Nullité de la clause des Intérêts

Bonjour,
ce que vous dites est juste et le critère offre/contrat est pertinent.

Pour éviter les confusions ou mauvaises interprétations, il est important de remettre en perspective l'offre et le contrat, et vous me pardonnerez de commencer par énoncer une évidence :

Si l'offre n'est pas signée et ne se transforme pas en contrat, il n'y a ni prêt ni intérêts, du moins avec l'établissement financier qui a édité l'offre, et le juge va difficilement prononcer la déchéance d'intérêts qui n'existent pas.

En pratique nous sommes donc toujours en présence d'un contrat précédé d'une offre et ce n'est, techniquement, ni l'un ni l'autre qui sont attaqués en tant que tels, mais ce sont leurs droits respectifs (droit de l'offre ou droit du contrat) qui sont, ou non, mobilisés dans une seule et même action qui ne tend qu'à obtenir la réduction du coût du crédit :

- soit par la déchéance des intérêts si l'on invoque la violation d'une règle du droit de l'offre de crédit,

- soit par la nullité de la stipulation si l'on invoque la violation d'une règle du droit du contrat de prêt d'argent.

Il se trouve que l'erreur de TEG est aussi bien une violation du droit de l'offre de crédit que du droit du contrat de prêt d'argent.

C'est donc la règle dont la violation est invoquée qui va déterminer si l'erreur de TEG doit conduire à la déchéance des intérêts ou à la nullité du taux contractuel.

Le site "village de la justice" que vous évoquez contient effectivement d'intéressants articles sur ces questions, on ne peut qu'en recommander la lecture.


Bonjour,

Je partage votre point de vue cependant, à lecture de divers juristes sur ce forum et ailleurs, j'ai cru comprendre que tout dépend du moyen invoqué par le demandeur.

Si ce moyen s'appuie sur le "contrat" (= offre acceptée) ou/et la réitération dans un acte authentique à sa suite, c'est la nullité de la stipulation d'intérêts qui prévaut et ceci même si l'argument est une erreur de TEG ?



En revanche, si pour cette même erreur de TEG le moyen invoque l'offre de prêt ce serait la déchéance du droit aux intérêts à l'appréciation du juge ?

Cdt
 
Bonjour cher Agra07,

Ci-dessous copie intégrale de l'article L 312-33 ancien du Code de la Consommation :


"Le prêteur ou le bailleur qui ne respecte pas l'une des obligations prévues aux articles L. 312-7 et L. 312-8, à l'article L. 312-14, deuxième alinéa, ou à l'article L. 312-26 sera puni d'une amende de 150 000 euros.

(...)

Dans les cas prévus aux alinéas précédents, le prêteur ou le bailleur pourra en outre être déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge."

Vous prétendez qu'en cas de TEG/TAEG erroné, la sanction est la déchéance totale ou partielle du droit aux intérêts.

Pouvez-vous nous dire à quel endroit précisément dans le texte il est dit qu'une telle sanction est encourue lorsqu'il y a erreur sur le taux?

Par avance, merci pour votre éclairage, sachant que vous dîtes faire une synthèse pour les néophytes, il ne faudrait pas les induire en erreur

L'article L. 312-33, dernier alinéa dispose que lorsque les obligations des articles L. 312-7 et L. 312-8 du Code de la consommation ne sont pas respectés, le prêteur peut être déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.

Les articles L. 312-7 et -8 sont relatifs au formalisme des offres de crédit, dans lesquels doit notamment figurer le T.E.G.

À tout le moins, lorsque le T.E.G. n'est pas mentionné, le prêteur peut donc être déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.

Or, la Cour de cassation a assimilé l'inexactitude à l'omission de T.E.G., cela peut prêter à discussion puisqu'aucun texte ne le dit donc. L'idée de départ c'est qu'il serait peut être pire que le prêteur mentionne des taux particulièrement faux, bas et concurrentiels afin de tromper le client que de ne pas le mentionner ...

Quant à la nullité de la stipulation de taux (et non intérêts, même si la Cour de cassation commet régulièrement l'abus de langage) et la substitution au taux légal :
Le mécanisme est simple :

L'article 1907 alinéa 2 du Code civil dispose que "Le taux de l'intérêt conventionnel doit être fixé par écrit."

Or, l'article 1907 alinéa 1 du Code civil dispose que "L'intérêt est légal ou conventionnel. L'intérêt légal est fixé par la loi. L'intérêt conventionnel peut excéder celui de la loi, toutes les fois que la loi ne le prohibe pas."

Si les parties ne fixent pas par écrit un taux conventionnel, il est forcément légal.

Vient ensuite la question de T.E.G. : la Cour de cassation a assimilé l'absence de T.EG. (et son inexactitude) à l'absence de taux conventionnel. La Cour de cassation considère que lorsqu'il y a omission ou inexactitude du T.E.G., le consentement de l'emprunteur sur le taux d'intérêt conventionnel est absent.

L'absence ou le vice de consentement sont sanctionnés par la nullité. Ici, l'absence de consentement ne porte que sur une clause du contrat, celle relative au taux d'intérêt. Ainsi, la nullité est partielle.

Cette nullité a les conséquences suivantes :
- parce que la nullité est rétroactive, on fait comme si le taux conventionnel n'avait jamais existé.
- comme le taux conventionnel n'a jamais existé, il est forcément légal. Il y a donc "substitution" pour le passé et pour l'avenir car on applique tout simplement l'article 1907 alinéa 1 afin de faire jouer l'effet rétroactif des nullités.

C'est assez simple au final.

La nullité sanctionne davantage l'absence de consentement du prêteur et la déchéance a une fonction de punition. En effet la déchéance est une sanction civile répressive comme une amende civile et non des dommages intérêts (action en responsabilité) : le but n'est pas de réparer quelque chose mais de punir tout simplement.

Les deux sanctions sont compatibles comme le dit la cour d'appel d'Aix :
Une fois que le taux est annulé et que le taux légal s'applique, le juge est libre de prononcer la déchéance (la sanction étant facultative) sur les intérêts légaux restant.

C'est ce qu'elle fait depuis cet été (arrêts du 15 juin 2017, 12 juillet 2017, et deux arrêts du 23 novembre 2017 obtenu dans le cabinet qui m'emploie (en l'espèce taux de période, mais la banque s'est pourvu en cassation)).

Enfin, j'ai vu un intervenant évoquer le taux légal et les intérêts moratoires. Le taux légal est comme un indice publié par l'État. Le code civil lui donne plusieurs fonctions : il sert à la fois à calculer les intérêts moratoires (intérêts de retard) et les intérêts rémunératoires (rémunération du prêteur) lorsque les parties n'ont pas convenus de taux conventionnel.
 
Bonjour,
Bon, ma "synthèse" n'est probablement pas exempte d'erreurs de simplification.
Celle, théorique, d'@Amojito, juriste "pur jus", est évidemment plus complète et plus juste mais elle comporte des digressions qui en font sûrement un bon sujet de thèse mais pas de vulgarisation.
Si je reviens au sujet initial de cette discussion: "La nullité de la stipulation d'intérêts" (je ne pense pas trahir notre ami @vivien qui l'a intitulée "Nullité de la clause des intérêts"), j'avais en son temps posée une question restée sans réponse, à savoir: où est-il écrit que telle ou telle erreur entraîne la nullité (la réponse à cette question ne doit pas être trop difficile: il suffit de chercher dans les textes qui ne sont pas si nombreux ) mais surtout où est-il écrit que lorsque la nullité est prononcée, le taux conventionnel doit être remplacé obligatoirement par le taux légal ?
Sur ce second volet de la question, les précisions apportées par @Amojito sont sujettes à discussion.
Pour ma part, j'ai été dans le passé souvent amené à pratiquer le taux légal pour calculer des intérêts moratoires et j'avoue que j'ai été surpris la première fois que j'ai lu sur ce forum que le taux légal pouvait aussi servir de substitution au taux contractuel d'un crédit frappé de nullité.
Je connaissais bien évidemment l'article du code civil stipulant que le taux était conventionnel ou légal.
Mais je n'ai jamais lu un quelconque article de loi stipulant qu'un taux conventionnel frappé de nullité devait obligatoirement être remplacé par le taux légal (et non par exemple par un autre taux à l'appréciation d'un juge et qui s'imposerait comme un nouveau taux "conventionnel" entre les parties).
En d'autres termes, qu'est ce qui empêcherait une décision de justice en ce sens ?
Un texte ou la jurisprudence ?

C'est une question de procédure, plus particulièrement d'office du juge judiciaire : Il lui appartient de trancher un litige en mode gagné/perdu, non d'imposer un compromis car il lui est interdit de s'imiscer dans les affaires des parties, à moins que les parties ne le lui demande expressément (statuer en amiable compositeur).
 
C'est une question de procédure, plus particulièrement d'office du juge judiciaire : Il lui appartient de trancher un litige en mode gagné/perdu, non d'imposer un compromis car il lui est interdit de s'imiscer dans les affaires des parties, à moins que les parties ne le lui demande expressément (statuer en amiable compositeur).

Merci à LatinGrec pour son éclairage!;)

A mon sens, l'argument suivant régulièrement repris par les avocats de banque "les règles spéciales dérogent aux règles générales" tend à orienter la sanction vers la déchéance et non la nullité (cette dernière étant plus lourde à assumer).

Il y a quelques mois, une décision du 26 février 2018 du TGI de Clermont-Ferrand (n° 16/03752) avait attiré mon attention en ce qu'il avait été jugé que l'emprunteur, qui avait la qualité de professionnel, ne pouvait pas prétendre aux règles protectrices du Code de la Consommation, et que partant, seule la nullité de l'article 1907 du Code Civil était envisageable.

Extrait du jugement :


"la déchéance du droit aux intérêts du prêteur, sanction prévue par le code de la consommation à l’article L312-33 n’est pas demandée, et n’est pas applicable au cas d’espèce, le prêt ayant été consenti à une SCI qui exerce, à titre habituel, l’acquisition et la gestion de tous biens immobiliers et se trouve donc exclu en application de l’article L312-33

Il convient donc de prononcer la nullité de la stipulation conventionnelle d’intérêts et d’y substituer le taux légal"


On peut logiquement en déduire que les emprunteurs ayant la qualité de consommateurs (jugés plus faibles que les emprunteurs professionnels) ne peuvent pas bénéficier d'un régime de protection moindre, et que la nullité de l'article 1907 du Code Civil doit logiquement leur être offerte.



Dans un récent arrêt du 5 juillet 2018 de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence (8e chambre c, n° 16/04686) ce point de vue est conforté par les Magistrats :


"Attendu que M. X et M Y rappellent que la mention d’un TEG erroné dans une offre de prêt peut être sanctionnée par la nullité de la stipulation de l’intérêt contractuel sur le fondement de l’article 1907 du code civil et observent que l’argumentation de la banque revient à considérer qu’un sort plus favorable doit être réservé à un emprunteur professionnel, lequel est exclu du champ d’application des dispositions du code de la consommation, plutôt qu’à un emprunteur profane ; qu’ils affirment disposer des deux actions en nullité de la stipulation d’intérêt et en déchéance des interêts ;"


Il convient par ailleurs d'ajouter que le droit de la consommation n'est pas un droit autonome et qu'il ne peut pas se passer du droit des contrats.

Aussi, il est de règle que lorsqu'il n'existe pas de disposition dans le Code de la consommation, on applique le droit des obligations (code civil).

L'article L 312-33 du Code de la Consommation ne vise que les erreurs formelles contenues dans l'offre de prêt (sanctionnant la violation des articles L 312-7 et L 312-8 lesquelles renvoient aux mentions obligatoires de l'offre).

La sanction de déchéance prévue dans cet article L 312-33 ne vise nullement les erreurs de calculs des intérêts conventionnels ou celles qui affectent le TEG du contrat de prêt (qui appartiennent selon moi davantage aux vices de fond qu'aux erreurs formelles)

S'il peut paraître logique de sanctionner de simples erreurs de forme par la déchéance du droit aux intérêts, totale ou partielle compte-tenu de la gravité de l'erreur, il est tout aussi logique de sanctionner les erreurs affectant le calcul des intérêts conventionnels et/ou du TEG qui sont des vices de fond par la nullité de la stipulation d'intérêts.


C'est dans ce sens que la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation est venue confirmer dans un récent arrêt du 29 novembre 2017 que la sanction résultant de l’application d’un taux d’intérêt sur une base autre que l’année civile « consiste seulement en la substitution de l’intérêt légal au taux conventionnel à compter de la date de conclusion du prêt ». Elle ajoute que l’inexactitude du Taux Effectif Global (TEG) emporte les mêmes effets :

« Attendu que l’inexactitude de la mention du taux effectif global dans l’acte de prêt n’est pas sanctionnée par la déchéance totale du droit aux intérêts mais seulement par la substitution de l’intérêt au taux légal à compter de la date de conclusion du prêt ».


Je vois difficilement comment être plus clair.


Naturellement, vos avis m'intéressent.
 
On peut logiquement en déduire que les emprunteurs ayant la qualité de consommateurs (jugés plus faibles que les emprunteurs professionnels) ne peuvent pas bénéficier d'un régime de protection moindre, et que la nullité de l'article 1907 du Code Civil doit logiquement leur être offerte.

une précision : déchéance des intérêts et nullité de la clause de stipulation d'intérêts procèdent de régimes juridiques distincts (police de l'offre d'un crédit de consommation et droit des contrats).
 
La sanction de déchéance prévue dans cet article L 312-33 ne vise nullement les erreurs de calculs des intérêts conventionnels ou celles qui affectent le TEG du contrat de prêt (qui appartiennent selon moi davantage aux vices de fond qu'aux erreurs formelles)

NB: la police de l'offre ne distingue pas selon l'origine de l'inexactitude, la déchéance est encourue dès lors que le TEG est erroné de plus d'un dixième de point, que ce soit par omission d'un chargement ou erreur de calcul.
 
S'il peut paraître logique de sanctionner de simples erreurs de forme par la déchéance du droit aux intérêts, totale ou partielle compte-tenu de la gravité de l'erreur, il est tout aussi logique de sanctionner les erreurs affectant le calcul des intérêts conventionnels et/ou du TEG qui sont des vices de fond par la nullité de la stipulation d'intérêts.


C'est dans ce sens que la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation est venue confirmer dans un récent arrêt du 29 novembre 2017 que la sanction résultant de l’application d’un taux d’intérêt sur une base autre que l’année civile « consiste seulement en la substitution de l’intérêt légal au taux conventionnel à compter de la date de conclusion du prêt ». Elle ajoute que l’inexactitude du Taux Effectif Global (TEG) emporte les mêmes effets :

« Attendu que l’inexactitude de la mention du taux effectif global dans l’acte de prêt n’est pas sanctionnée par la déchéance totale du droit aux intérêts mais seulement par la substitution de l’intérêt au taux légal à compter de la date de conclusion du prêt ».

La base annuelle civile ne procède pas du droit de la consommation mais du droit du contrat de prêt, et le droit de la consommation concerne l'offre de contrat de prêt et non l'acte de prêt.
 
La base annuelle civile ne procède pas du droit de la consommation mais du droit du contrat de prêt, et le droit de la consommation concerne l'offre de contrat de prêt et non l'acte de prêt.

Latin Grec,


Je rejoins parfaitement votre point de vue, et pense avoir écrit dans ce sens, avec des termes peut-être moins justes que vous
 
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