient de considérer que ce taux n'étant pas démontré, la mention qui figure sur le contrat de prêt n'est pas conforme aux dispositions des articles L 312-8 3° et L 313-1 du Code de la Consommation ; la stipulation d'intérêts conventionnels doit être déclarée nulle, le taux d'intérêt légal s'appliquant à la date du prêt. »

En revanche le demandeur de la déchéance à l’instance soit par assignation de la banque, soit par demande reconventionnelle portée contre le prêteur agissant contre l’emprunteur défaillant) qui soulève les vices de l’offre susceptibles de la faire prononcer à) son bénéfice aura à prouver ces vices, qui, nous l’avons vu, vont bien au-delà de la seule inexactitude du calcul du TEG (qui n’est pas toujours la plus aisée à démontrer, sauf en cas d’erreurs grossières : chacun de nos spécialistes du TEG sur ce forum aura peut-être un résultat différent dans les cas complexes) .

6) Différence entre le contrat et l’offre :

Il importe de la comprendre pour la détermination des sanctions possibles qui relèvent du droit consumériste (déchéance) ou du droit civil général (nullité relative du contrat entier – en cas de vice du consentement, ou même de consentement non formé : méconnaissance du délai d’acceptation de dix jours s’il n’y a pas fraude connue du prêteur, ou pratiquée par lui ; ou nullité relative de la seule clause relative à la stipulation d’intérêts ; ou même demande de dommages et intérêts)selon le cas.

L’article L313-1 du Code de la Consommation dispose que :

« Toutefois, pour l'application des articles L. 312-4 à L. 312-8, les charges liées aux garanties dont les crédits sont éventuellement assortis ainsi que les honoraires d'officiers ministériels ne sont pas compris dans le taux effectif global défini ci-dessus, lorsque leur montant ne peut être indiqué avec précision antérieurement à la conclusion définitive du contrat. »

ce qui établit clairement une distinction entre l’offre (régie par le droit consumériste) et le « contrat définitif » (régi par le droit civil général des obligations).
Ce qui renforce la distinction à établir entre l’offre acceptée (= contrat non définitif du fait du droit consumériste) et le contrat définitif, mais si les garanties restent le plus souvent à constituer après acceptation de l’offre, même hors hypothèque ou caution, le passage par le notaire n’est pas toujours nécessaire.
Alors qu’est-ce que le contrat définitif dans ce cas : l’offre émise, et acceptée, ou l’offre avec ses garanties constituées quand elles ne nécessitent pas d’acte authentique ? Il me semble que ce ne peut être dans ce cas rare que l’offre acceptée mais avec ses garanties constituées.

Mais alors le TEG de l’offre serait le seul à prendre en compte, en l’absence de toute réitération de l’offre, et il doit donc être ‘définitivement calculé’ dès son émission sans que la banque puisse dans cette hypothèse rare prétendre à aucune tolérance!


 
7) Deux demandes sont à porter contre le TEG erroné :

Il y a un paradoxe, une faille, peu perçus dans la protection du consommateur : la déchéance des intérêts (contre le TEG dans l’offre) est une sanction très forte, mais qui reste à la discrétion du juge. Dans certains cas elle peut donc ne pas être prononcée, ou alors en faible part.
Lors de l’arrêt Edouard, d’ailleurs, il avait été souhaité que les juges du fond n’appliquent pas, ou mollement, la déchéance des intérêts que la Cour de cassation jugeait devoir s’appliquer quand une banque avait accepté de renégocier un prêt sans émettre une nouvelle offre. Cela se comprenait assez bien : après tout, la banque avait été généreuse, sans y être contrainte, envers les emprunteurs, qui allaient bénéficier d’un redoutable effet d’aubaine après avoir vu, déjà, leurs conditions d’emprunt s’améliorer. Mais là ce n’était pas le TEG qui était en cause, juste une sanction civile d’une faute de la banque.
On ne connaît toutefois pas de cas où des violations importantes, voire répétées, n’ont pas été sanctionnées par la déchéance totale des intérêts, et il suffit bien souvent d’une seule erreur dans le calcul du TEG pour que la banque soit condamnée. Seules des violations mineures du droit consumériste ont conduit à des déchéances partielles des intérêts.

Mais, à supposer que ce ne soit pas le cas, la protection du consommateur serait moindre que celle assurée par le droit civil général, en principe lui moins protecteur !

En effet l’article 1907 du Code civil dispose que l’intérêt est soit légal, soit conventionnel : dans ce dernier cas cela suppose qu’il soit fixé par écrit. A défaut, c’est le taux légal qui sera appliqué : il en va de même quand le taux porté au contrat est faux.

La déchéance totale des intérêts est en principe plus intéressante que le passage au taux légal, mais elle ne joue que contre l’offre, et sous réserve du pouvoir discrétionnaire du juge. Il est donc utile de demander aussi le passage au taux légal:

- à titre subsidiaire (= si la déchéance totale des intérêts n’était pas accordée) en cas d’erreur du TEG sur l’offre (mais cela ne vaut pas pour les autres éléments ayant pour sanction civile cette déchéance, l’article 1907 du Code civil étant hors-sujet) ;
- et contre l’acte notarié si le TEG y est également erroné.

La jurisprudence admet que ces 2 demandes (déchéance, passage au taux légal) soient simultanément portées.

NB : le pouvoir discrétionnaire du juge ne lui permet ni de dénaturer les faits (enfin, seulement ceux qui ressortent d’écrits, et de sens clair), ni de violer la loi (par exemple de juger que les parts sociales n’ont pas à être intégrées au TEG). Dans ces cas, la cassation de sa décision est assurée. Mais s’il a dit, sans dénaturer les faits, que certes la loi a été violée par la banque, mais que cela ne justifie pas de prononcer la déchéance des intérêts, sa décision ne pourra être attaquée en cassation. De même si une déchéance totale des intérêts a été demandée mais n’a été accordée qu’en partie (ce qui peut amener le TEG au-dessus du taux légal).

La demande de passage au taux légal est donc une précaution utile pour encadrer l’effet de ce pouvoir discrétionnaire du juge afin qu’il ne tombe pas dans un arbitraire faisant que la protection du consommateur soit moindre que celle assurée par le droit civil. Actuellement le taux légal est de plus à un niveau particulièrement bas.

Une meilleure rédaction de :
« Dans les cas prévus aux alinéas précédents, le prêteur ou le bailleur pourra en outre être déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge. »

serait obtenue par cet ajout : « en totalité ou dans la proportion fixée par le juge, sans que le taux qui découlera de cette décision puisse être supérieur au taux légal ».

NB 1: il faut toujours veiller à présenter les bonnes demandes, les juges ne répondant qu’à ce qui est demandé. Exemple d’un rejet de pourvoi (chambre civile 1, N° de pourvoi: 09-70540, 20 janvier 2011) d’un emprunteur qui s’est privé de ce qui était encore la prescription décennale (qui n’est pas encore épuisée pour certains contrats)…pour se heurter à la prescription quinquennale:

Attendu que la caisse de crédit agricole mutuel de l’Anjou a consenti, le 11 avril 1997, deux prêts immobiliers à M. X... qui a fait valoir le caractère erroné des taux d’intérêts pratiqués dans ces prêts et a assigné, le 23 octobre 2006, la banque en répétition des intérêts conventionnels perçus indûment ;

Attendu que dès lors que M. X... sollicitait la restitution des intérêts trop-perçus en raison des erreurs affectant les clauses d’intérêts contenues dans les prêts litigieux en application des dispositions des articles L. 313-1 et L. 313-2 du code de la consommation dont le non-respect est sanctionné par la nullité des dites clauses, la cour d’appel, (Angers, 16 décembre 2008), qui n’a pas modifié l’objet du litige, a exactement jugé qu’une telle action en restitution qui ne relève pas de la répétition de l’indu mais uniquement des règles de la nullité, était irrecevable comme prescrite ;

Alors qu’il y avait absence de prise en compte dans le calcul du TEG des frais de dossier, des frais de l'acte authentique et de prise de garanties affectées à ce prêt, ainsi que la retenue de parts sociales.

Autre exemple du 18 janvier 2011 (chambre commerciale, N° de pourvoi: 09-70108) pour un prêt à taux variable. C’est la nullité du prêt qui avait été demandée au lieu de la nullité de la stipulation d'intérêt (qui aurait été obtenue : alors qu'en cas de stipulation de variabilité du taux effectif global, la convention d'ouverture de crédit doit comporter la mention à titre indicatif d'un taux effectif global correspondant à des exemples chiffrés, ceci n’était pas fait). Une erreur qui coûte cher ! En effet :

NB 2: la méconnaissance des règles légales régissant le taux effectif global, édictées dans l'intérêt de l'emprunteur, est sanctionnée par la nullité relative de la stipulation d'intérêt (5 ans désormais et non plus 10) et non par la nullité du prêt (qui ne peut donc relever que de moyens autres (dol, vice du consentement telle qu’une erreur…alors que le TEG erroné a pourtant pu vicier ce consentement), qui se prescrit aussi par 5 ans. L’explication en est à rechercher dans l’effet de l’article 1907 du Code civil. La nullité du prêt entier, elle, a 2 conséquences, l’une favorable à l'emprunteur (au lieu d’avoir le passage au taux légal, les intérêts sont remboursés en totalité), l’autre plutôt défavorable à l'emprunteur (il doit rembourser le capital, ce qui peut le détourner d’agir à temps). Alors que le TEG inexact vaut absence de TEG, donc passage au taux légal.

Je signale quand même un arrêt récent qui jette le trouble (chambre commerciale, 14 décembre 2010, N° de pourvoi: 09-09-68275). Une entreprise en liquidation judiciaire a obtenu, par son liquidateur, la déchéance des intérêts conventionnels, ce que conteste la société Banque crédit industriel de l'Ouest. Moyen rejeté :

2°) que le contrat de prêt soumis aux articles L. 312-7 et suivants du code de la consommation n'est pas un contrat réel, qu'il se forme par la rencontre de l'offre et de l'acceptation des cocontractants et que c'est à ce moment que doit être appréciée la connaissance par le prêteur des éléments devant être pris en considération pour le calcul du TEG ; que la cour d'appel, qui s'est placée à la date de l'établissement de l'acte authentique de vente, le 8 décembre 2001, et non à la date de l'acceptation de l'offre de crédit, le 2 décembre 2001, pour apprécier la connaissance par le prêteur du montant de la prime d'assurance, a violé les articles L. 312-7 et suivants et L. 313-1 du code de la consommation;

Mais attendu qu'ayant retenu qu'au jour de l'acte notarié du 8 décembre 2001 constatant le prêt, le montant de la prime d'assurance était connu et devait donc être intégré au calcul du TEG, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre à un moyen devenu inopérant, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;


Là je ne comprends plus : la déchéance des intérêts conventionnels ne peut être obtenue contre le TEG de l'acte notarié…or le motif était que le montant de la prime d'assurance était connu le 8 décembre 2001, date de cet acte, alors que l’offre a été acceptée le 2 décembre 2001 (délai bref entre les 2 actes). Or le motif de la Cour d'appel de Poitiers (arrêt du 5 mai 2009) reprenait ainsi celui des premiers juges (ET AUX MOTIFS ADOPTES) qui lui était pertinent, selon le troisième moyen du pourvoi, tout en lui ajoutant cette erreur:

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir limité l'admission de la créance du CIO au passif de la liquidation de Monsieur X... à la somme de 95.393,44 € avec intérêts au taux légal à compter du 6 février 2006 au passif privilégié, en prononçant la déchéance des intérêts conventionnels,

AUX MOTIFS QUE s'agissant du TEG qui a été considéré comme erroné, cette situation n'est pas sérieusement contestable dès lors qu'au jour de l'acte notarié du 8 décembre 2000, le montant de la prime d'assurance était parfaitement connu et devait donc être intégré au calcul du TEG ; qu'en l'espèce l'acte fait mention d'un TEG de 5,61 % alors qu'en réalité ce taux est de 6,1308 % ;
 
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'il apparaît qu'il existe dans l'offre de prêt une erreur quant au calcul du taux effectif global de ce crédit ; qu'en effet, l'article L 313-1 du Code de la consommation précise que pour la détermination du TEG sont ajoutés aux intérêts les frais, commissions ou rémunérations de toute nature, y compris ceux qui sont payés ou dus à des intermédiaire intervenus ; que celui-ci doit être déterminé ainsi dans tout écrit instituant un contrat de prêt ; qu'en l'espèce, le TEG réel est de 6,1308 % alors que celui indiqué par la banque est de 5,61 % ; que la sanction, en l'espèce est la déchéance des intérêts et non le calcul du TEG selon les modalités revues au regard du nouveau calcul comme le soutient le CIO ; qu'il convient de débouter le CIO de sa demande de calcul des intérêts et de ne retenir que les intérêts au taux légal ;

Ou alors faut-il considérer que le raisonnement, ici bien abrégé, était le suivant : si le montant de la prime d'assurance était connu le 8 décembre 2001, date de cet acte, il devait déjà l’être lors de l’émission de l’offre acceptée le 2 décembre 2001 (soit une quinzaine de jours avant le 2 ?) puisque c’est à la banque qu’il incombe de s’informer sur son coût? Mais s’il s’agissait d’une assurance de groupe proposée par le prêteur, son coût lui était nécessairement connu de toute façon !


L’assurance de groupe (ADI) amène d’autres litiges (qui n’existeront pas dans le cas d’une délégation d’assurance dans laquelle le prêteur n’aura eu aucune part), celle de sa responsabilité pour absence de conseil :

8) La question du contrat d'assurance de groupe :

L’article 1147 du Code civil oblige « le prêteur qui propose à son client, auquel il consent un prêt, d'adhérer au contrat d'assurance de groupe qu'il a souscrit à l'effet de garantir, en cas de survenance de divers risques, l'exécution de tout ou partie de ses engagements, est tenu de l'éclairer sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d'emprunteur, la remise de la notice ne suffisant pas à satisfaire à cette obligation » selon une jurisprudence constante.

Mais c’est ici la condamnation au paiement de dommages-intérêts qui peut seule être demandée, et non la déchéance des intérêts.

C’est cependant une situation qui n’est pas rare, il faut donc connaître cette possibilité : les cas où l’assureur se refuse à prendre en charge le remboursement du prêt sont nombreux (les clauses en petits caractères !).
Le plus souvent c’est une absence de conseil sur la faculté de souscrire une assurance complémentaire couvrant le risque survenu, mais non protégé (ex. : mise à la retraite pour inaptitude à 60 ans, cas qui sera de plus en plus fréquent avec les prêts à 25 ou 30 ans de vie), qui sera reprochée à la banque.

9) La question des flux hypothétiques pour le calcul du TEG :

L’arrêt de la Cour de cassation déjà cité car il impose la prise en compte dans le calcul du TEG des frais de garantie d’une société de caution mutuelle (Chambre civile 1, 9 décembre 2010, N° de pourvoi: 09-14977) est éclairant à ce sujet.

La cassation, d’abord :

Attendu que pour débouter M X... de sa demande tendant à voir prononcer la déchéance du droit aux intérêts du prêteur en raison de l’absence d’intégration des frais de garantie dans le calcul du taux effectif global, la cour d’appel retient que la charge de la retenue de garantie qui ne peut être déterminée avec précision par l’emprunteur antérieurement à la conclusion du prêt dans la mesure où le remboursement est incertain dans son principe et dans son montant doit être considérée comme une des exceptions définies à l’article L. 313-1, alinéa 2, du code de la consommation ;
Qu’en statuant ainsi, alors que la somme payée par l’emprunteur au titre de la constitution d’un fonds de garantie créé par une société de caution mutuelle pour garantir la bonne exécution du prêt, et dont le montant est déterminé lors de la conclusion du prêt, est imposée comme une condition d’octroi de celui-ci de sorte qu’elle doit être prise en compte pour le calcul du taux effectif global, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

On notera que ce motif écarte aussi les moyens soulevés pour écarter les parts sociales, prétendues remboursables (j’en ai achetées en 1981 que je n’ai jamais revues, le prêt s’étant achevé en 1989, et sans jamais avoir été traité comme un sociétaire de cette banque !), et susceptibles d’amener des intérêts (jamais perçus), du calcul du TEG.

La Cour d'appel de Dijon avait eu cette motivation, cassée, donc, pour donner raison à la banque :

Toutefois pour l’application des articles L 312-4 à L 312-8, les charges liées aux garanties dont les crédits sont éventuellement assortis ainsi que les honoraires d’officier ministériel ne sont pas compris dans le taux effectif global défini ci-dessus lorsque leur montant ne peut être indiqué avec précision antérieurement à la conclusion définitive du contrat» ; que l’expert a bien cerné la difficulté pour le calcul du taux effectif global selon “la prise en compte ou non du flux financier correspondant au fonds de garantie, à savoir un flux de 65 200 frs ou 9 939,68 € parfaitement connu à l’origine et un flux hypothétique, qui se produit 93 mois plus tard, dont le montant n’est pas connu à l’origine mais qui sera compris entre 0 et 65 200 Frs ou 9 939,68 €” ; que le taux effectif global s’établira “ à 8,43 % si l’on exclut le flux financier relatif au fonds de garantie, à 8,61 % si l’on retient ce flux avec un remboursement au bout de 93 mois et 8,80 % si l’on retient ce flux avec un remboursement égal à 0»; que le Tribunal a reconnu que la charge de la retenue de garantie était variable et ne pouvait être ainsi déterminée par l’emprunteur antérieurement à la conclusions du prêt et que cette partie de la garantie n’avait pas à être comprise dans le taux effectif global ; que celui-ci selon le calcul de l’expert s’établit à 8,43 % et est inférieur à celui mentionné sur les documents contractuels, de 8,449 % de sorte que les comptes entre les parties sont soldés ; que Monsieur Antoine X... s’appuyant sur une jurisprudence relative à des frais obligatoires et déterminables au moment de la conclusion du contrat, estime que le flux financier déterminé par l’expert est connu avec précision dans son montant lors de la conclusion du contrat, à savoir un décaissement, pour le client, d’une somme de 65 200 frs soit 9 939,68 € et que compte tenu du caractère essentiellement hypothétique d’une restitution à 100 % du fond de garantie confirmée par le président d’INTERFIMO, le calcul du taux effectif global à 8,61 % est un minima et que toute restitution inférieure à 100 % conduirait à un taux effectif global supérieur ; que cependant, le CREDIT LYONNAIS souligne que l’intervention de la Société INTERFIMO a été négociée entre les parties, acceptée par Monsieur Antoine X... dans ses modalités présentées dans les documents contractuels signés par Monsieur Antoine X... ; que le fonds de garantie constitue la mutualisation d’un risque dans l’intérêt général des cotisants excluant la restitution des fonds de garantie avant le terme du crédit ; que le taux de restitution des sommes versées au fonds de garantie ne peut être connu au moment de la souscription du contrat car celui-ci dépendra de l’utilisation contentieuse du fonds et qu’en raison de cette incertitude, il n’y a pas lieu d’intégrer le flux financier lié au fonds de garantie ; que ne doivent être prises en compte dans le calcul du taux effectif global que les commissions qui représentent une charge pour l’emprunteur et que la cotisation à la contribution à un fonds national de garantie restituable en fin de prêt n’est pas incluse dans le taux effectif global ; (…)que la jurisprudence de la Cour de cassation a posé le principe “ qu’une indemnité de remboursement anticipé dont la mise en oeuvre est éventuelle et donc étrangère aux frais intervenus dans l’octroi du prêt, ne doit pas être prise en compte dans la détermination du taux effectif global de celui-ci” ; que selon ce même principe, les sommes payées par l’emprunteur au titre de la constitution d’un fonds de garantie créé par une société de caution mutuelle garantissant la bonne fin du prêt au bénéfice du prêteur n’entrent pas dans le calcul du taux effectif global dans la mesure où cette opération a la nature juridique d’un nantissement d’espèces ; que dès lors le flux financier lié au fonds de garantie ne doit pas être intégré dans le calcul du taux effectif global et doit être considéré comme une des exceptions définies par l’article L 313-1 alinéa 2 du Code de la consommation ; que dans ces conditions le jugement sera confirmé sur ce point ;

L’arrêt de la Cour de cassation du 9 décembre 2010 impose donc la prise en compte de la totalité du flux déboursé par l’emprunteur à l’origine du crédit, sans qu’il ait à être écarté au motif qu’une partie en pourrait être remboursé à la fin du prêt.
 
Relativement aux moyens de défense développés par la banque qui a vu ses pratiques en matière de souscription de parts sociales sanctionnées par l’autre arrêt de ce 9 décembre 2010 celui-ci est même plus important encore que celui qui la concernait directement : il réduit à néant les médiocres excuses mettant en avant le remboursement éventuel des parts, ainsi que les intérêts hypothétiques pas toujours versés sur ces parts, lesquelles seront statutairement perdues si la banque en refuse le remboursement, ou si elle disparaît par quelque déconfiture.

Quant à la spécificité des banques mutualistes, revenant à dire qu’il faut les autoriser, par la vertu qu’elle suppose, à violer la loi consumériste (alors que la loi n’impose, quant à leur statut, que lasouscription d’une part sociale pour devenir sociétaire, et encore pas toujours) c’est une plaisanterie dès lors que les banques dites ‘capitalistes’ n’ont pas nécessairement des pratiques plus immorales, on le verra sans doute bientôt, et doivent financer de façon plus coûteuse les apports de capitaux de leurs actionnaires.


10) La charge de la preuve en cas de dol :

Nous avons vu que la prise en compte du dol (qui peut être une simple réticence dolosive, pour dissimuler des informations qui, auraient-elles été connues du contractant, l’auraient dissuadé de contracter) est un moyen possible pour reculer le point de départ de la prescription (désormais quinquennale) : en effet le dol qui serait découvert au moment de signer le contrat, ferait que l’on ne l’aurait pas accepté.

Le dol, c’est une erreur provoquée par un des contractants, afin que l’autre partie accepte un contrat lui étant défavorables, ce qu’il ne perçoit pas, du fait des manœuvres, ou, désormais, par le fait d’une simple réticence dolosive, venant de la partie déloyale. Le consentement a donc été apporté sur de mauvaises bases, il est vicié.

Mais cette partie déloyale va bien évidemment nier le dol, puis, s’il est prouvé, prétendre que la prescription est acquise à son bénéfice, le contractant victime du dol ne pouvant plus, dès lors, remettre en cause le contrat. Où l’on voit que la prescription – fort réduite en 2008 – qui prétend assurer la ‘sécurité juridique’ assure surtout le triomphe de la partie déloyale dans de trop nombreux cas.

Vous en avez une autre application au pénal cette fois, dans l’actualité immédiate, avec les QPC destinées à faire juger inconstitutionnel le recul du point de départ de la prescription en matière d’abus de biens sociaux (ABS) : si cette vieille revendication des milieux d’affaires aboutit – elle est également soutenue par la majorité actuelle, qui n’a toutefois pas encore osé la faire passer dans la loi, tant le scandale est craint, alors que l’abaissement des prescriptions a peu remué les populations ! – autant dire que pratiquement plus aucun ABS ne sera susceptible d’être poursuivi.

Le consommateur est rarement averti du droit, alors que la partie la plus puissante a elle ses services juridiques, ses avocats habituels, à disposition, lui permettant notamment de jouer sur la prescription afin qu’elle soit acquise à son bénéfice avant de ‘tomber’ sur le consommateur par une action en justice.
C’est dire l’importance de la question du point de départ de la prescription, qui est dans ce cas celui de la découverte du dol et non la date de signature du contrat.

Dès lors, qui doit prouver cette date, puisqu’un procès, c’est affaire de preuves ?

Cet arrêt de la Cour de cassation (chambre commerciale, 23 mars 2010, N° de pourvoi: 08-21373 & 08-21466, joints car connexes) répond que c’est à l’auteur du dol de rapporter la preuve que la victime aurait découvert le dol plus de cinq ans avant qu’elle ne l’invoque en justice. Et ce n’est que justice, car comment la victime pourrait-elle apporter la preuve incontestable de la date de sa découverte du dol, sauf dans des circonstances particulières ?

Pour comprendre les faits en cause : ils sont très anciens (dans les années 1980), la victime présumée du dol est la société Crédit logement, qui s’est portée caution des prêts accordés par une société d’HLM (la société Domicil, présentée comme auteur du dol) à des locataires de logements construits par Domicil. Crédit logement a refusé de continuer à honorer ses engagements de caution, à la suite de la défaillance de certains acquéreurs.
Domicil l’a alors assignée en paiement au titre de son engagement de caution et en indemnisation de son préjudice : cet arrêt traite d’une demande reconventionnelle, c’est bien la victime du dol, Crédit logement, qui s’oppose par là à une demande en justice de l’autre partie, Domicil, qui a donc la charge de la preuve (ces notions sont capitales à maîtriser) de l’obligation dont elle poursuit l’exécution (les engagements de caution).

Vu les articles 1304 et 1315 du code civil ;
Attendu que, pour déclarer prescrite l’action en nullité des contrats de cautionnement, invoquée par la société Crédit logement, l’arrêt relève que cette dernière ne s’explique pas sur le point de départ de la prescription quinquennale, ni sur les conditions de sa mise en oeuvre, puisque cette société se limite à affirmer que ce n’est que dans le courant de l’année 2004 qu’elle a pu découvrir le prétendu dol en apprenant que des procédures de dommage ouvrage avaient été engagées par la société Domicil contre le constructeur des immeubles qui étaient dans une dégradation extrême ; qu’il relève encore que la décision de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, à laquelle se réfère la société Crédit logement pour justifier du dol dont elle aurait été victime, a été rendue par un arrêt du 19 septembre 1989* ; qu’il en déduit que cette société ne s’explique pas sur la manière dont elle aurait récemment découvert avoir été victime de dol ;
Attendu qu’en statuant ainsi, alors qu’il appartenait à la société Domicil de rapporter la preuve que la société Crédit logement avait découvert le dol, dont elle aurait été victime, plus de cinq ans avant que cette dernière n’invoque, dans le cadre d’une demande reconventionnelle, la nullité des contrats de cautionnement souscrits par elle, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

* Il faut savoir qu’une nouvelle jurisprudence peut permettre d’agir en justice (ou de ‘réagir’ par une demande reconventionnelle à une action adverse), sans se voir opposer la prescription, à compter de sa date. Mais il faut en outre distinguer la date de cette nouvelle jurisprudence et celle de la découverte des faits auxquels elle sera applicable. On peut très bien, par exemple, ne découvrir qu’après l’intervention de cette jurisprudence que le TEG d’un prêt ne comprenait pas le coût de souscription des parts sociales. La situation juridique créée par cette jurisprudence est nouvelle, et la Cour EDH de Strasbourg assimile la jurisprudence à la loi (vieux débat non tranché au plan interne, mais qui donne des chances de succès à Strasbourg). Toutefois, dans cette affaire, il s’agit d’un arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence auquel n’intervenait pas Crédit logement et qui chiffrait les dommages subis par la société DOMICIL et mis à la charge de l’architecte et du constructeur.

Donc la Cour d’appel de Paris (arrêt du 11 septembre 2008) a violé les dispositions suivantes en inversant la charge de la preuve (notion parfois très complexe, puisque violée ici par des professionnels, mais à bien assimiler):

Partie utile de l’article 1304 du Code civil :

Dans tous les cas où l'action en nullité ou en rescision d'une convention n'est pas limitée à un
moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans.
Ce temps ne court dans le cas de violence que du jour où elle a cessé ; dans le cas d'erreur ou de dol, du jour où ils ont été découverts.

Partie utile de l’article 1315 du Code civil :

Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

Les 2 arrêts (Cour d’appel de Paris, 11 septembre 2008, et chambre commerciale, 23 mars 2010) sont sur Legifrance, mais ils sont très longs, celui de la chambre commerciale du fait de la reprise des moyens des 2 pourvois (Domicil s’était pourvue contre l’arrêt en ce qu’il avait limité la condamnation prononcée à la charge de la société Crédit logement en tant que caution pour 10 dossiers, soit près d’un million d’euros quand même ; et CREDIT LOGEMENT s’était pourvu contre le rejet de ses prétentions présentées sur le fondement du dol, l’action en nullité fondée sur le dol ayant été jugée prescrite).

Première branche, décisive du premier moyen de cassation de Crédit logement contre la prescription:

1. Alors que, d’une part : il appartient à celui qui conteste la recevabilité de l’action* engagée contre lui de rapporter la preuve qu’elle a été engagée hors délai ; qu’en l’espèce, la Cour d’appel a violé l’article 1315 du Code civil, ensemble l’article 1304 du même Code, en faisant peser sur la société CREDIT LOGEMENT la charge de prouver que n’était pas prescrite sa demande en nullité pour dol dirigée contre la société DOMICIL ;

* action désigne ici la demande reconventionnelle de la victime du possible dol, Crédit logement, face à la demande en justice introduite contre lui par l’autre partie, Domicil. La solution aurait été la même si Crédit logement avait eu l’initiative, par une action en nullité contre son engagement de caution.

 
11) Et un prêt professionnel ?
Il échappe en principe à la protection du droit consumériste (mais le TEG tel qu’il est défini par le Code de la consommation s’appliquera néanmoins à lui conformément à ses dispositions) mais rien n’empêche qu’il en aille autrement, à cette condition toutefois que le contrat de prêt ait explicitement prévu qu’il en aille ainsi et que cette soumission du contrat au droit consumériste puisse être prouvé (en pratique : par l’emprunteur, qui est bien le seul à y avoir intérêt).



Exemple dans un arrêt, à la motivation classique, de la Cour de cassation :
Attendu que la SCI fait encore grief à l'arrêt de statuer ainsi, en retenant qu'il lui appartenait de justifier que le contrat de prêt litigieux était soumis aux règles protectrices du consommateur ou du non-professionnel ;
Mais attendu que c'est sans inverser la charge de la preuve que la cour d'appel a jugé qu'il appartenait à la SCI de justifier que le prêt, destiné à financer l'acquisition d'un immeuble à usage professionnel, avait été soumis volontairement par les parties aux dispositions des articles L. 312-1 et suivants du code de la consommation ;


La banque sera le plus souvent réticente à accepter cettesoumission du contrat au droit consumériste, le cas le plus à même de le permettre sans trop de difficultés pouvant être celui d’une SCI. Cette soumission peut aussi relever d’un hasard heureux (pour l’emprunteur), la banque ayant expédié une offre placée sous les références légales du Code de la consommation à une SCI familiale (à une entreprise, ce serait plus étonnant).

La portée des références légales visées dans l’offre est en effet considérable, en témoigne cet arrêt concernant encore une SCI:

Cour de cassation, chambre civile 1, 4 avril 2006, N° de pourvoi: 04-15813, cassation :

« Qu’en statuant ainsi, alors que l’offre litigieuse comportait la mention expresse en lettres majuscules : “offre de prêt immobilier, en application de la loi du 13 juillet 1979 modifiée par la loi du 31 décembre 1989 relative à l’information et à la protection des emprunteurs dans le domaine immobilier....”, que dans les conditions générales de l’offre de prêt, paraphées par les représentants de la SCI D’Après, figuraient notamment les dispositions issues de l’article L. 312-10 du Code de la consommation relatives à la validité de l’offre pour une durée de trente jours à compter de sa réception et aux modalités et délai de son acceptation dix jours après sa réception, qu’enfin l’acte authentique de prêt mentionnait expressément au paragraphe : “Offre de prêt” que le prêt avait été précédé d’une offre valable 30 jours et rappelait les conditions dans lesquelles l’offre de prêt avait été soumise et acceptée se conformant ainsi aux exigences de l’article L. 312-10, la cour d’appel a violé les textes susvisés ; »

La portée des références légales visées dans l’offre (visant par exemple la loi n° 93-949 et la loi n° 95-125) servira aussi, si besoin est, à la distinguer d’un avenant (régi lui par l’article L. 312-14-1 du Code de la consommation, issu de la loi n° 99-532 du 29 juin 1999, article 115-II).
Distinction qui peut ressortir aussi des considérations suivantes :


12) Le tableau d’amortissement ou échéancier :

Il est différent selon qu’il s’agit d’une offre préalable ou d’un avenant : et donc en l’étudiant on doit voir de suite dans quel cadre contractuel on se situe, ce qui peut ne pas être évident à découvrir par ailleurs par l’emprunteur en cas de dol (cas d’une banque tentant de faire passer pour un avenant une offre préalable mettant en place, de façon masquée, un nouveau contrat de prêt rachetant le précédent, par exemple, question qui viendra vraisemblablement devant la Cour de cassation prochainement).

- s’il s’agit d’une offre préalable, l’article L312-8 du Code de la consommation dispose que l’offre « 2° bis. Comprend un échéancier des amortissements détaillant pour chaque échéance la répartition du remboursement entre le capital et les intérêts. Toutefois, cette disposition ne concerne pas les offres de prêts à taux variable ; »

- s’il s’agit d’un avenant, l’article L. 312-14-1 du Code de la consommation, également d’ordre public, dispose que « Cet avenant comprend, d'une part, un échéancier des amortissements détaillant pour chaque échéance le capital restant dû en cas de remboursement anticipé (…) ».

Ce qui échapperait à une lecture rapide des textes est donc bien capital : au lieu d’une répartition du remboursement entre le capital et les intérêts détaillée pour chaque échéance dans le cas de l’offre préalable on passe, dans le cas de l’avenant, à l’indication, pour chaque échéance, du capital restant dû en cas de remboursement anticipé. Les exigences sont donc très différentes, même si on peut négliger ce fait faute d’avoir saisi les implications de ces dispositions, qu’il faut rapprocher l’une de l’autre pour les différencier.

J’ajoute une autre différence, mais qui ne se verra elle qu’en cas de prêt non encore totalement débloqué sur une vente en VEFA :

- s’il s’agit d’une offre préalable, mettant en place un nouveau contrat, le montant susceptible d’être prêté apparaîtra nécessairement en totalité et la première échéance (théorique) fera le calcul des intérêts sur l’entier capital ;

- s’il s’agit d’un avenant, le montant susceptible d’être prêté n’a cette fois plus à apparaître (il n’est plus en débat, sauf si l’avenant avait pour but de le modifier), d’une part, d’autre part la première échéance ne fera état, pour le capital restant dû en cas de remboursement anticipé, que du montant déjà débloqué sur le total susceptible d’être prêté.

Dans le cas d’un véritable avenant (Cour de cassation, chambre civile 1, 18 février 2009, N° de pourvoi: 05-16774, Cassation), en dehors de tout dol, comme dans celui d’une offre préalable, rappelons qu’un tableau d’amortissement, terme usuel (ou échéancier, qui est le terme utilisé par le Code de la consommation : il y aurait du reste beaucoup à dire sur ce vocabulaire) ne satisfaisant pas aux exigences légales expose la banque au risque de déchéance des intérêts.


13) La durée du mois prise en compte :

Le consommateur fait peu attention à cette disposition technique de l’article R*313-1du Code de la consommation :

« Le taux effectif global d'un prêt est un taux annuel, proportionnel au taux de période, à terme échu et exprimé pour cent unités monétaires. Le taux de période et la durée de la période doivent être expressément communiqués à l'emprunteur.»

Disposition à laquelle l’article L312-8 du Code de la consommation, lui d’ordre public, fait renvoi :

« 3° Indique,outre le montant du crédit susceptible d'être consenti, et, le cas échéant, celui de ses fractions périodiquement disponibles, son coût total, son taux défini conformément à l'article L. 313-1 ainsi que, s'il y a lieu, les modalités de l'indexation ; »

C’est donc le taux de période, et, partant, la bonne définition de la durée de cette période, qui vont déterminer, sous l’angle des mathématiques financières (et non plus sous celui, juridique, des charges à prendre en compte), l’exact calcul du TEG.

Intervient alors une petite astuce bancaire : elle consiste, ce qui est plus simple, à utiliser une année dite bancaire de 360 jours, ce qui fait 12 mois d’égale durée à 30 jours. Accessoirement cela permet de minimiser le taux de période affiché, en se rattrapant ensuite pour les 5 ou 6 jours perdus en apparence seulement.

C’est la raison pour laquelle cette pratique est condamnée par la jurisprudence quand elle reste masquée. C’est l’année civile de 365 ou 366 jours, selon le cas, qui doit servir de cadre. Un TEG calculé ainsi au mépris de cette année civile, légale et plus réaliste, sera donc inexactement affiché.

En revanche si la banque a honnêtement averti le consommateur (ou l’emprunteur professionnel) qu’il utilisait 12 mois d’égale durée de 30 jours pour définir son taux de période, ce qui rendrait la disposition contractuelle, et, à lire certains arrêts, s’il n’a calculé les intérêts que sur la base de l’année bancaire de 360 jours, sans récupérer ceux courant sur les 5 ou 6 jours non pris en compte de ce fait, la pratique ne sera pas condamnée. Un arrêt d’une Cour d’appel (Angers), récent, et débattu ailleurs ici, semble cependant vouloir interdire cette pratique en ne reconnaissant que l’année civile de 365 ou 366 jours.
 
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