Je reviens malgré tout sur le hors-sujet sur le coût total du crédit suscité par mon affirmation, isolée d’un texte de plus de 50 pages sous Word, car le débat est important par ce qu’il cache, qui ne déborde assez largement, et parce que c’est de la vraie vie, et de celle de l’emprunteur de base, qu’il faut partir. Et non des spéculations - aux délices parfois un peu pervers - de passionnés de mathématiques financières (songeons à l’allongement en ces lieux des débats sur les échéances lissées ou sur les TEG inexactement calculés, sans qu’un consensus puisse s’en dégager):
Ainsi le coût total permet bien à l'emprunteur l’approche la plus efficace de l’information sur le coût véritable de l’opération - que le TEG ne donne lui qu’en pourcentage - puisqu’elle est fournie là en valeur absolue, la plus ‘parlante’ pour le consommateur. Si ce coût total est mal affiché, c’est d’autant plus grave que c’est la seule information permettant à l’emprunteur, par un seul chiffre, de mesurer toutes les conséquences financières de son engagement, notamment celles relatives au prix de revient réel de l’achat immobilier rendu possible par ce prêt.
Les mots ayant un sens, explicitons-le car on n’y a semble-t-il pas prêté assez attention, préférant assassiner ce § d’un « c’est faux » aussi définitif que tranchant et passablement hors-sujet par rapport à mon texte que je dois citer sans les coupures pratiquées par Aristide qui en dévoient passablement le sens en les sortant de leur contexte:
a) « l’approche la plus
efficace de l’information sur le
coût véritable de l’opération - que le TEG ne donne lui qu’en pourcentage - puisqu’elle est fournie là
en valeur absolue » ne porte que sur les notions mises en gras.
C’est donc sous cet angle du coût véritable de l’opération,
et lui seulement, qu’elle doit être considérée, ce qu’Aristide n’a pas perçu me semble-t-il… Je n’ai pas dit que c’était le meilleur outil pour comparer différentes offres préalables de crédit, auquel cas sa remarque aurait eu plus de pertinence.
Nous verrons ci-dessous l’implication en cas d’allongement de la durée des prêts, et là le TEG est assez aveugle même pour comparer différentes offres préalables de durée très différente.
b) « c’est la seule information permettant à l’emprunteur,
par un seul chiffre, de mesurer
toutes les conséquences financières de son engagement, notamment celles relatives au
prix de revient réel de l’achat immobilier rendu possible par ce prêt ».
J’ai dit que bien des consommateurs, même ayant fait quelques études, en sont à croire qu’un emprunt de 200 000 € à 4% les amènera à payer seulement 4% de 200 000 €, soit 8 000 € (certains auront déjà eu recours à la calculatrice) pour toute la durée du prêt, mettons 20 ans.
A ces consommateurs là, qui existent bien (enquêtez autour de vous, ou loin de votre milieu si vous êtes un passionné de mathématiques financières),
le TEG sera de peu de secours, et bien moins que le coût total du crédit.
C’est cette notion de « seul chiffre » qui rend cette approche la plus efficace en matière de coût véritable de l’opération, sans avoir de calculs à faire.
La notion de prix de revient réel de l’achat immobilier est capitale, et importe plus que de grappiller quelques euros chaque mois.
Car
il n’y a pas à s’interroger que sur l’avantage de telle offre sur une autre (= TEG), il y aussi à s’interroger sur la pertinence de l’opération immobilière envisagée, sous l’angle de son coût total.
Or, tant que l’emprunteur de base n’a pas en mains son offre de prêt, il ne perçoit nullement le prix de revient réel de l’achat immobilier envisagé. Du reste, à mon sens, il serait à estimer avant que soit signé tout compromis afin de ne pas devoir s’engager puis se retirer, mais au prix du paiement d’une clause pénale, de l’opération immobilière envisagée.
C’est d’autant plus dangereux que – et ce forum le prouve chaque jour – la question du consommateur de base ne sera pas «
combien mon emprunt va me coûter, et mon achat immobilier avec ? » mais, et dans l’angoisse qui pousse aux mauvaises décisions : «
est-ce que ça va passer ? », la banque n’étant vue, à ce stade, que comme une sorte de Dieu lointain, tout puissant, car il peut permettre au rêve de se réaliser…ou pas. Et le «
ça» qui n’est pas freudien mais désigne le dossier de l’emprunteur passera devant ce Dieu comme dans un Jugement dernier qu’il importe plus que tout de réussir! On est à vrai dire un peu effaré devant certaines questions, et même certaines angoisses, posées sur ce forum ou sur d’autres. Elles me font penser que la protection du consommateur mériterait d’aller encore plus loin.
Et si « ça ne passe pas », miracle, on en prendra bien pour 5 ou 10 ans de plus !
Le Dieu lointain a en effet abandonné ses pratiques anciennes, du Dieu terrible de l’Ancien Testament bancaire (apport personnel de 20 % ou plus, prêts de durée courte : tout ceci écartait de l’achat les plus fragiles économiquement. Était-ce toujours contre leur intérêt ?) on croit être passé au Dieu d’amour du Nouveau Testament bancaire (celui qui prête à 110 % - ce qu’un notaire n’est pas censé accepter, dès lors qu’il y a constitution d’hypothèque, mais il le fera quand même – et celui qui veut bien prêter sur 30 ans afin que ça « puisse passer », on voit pire encore ailleurs, on a même esquissé plus chez nous !).
Ensuite, si le rêve tourne au cauchemar, bien évidemment le Dieu lointain deviendra terrible et menaçant ! Et là on va commencer à éplucher le contrat signé, ce qui a rarement été fait avant, quand on pestait contre ce foutu délai légal de réflexion qui ajoutait encore un contretemps avant l’accès au paradis de la propriété… Et on va peut-être y découvrir quelques une des failles listées dans ce travail. Mais que de vies gâchées pour en arriver là!
Aux Etats-Unis, les
subprimes ont poussé plus loin ce Nouveau Testament bancaire, puisqu’on a délibérément prêté à des gens incapables de rembourser, en revendant ces titres de prêts pourris et saucissonnés à d’autres intervenants, avec les conséquences que l’on sait : crise bancaire, crise économique, aides massives aux banques (car trop grosses pour périr), facilités de crédit (alimentant d’autres bulles et permettant de retrouver les bonus bancaires !), crises des dettes souveraines (qui reste devant nous), obligeant à passer à l’austérité, etc.
D’autant que nous sommes dans une bulle immobilière d’un niveau jamais vu chez nous et qu’une baisse de prix est probable (rappelons que la bulle vers 1990 a été sanglante à Paris, alors qu’elle était bien plus modeste que l’actuelle,
on a vu des prix baisser y de 40%). Ceux qui racontent que l’immobilier, ça ne baisse pas, poussent des centaines de milliers de familles vers le désastre. Tout est cyclique dans l’économie.
Prenons un achat d’un appartement de 200 000 € + 24 000 € de frais dits de notaire et de commission de l’agent immobilier + 100 000 € de coût total du crédit :
nous en sommes à 340 000 € là où Candide croyait débourser 200 000 € pour ne plus « jeter son argent par les fenêtres ». Là il le jettera simplement à sa banque, dont il est en pratique ‘locataire’ tant que son prêt court encore. Certes il ne jette plus son argent par les fenêtres mais il joue, sans le savoir, sur le futur des prix immobiliers : si la bulle immobilière actuelle éclate, comme c’est probable, combien se revendra l’appartement acheté 200 000 € ? Et payé 340 000 € ?
Je voyais, dans un des départements à la densité la plus faible, aux revenus les plus bas, les plus agricoles, un terrain à bâtir en vente à 150 000 € pour 1500 m², loin de tout, y compris de la médiocre agglomération qui en est le chef-lieu (dans 10 ans, en l’absence de transports en commun, quel sera le coût des déplacements, avec l’évolution inévitable du prix de l’énergie, pour aller travailler, faire ses courses, etc. ?). Je disais chiffre parlant : déjà le prix d’achat du terrain, sans la maison, c’est plus de 12 ans de SMIC ! Et combien d’années d’épargne pour un non-smicard ? Ajoutez-y le coût total du crédit, celui de la construction de la maison, et le coût total du crédit qui ira avec, et voyez le destin que se prépare peut-être l’heureuse famille.
J’ai dit ‘parlant’. Je songe à ces amis, qui dans leur jeunesse ont connu les anciens francs, comme moi, qui ont achevé des études supérieures en un temps où moins du ¼ des Français obtenaient le Bac, et qui à ma grande surprise utilisaient récemment ces anciens francs –pas même les francs !- au lieu des euros pour parler de prix immobiliers. Devant ma surprise (et les ricanements de certains devant leur écran, j’imagine) ils m’ont répondu : « Ben oui, quand ce sont de grosses sommes, les anciens francs sont plus ‘parlants’.
Après que vous ayez ri d’eux, demandez-vous s’il n’y a pas là une certaine forme de sagesse face à la bulle immobilière actuelle. Un prix de 300 000 €, ça devient banal, ça n’a plus grand sens (il y a bien des gens qui croient maîtriser les €, et qui ne maîtrisent rien du tout : ainsi mon épouse se dit parfaitement à l’aise avec eux. Il ne saurait en aller autrement, elle ne regarde aucun prix et n’en sait aucun, même banalement alimentaire) et dans bien des endroits, on n’a droit qu’à un achat assez médiocre à ce prix. Dites, en arrondissant, 2 000 000 de FRF, et là ça montrera mieux l’absurdité concrète de ce prix pour lequel on avait un petit château, en bien des lieux provinciaux, il y a 12 ou 13 ans ! Laissons les 200 briques, qui ne sont plus que des briquettes, à ces amis…mais elles nous parlent assez bien quand même : « pour 200 briques, t’as plus rien ». Quelle folie !