Merci à Lexicus d’avoir signalé l’article paru aux Petites Affiches du 1er juin 2018 « Les professionnels du droit confrontés aux mathématiques financières : appréhension de l'année lombarde ». Dans cet article de cinq pages, cet expert défend la thèse selon laquelle seule l’année civile devrait être retenue pour le calcul des intérêts conventionnels ; ses arguments sont assez forts : l’année civile est la seule base internationale de calcul des intérêts, et surtout le taux légal, alter ego du taux conventionnel (art. 1907 : L'intérêt est légal ou conventionnel), est lui-même calculé en jours exacts sur l’année civile.
Je cite : "Par ailleurs, le taux légal avec lequel le taux conventionnel est comparé – article 1907 du Code civil –, est exprimé en jours exacts sur l’année civile. Pour confronter ces deux taux, ceux-ci doivent être exprimés sur la même base, soit selon un nombre de jours exacts sur l’année civile. Ainsi, mathématiquement parlant, seule cette base devrait être reprise pour le calcul des intérêts des prêts immobiliers, l’utilisation de toute autre base empêchant la comparaison avec le taux légal. C’est ainsi que cette base de calcul en jours exacts sur l’année civile est utilisée par différents prêteurs pour le calcul des intérêts des prêts immobiliers à mensualité constante (avant et après l’entrée en vigueur de la directive) » NBP : Un prêt peut ainsi voir ses intérêts calculés en jours exacts sur l’année civile tout en ayant un taux de période défini pour le calcul du TEG selon la méthode proportionnelle. En effet, le taux de période défini dans le Code de la consommation n’est pas un taux périodique de calcul des intérêts mais un taux périodique d’actualisation des flux. De plus, une mensualité constante n’est pas la résultante d’une période constante d’intérêts, la formule de la mensualité constante étant définie en jours exacts sur l’année civile."
La phrase : « C’est ainsi que cette base de calcul en jours exacts sur l’année civile est utilisée par différents prêteurs pour le calcul des intérêts des prêts immobiliers à mensualité constante » m’interpelle : j’ai déjà vu des crédits immobiliers fonctionner « en compte courant », avec la méthode exact/exact, mais je pensais que cette pratique avait été abandonnée lorsque la Cour de cassation avait imposé la remise avec l’offre d’un tableau d’amortissement ; quoi qu’il en soit, avant d’appliquer la méthode exact/exact, il faut préalablement calculer à l’avance la mensualité par la méthode du mois normalisé ; or ce n’est pas ce que semble dire cet expert : « une mensualité constante n’est pas la résultante d’une période constante d’intérêts, la formule de la mensualité constante étant définie en jours exacts sur l’année civile » ; là je ne comprends pas, pour moi la formule de la mensualité constante fait toujours intervenir des mois normalisés.
Pour ce qui est de la phrase tirée de l’annexe à l’article R 314-3 : « L'écart entre les dates utilisées pour le calcul du TAEG, ainsi que pour celui du taux débiteur, est exprimé en années ou en fractions d'années (…), l’expert n’y voit nullement une tentative de valider l'usage du mois normalisé pour les échéances pleines, mais pense qu’elle concerne les seuls crédits à taux variable :
« Le mois normalisé est étendu après l’entrée en vigueur de la transposition de la directive au « calcul » du taux débiteur, ce qui exclut mathématiquement un calcul d’intérêt en douzième d’année pour les prêts à taux fixe (au moins). En effet, ce calcul du taux débiteur se rapporte en théorie au calcul du seul taux variable dans le cadre des simulations des TAEG par la méthode d’équivalence et non au calcul des intérêts – le législateur différencie par ailleurs le taux conventionnel fixe (i.e. non calculé donc exclu de l’application du mois normalisé) du taux variable devant être calculé pour permettre les simulations de TAEG imposées désormais pour les prêts dont le taux varie. »
Qu’en pensent les Cbanquenautes ? ça me paraît quand même un peu divinatoire.
Sur la question essentielle de l’année lombarde, l’expert écrit aussi : "Existe-t-il ainsi une équivalence d’intérêts calculés selon un douzième d’année civile ou selon un douzième d’année lombarde ? La réponse par l’affirmative n’est pas recevable en mathématique." Toutefois les développements qui suivent montrent que seules les échéances brisées mettent en évidence cette absence d’équivalence : "si le professionnel du droit s’impose de mettre en évidence mathématiquement une année lombarde alors que celle-ci est stipulée sur l’offre de prêt et ce alors que l’emprunteur n’a pour l’heure rencontré aucune échéance brisée, alors nécessairement, ce premier conclura à une équivalence des bases de calcul. En effet, les intérêts calculés en douzième d’année sont toujours égaux à des intérêts calculés en douzième d’année sur une échéance portant sur un douzième d’année… que l’année soit de 365 jours ou de 360 jours lorsqu’il n’y a pas eu d’échéance brisée au préalable NBP : CRD*taux*(365/12)/365 = CRD*taux*(360/12)/360 = CRD*taux/12 – ces équations ne sont plus vraies si une échéance brisée est intervenue puisque le capital restant dû (CRD) sera différent en fonction de la base de référence du prêteur car impacté par les intérêts de l’échéance brisée."
L’expert écrit aussi, sans distinguer échéances figées et amortissements figés : « Il est rappelé que ces échéances brisées auront un impact sur l’échéancier dans sa globalité. En effet, le capital restant dû de chaque échéance garde « en mémoire » les intérêts des échéances passées, en impactant le montant des intérêts calculés pour les échéances postérieures en ce qu’ils se répercutent sur le calcul de la part d’amortissement du crédit à chaque échéance »
C'est un fait que si on a une première échéance brisée avec une majoration lombarde, et qu'on déroule au taux annoncé le tableau d'amortissement, en calculant les intérêts inclus dans la première en exact/exact, on majore automatiquement le capital remboursé par cette première échéance, ce qui va se répercuter sur les échéances suivantes, jusqu'à la fin du tableau qui fera apparaître un trop-perçu.
L’expert descend également en flamme le raisonnement de la cour d’appel de Paris sur le « jour normalisé », véritable escroquerie intellectuelle destinée à justifier la méthode exact/360 pour les échéances brisées.
Voilà donc un article utile.