IV) Les dispositions pouvant être violées par la banque (2) : le contenu de l’offre
C’est l’article L312-8 du Code de la consommation qui est ici en cause, et ses dispositions sont peu utilisées en comparaison de l’exploitation de l’inexactitude du TEG. C’est étrange car les cas de violation des dispositions qui suivent peuvent parfaitement se rencontrer, et certaines sont en lien direct avec les causes à l’origine de l’inexactitude du calcul du TEG. En outre leur constatation est aisée, sans qu’il soit besoin ici d’une expertise, et ce terrain sera plus familier de la grande majorité des juges et des avocats.
NB : faites toujours attention à la version de cet article qui s’appliquait à la date d’émission de l’offre en cause, qui se verra sur Legifrance, avec les versions antérieures qu’on peut retrouver en ligne. Mais les changements ne concernent que les alinéas 2 ter (offres de prêts dont le taux d'intérêt est variable, non traitées dans ce sous-forum) et 4° bis (liberté du choix de l’assureur).
Article L312-8 du Code de la consommation sans son alinéa 2 ter :
L'offre définie à l'article précédent :
1° Mentionne l'identité des parties, et éventuellement des cautions déclarées ;
2° Précise la nature, l'objet, les modalités du prêt, notamment celles qui sont relatives aux dates et conditions de mise à disposition des fonds ;
2° bis. Pour les offres de prêts dont le taux d'intérêt est fixe, comprend un échéancier des amortissements détaillant pour chaque échéance la répartition du remboursement entre le capital et les intérêts ;
3° Indique, outre le montant du crédit susceptible d'être consenti, et, le cas échéant, celui de ses fractions périodiquement disponibles, son coût total, son taux défini conformément à l'article L. 313-1* ainsi que, s'il y a lieu, les modalités de l'indexation ;
4° Énonce, en donnant une évaluation de leur coût, les stipulations, les assurances et les sûretés réelles ou personnelles exigées, qui conditionnent la conclusion du prêt ;
4° bis Mentionne que l'emprunteur peut souscrire auprès de l'assureur de son choix une assurance dans les conditions fixées à l'article L. 312-9 ;
5° Fait état des conditions requises pour un transfert éventuel du prêt à une tierce personne ;
6° Rappelle les dispositions de l'article L. 312-10.
Toute modification des conditions d'obtention d'un prêt** dont le taux d'intérêt est fixe, notamment le montant ou le taux du crédit, donne lieu à la remise à l'emprunteur d'une nouvelle offre préalable.
* ce qui place bien ce calcul du TEG sous la dépendance de cet article qui est lui d’ordre public (mais ce n’est pas le cas de l'article L. 313-1).
** d’où l’arrêt Edouard (Cass. civ. 1ère, 6 janvier 1998, Bull. civ. I, n° 5), qui, partant d’une lecture stricte de cet alinéa (mal rédigé puisque ne distinguant pas les révisions antérieures ou postérieures à la formation du crédit) imposa que chaque renégociation de prêt s'accompagne de la remise d'une offre préalable de crédit. D’où, en riposte, la création en 1999 pour y parer du nouvel article L. 312-14-1 du Code de la consommation qui impose de passer un avenant avant la révision du contrat initial, à l’exclusion du recours à l’offre préalable de prêt, forme réservée à la création d’un nouveau contrat. En effet l'encours de prêts renégociés susceptibles d'être contestés aurait représenté 200 milliards de francs selon le lobby bancaire, bien suivi par le Législateur.
Notons que cet article L312-8 du Code de la consommation n’est pas très bien rédigé :
- il a été rafistolé par ajouts successifs, de là les bis et ter…
- surtout, il est mal structuré : le 4° devrait précéder la partie du 3° concernant le coût total et le taux alors que la partie du 3° concernant le montant du crédit susceptible d'être consenti, et, le cas échéant, celui de ses fractions devrait aller avec les modalités en 2°.
Les dispositions pouvant être violées, sous la sanction de déchéance du prêteur au droit aux intérêts conventionnels, sont avant tout les suivantes, au regard desquelles l’offre devra être soigneusement vérifiée :
1) L’offre doit préciser la nature, l'objet, les modalités du prêt, notamment celles qui sont relatives aux dates et conditions de mise à disposition des fonds :
a) la nature et les modalités du prêt :
Le plus souvent la banque va donner un nom de pur marketing, sans valeur précise pour l’emprunteur, alors qu’il faudrait ici qu’il puisse connaître le fonctionnement de son crédit, notamment ses modalités d’amortissement
La durée du prêt en relève aussi.
Parenthèse quand même sur les offres de prêts dont le taux d'intérêt est variable, concernées par ce point, avec un cas que je viens de voir où l’emprunteur ne comprenait pas si seule la durée du prêt ou aussi le montant des échéances pouvait varier:
- si cette durée était clairement indiquée ici (et non dans les clauses en petits caractères plus loin) l’emprunteur saurait à quoi il s’engage : par exemple à payer pendant 27 ans au lieu de 25 ;
- si ces modalités étaient clairement indiquées ici l’emprunteur aurait su qu’il s’engageait en plus à voir augmenter le montant des échéances bien au-delà de celui qui était annoncé comme ‘de principe’.
On voit donc l’intérêt qu’il y a à ce que ces dispositions ne soient pas violées.
Mais même pour les offres de prêts dont le taux d'intérêt est fixe il peut y avoir des manquements au devoir d’information, ainsi dans le cas d’un prêt
in fine, la jurisprudence impose un soin spécial pour que l’emprunteur sache à quoi il s’engage et donc cette nature de prêt
in fine doit être clairement apparente :
Cour d’appel de Colmar, 12 mai 2005 :
« En premier lieu ils soutiennent que les contrats litigieux ne comportent pas l’indication de la nature du contrat et des modalités du prêt, son caractère de crédit in fine ( …).
S'il est constant que l'adoption du mécanisme du contrat de crédit in fine relève de la liberté contractuelle, encore faut-il que ses modalités de remboursement soient explicitées à l'emprunteur et clairement exprimées dans l'acte.(…)
Par ailleurs aucune disposition particulière des contrats ne précise avec évidence le remboursement du capital in fine, ni le remboursement à chaque mois à la banque d'une échéance comprenant les seuls intérêts (…).
Dans ces conditions, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens soutenus par les époux Y..., il est établi que les offres de prêt litigieux ne répondaient pas aux conditions de l'article L 312-8-2° du Code de la Consommation si bien qu'est encourue la sanction de la déchéance du droit aux intérêts prévus par l'article L 312-33 dernier alinéa dudit Code. »
Voici en revanche le cas d’une offre de prêt claire, cet arrêt (Cour d’appel de Toulouse, ct0035 , 30 avril 2008) nous mettant en présence d’une information convenable que rappelle la banque «
d’une part ils ont à quatre reprises successives signé ou paraphé de nombreux actes sous seing privé ou authentiques s’y rapportant (offre de crédit, acceptation de l’offre, acte de nantissement, acte authentique de réitération de l’emprunt avec garantie hypothécaire) qui comportaient la mention “ avec remboursement du capital sur la dernière échéance “ et d’autre part ils sont familiers du monde des affaires, »
Il faut donc en retenir que les modalités du prêt doivent être rendues parfaitement intelligibles pour un emprunteur, surtout s’il est non professionnel. Il en ira de même dans le cas où une franchise d’intérêts existerait, sans être rendue apparente dans la description des modalités du prêt.
b) l’objet du prêt :
Il doit être rendu apparent, notamment pour le jeu éventuel de la clause résolutoire, donc le bien en cause sera clairement identifié. Mais aussi la nature des travaux, s’ils sont financés par le crédit.
c) les conditions de mise à disposition des fonds :
Cela concerne surtout les ventes en VEFA.
Mais cette disposition doit aussi permettre à l’emprunteur de s’y retrouver dans le calcul des intérêts si le déblocage des fonds ne se fait pas en une fois, alors que le tableau d’amortissement n’a dans ce cas qu’un caractère prévisionnel.