Les calculs des intérêts sur un mois lissé de 30,41666 jours ou sur un mois de 30 jours ne peuvent pas aboutir algébriquement à une équivalence financière…
SUITE DU DÉBAT SUR L’UTILISATION DES MOIS « LISSÉS »…
Comme les lecteurs l’auront bien compris à la lecture des différents commentaires de cet excellent Forum, les banques qui ont utilisé la « pratique lombarde » se défendent en soutenant généralement qu’il y aurait équivalence de calculs en considérant que chaque mois est compté pour 30,41666 jours rapportés à une année de 365 jours (ou 366 jours si l’on tient compte de mes explications qui précèdent) ou que chaque mois comporte 30 jours et l’année 360 jours, et qu’ainsi il n’en résulterait aucun surcoût d’’intérêts pour l’emprunteur.
C’est-à-dire prétendre que la pratique du mois normalisé de 30,41666 jours n’a aucune incidence sur le calcul des intérêts conventionnels, ou alors que si erreur il devait y avoir, celle-ci serait infinitésimale (sic !... ou bien le calcul est exact, ou bien il ne l’est pas, n’est-ce-pas ?).
Une telle analyse est erronée tant en fait qu’en droit. En effet, un tel raisonnement fait totalement abstraction des échéances dites “brisées“. Le remboursement des échéances sur la durée d’un prêt n’est pas toujours réalisé sur un mois plein, comme c’est le cas lors du paiement de la première échéance, ou en cas de remboursement anticipé, ou encore lors de déchéance du terme.
Dans ces conditions, il est impossible d’utiliser un mois normalisé, les intérêts devant être calculés en nombre de jours exacts dans le mois, rapportés à l’année civile de 365 jours ou 366 jours pour les années bissextiles. Et dans l’hypothèse où l’année considérée se rapporterait à 360 jours, il en résulterait immanquablement un surcoût d’intérêts bien réel.
En l’espèce, il paraît difficile de prétendre qu’il y aurait équivalence de calculs et aucun surcoût d’intérêts pour l’emprunteur (cela, Aristide nous l’a bien expliqué à de nombreuses reprises, chiffres à l’appui, démontrant pour ce cas de figure précis que l’année lombarde doit être proscrite).
Il n’en reste pas moins que le fait de calculer les intérêts mensuels en utilisant des mois lissés de 30,41666 jours ou en considérant des mois de 30 jours, rapportés à une année bancaire de 360 jours, ne peut pas être équivalent car algébriquement erroné.
En effet, en prenant l’exemple d’un taux d’intérêt conventionnel de 3,75 % :
a) Taux de période normalisé rapporté à une année de 365 jours = (taux d’intérêt conventionnel annuel / 365) x 30,41666 jours, soit :
(3,75 % / 365) x 30,41666 = 0,312499 %
b) Taux de période normalisé rapporté à une année de 366 jours = (taux d’intérêt conventionnel annuel / 366) x 30,41666 jours, soit :
(3,75 % / 366) x 30,41666 = 0,311646 %
c) Taux de période mensuel = (taux d’intérêt conventionnel annuel / 360) x 30 jours, soit :
(3,75 % / 360) x 30 = 0,312500 %
Il est ainsi constaté que les résultats sont différents selon l’une ou l’autre des méthodologies utilisée, si bien que les banque sont malvenues de revendiquer une équivalence financière pour justifier le calcul des intérêts qu’elles appliquent.
C’est purement mathématique, les connaissances à avoir consistent jute à savoir exécuter correctement une multiplication et une division.
Par ailleurs, un emprunteur qui aurait constaté que sa banque a pratiqué la « méthode lombarde » pourrait tout à fait attirer l’attention du Tribunal en faisant remarquer que la banque ne peut pas prétendre dans ses conclusions s’appuyer sur une « équivalence de calculs » sans que cette information préalable n’ait été portée à la connaissance de l’emprunteur. Les juges sont extrêmement sensibles à cette argumentation.
En effet, la banque ne peut se prévaloir de modalités de calcul d'intérêts qu'elle a unilatéralement appliquées.
À ce titre, sur ce fondement, le 12 mai 2016, la Cour d’appel de Paris a sanctionné une banque, jugeant que celle-ci ne pouvait se prévaloir de calculs qu’elle avait appliqués unilatéralement, sans en informer les emprunteurs, en relevant de surcroît qu’il n’avait pas été tenu compte, à leur insu, des années bissextiles de 366 jours (Cour d’Appel de Paris, Pôle 5 - Chambre 6, 12 mai 2016, n° 15/00202). Je cite :
« Considérant que la Caisse d’Epargne ne peut pas se prévaloir, au regard du caractère d’ordre public des dispositions du code de la consommation sus visées, de l’accord des parties sur un intérêt conventionnel calculé sur 360 jours au lieu de 365 ou 366 jours pour une année bissextile ;
Considérant que la banque ne peut pas davantage arguer d'une commune intention des parties ou "volonté réelle" de calculer l'intérêt conventionnel sur la base d'une année civile de 365 jours au motif qu'elle n'a pas appliqué la clause incriminée, mais qu'elle a effectué un calcul sur la base de l'année civile alors qu'elle n'en a pas informé les emprunteurs, qu'aucune clause du contrat ne le précise et qu'il n'est pas possible de le savoir à la lecture du tableau d'amortissement ;
Qu'elle ne peut pas prétendre qu'il y a eu un échange de consentement sur un calcul de l’intérêt conventionnel sur la base de 365 jours, sans d'ailleurs tenir compte des années bissextiles de 366 jours comme c'était le cas en 2012 pour le second prêt, fait à l'insu des emprunteurs, ni du calcul des intérêts intercalaires » ;
Considérant que la banque, qui est un professionnel et qui rédige le contrat d'adhésion qu'elle soumet à la signature des emprunteurs, doit assurer une parfaite cohérence et transparence entre ce qu'elle écrit et ce qu'elle fait au sujet du calcul de l'intérêt conventionnel ;
Qu'elle ne peut pas se prévaloir du calcul qu'elle a appliqué unilatéralement ;
Qu'en outre, elle ne démontre pas que le montant des intérêts dus au titre de chaque prêt est le même que le calcul soit effectué avec un diviseur de 360 ou de 365 jours ou encore de 366 jours pour les année bissextiles ;
Considérant que la violation de la règle selon laquelle les modalités du calcul de l'intérêt conventionnel doit être fixée par écrit sur la base d’une année civile de 365 ou 366 jours pour les années bissextiles entraîne la nullité de la stipulation de l'intérêt nominal et la substitution du taux légal. »
Ce qui ont suivi mes précédents posts remarqueront au passage qu’il est question des années bissextiles.
Et, désolé de me répéter, mois lissés ou pas (comme vu précédemment, interdits pour les prêts immobiliers), le diviseur (ou dénominateur) est toujours l’année civile, soit 365 jours, soit 366 jours), et en aucun cas uniquement 365 jours.
Mais c’est peine perdue que j’avance ce qui me semble être une évidence juridique, je ne serai pas suivi sur ce terrain (en notant au passage que je n’ai malheureusement pas vu un juriste se prononcer clairement sur ce problème de droit depuis ces 8 jours où le « problème » a été soulevé).
Si j’ai pu être utile par ces quelques considérations, j’en serais ravi.
Bien cordialement.
Chercheur de Jurisprudences