Grille d'évaluation de projet de prêt en crowdfunding immobilier

NicoNoclaste

Contributeur régulier
Bonsoir

Je mets donc ici en ligne ma grille d’évaluation des projets de crowdfunding immobilier.
C’est un petit guide méthodologique s’appliquant à un domaine qui n’est pas une science exacte, bien loin s’en faut!
Je souligne donc que n’est qu’un outil dont l’utilité est d’organiser la recherche de certaines données, puis de synthétiser ce travail fait en amont pour guider in fine la décision d’investir ou pas dans un projet.
Et enfin, je ne suis pas un geek, et si je sais à peu près me servir d’un tableur, l’aspect de mes feuilles de calcul reste toujours très… très spartiate!

L’organisation de cette grille est simple; elle se décompose en deux parties consécutives:

  • la première, uniquement narrative, qui rassemble certains critères Go-NoGo pouvant amener à une élimination immédiate du projet (NoGo), ou permettant d’en poursuivre l’analyse (Go); si à l’issue de cette phase, aucun critère n’a été noté NoGo, on peut poursuivre;
  • la seconde, plus quantitative, qui permet, en notant un certain nombre de critères choisis, de déterminer un taux de rémunération théorique du projet et d’en vérifier la cohérence avec le taux servi par l’opérateur.
(à suivre)
 

Pièces jointes

  • grille d'analyse CFI.xlsx
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(suite)
  1. CRITERES ELIMINATOIRES
    1. La marge opérationnelle du projet: je demande habituellement une marge mini de 15% sur un projet MdB, 20% pour de l’aménagement foncier et de 7,5% pour de la promotion; conjoncturellement, c’est aujourd’hui respectivement 20, 25 et 10%; en dessous, c’est un NoGo, mais je peux exceptionnellement déroger à cette règle si j’ai une confiance éprouvée en l’opérateur. De plus, la marge opérationnelle donnée par la plate-forme doit éventuellement être retraitée en vérifiant que tous les coûts ont été intégrés dans le bilan opérationnel (certaines PF omettent leurs frais et les intérêts des obligataires…) et qu’ils ont été correctement dimensionnés (attention au coût des travaux), et que les prix de vente n’ont pas été surévalués (vérification sur divers sites comme meilleursagents.com pour l’ancien, ainsi que https://app.dvf.etalab.gouv.fr/, et selogerneuf.com pour comparer les prix des programmes neufs alentours). Pour les projets de promotion, je prends bien sûr en considération la marge prévisionnelle (ou opérationnelle) du projet, et non le «cash-flow immobilier» ou "marge promoteur"; cette dernière notion est la somme de la marge susmentionnée, et des frais de gestion et parfois de commercialisation internes à la structure porteuse du projet; ces frais sont donc censés rémunérer les équipes du promoteur sous forme de salaires, de primes, de remboursement de frais divers, et sont des charges pour le projet; il est donc hors de question de les confondre avec un bénéfice! La mention de ce cash-flow immobilier permet de présenter un chiffre plus important, ce qui rend la "mariée plus belle".​
    2. La typologie du projet: conjoncturellement et suite à la crise sanitaire et l’apparition du télétravail qui a de bonnes chances de devenir une tendance lourde à court terme, j’élimine d’office les projets concernant l’immobilier de bureaux.​
    3. L’horizon d’investissement: conjoncturellement, j’élimine les projets dépassant les 12 mois, les perspectives macro-économiques au-delà de ce terme me paraissent trop incertaines; je peux exceptionnellement aller jusqu’à 18 mois.​
    4. Le client-cible: aujourd’hui, j’ai tendance à éliminer les biens destinés à une clientèle très riche (villas ou chalets d’exception) de par la disparition des clients russes qui devrait donner lieu à un réajustement des prix.​
    5. La localisation: un programme à proximité immédiate de l’autoroute ou d’une ligne SNCF, ou situé dans une banlieue glauque se traduit par un NoGo immédiat (faire un tour sur googlemaps et geoportail.gouv.fr). De plus, j’élimine a priori tout ce qui se situe en dehors de la France métropolitaine: les îles présentent un risque «pays» non négligeable, et le marché et les règles fiscales et juridiques des pays étrangers me sont totalement inconnus.​
    6. Locataires à évincer: à moins qu’un accord financier écrit n'ait déjà été dûment conclu, j’élimine a priori les projets présentant ce cas qui peuvent aboutir à une procédure juridique et ralentir les opérations.​
    7. Solidité de la structure: pour une structure établie depuis plusieurs exercices, un endettement trop élevé au regard de l’actif circulant du bilan de l’impétrant est pour moi un NoGo (voir des sites proposant gratuitement les documents légaux des structures concernées, comme pappers.fr); les foncières sont une exception dans la mesure où les immobilisations y sont des biens immobiliers aisément réalisables dans de bonnes conditions de marché. Pour une jeune structure qui ne dispose pas d’au moins 4 bilans, je regarde les capitaux propres, le montant des comptes courants d’associés, et l’historique des résultats. Pour une structure encore plus jeune ne disposant d'aucun background financier, je continue quand même l'analyse, pour ne pas risquer de passer à côté d'une pépite. Ce critère est toutefois difficilement appréciable quand l’on n’a pas quelques notions basiques en comptabilité/finance; elles ne sont pas difficiles à acquérir, mais ça demande un peu de travail, et donc encore du temps.​
    8. Fiabilité du porteur: des retards trop nombreux et trop longs (voir hellocrowdfunding ainsi que l’excellent document du non moins excellent @baffer ), des procédures en cours, ou des liquidations judiciaires au palmarès du porteur (voir pappers.fr) entraînent un NoGo.​
    9. Robustesse administrative: le projet est-il cohérent avec les impératifs du PLU? On peut se poser cette question quand il y a division foncière, ou qu’un changement de destination en milieu urbanisé doit donner lieu à création ou acquisition de places de parking. Si je ne trouve pas la réponse rapidement, je passe mon chemin; en général, on trouve les PLU en ligne, mais ce peuvent être des documents très épais, à la lecture malaisée, dans lesquels trouver le bon endroit où se cachent les renseignements intéressants peut prendre un temps fou.​
  2. CRITERES DE NOTATION: ils sont au nombre de 15, dont 2 spécifiques aux projets MdB (marge MdB et pré-commercialisation MdB), 2 spécifiques aux projets d’aménagement foncier (marge aménagement et pré-commercialisation aménagement) et 3 spécifiques aux projets de promotion (marge promotion, pré-commercialisation promotion et couverture du coût de revient); un projet est donc généralement évalué sur 10 ou 11 critères. Ils sont notés sur une échelle de risque croissant de 0 (risque faible) à 4 (risque croissant), et pondérés en fonction de leur importance relative; pour ma part, j’ai choisi de tous les mettre au même niveau (1), sauf la marge que je pondère un peu plus (2).​
    1. Localisation: j’utilise meilleursagents.com. On peut également et avantageusement s'inspirer de la grille de @poam5356 qui est remarquablement documentée.​
    2. Expérience porteur: j’attribue un risque moindre (-1) à un porteur qui connaît très bien son périmètre géographique, le marché local et les entrepreneurs BTP du crû.​
    3. Engagement porteur: plus le porteur mouille sa chemise à nos côtés, plus le signe de sa confiance dans son projet est grande.​
    4. Banque prêteuse: la présence d’une banque dans les tuyaux est un signe fort; si elle prend le risque de financer un projet, c’est qu’elle croit à sa bonne fin, i.e. qu’après analyse, elle pense avoir de très bonnes chances de récupérer sa mise sans avoir à faire jouer les garanties qu’elle a prises; elle sait qu’un déraillement du projet lui ferait immanquablement perdre beaucoup de temps en procédures, et donc de l’argent.​
    5. Garanties: je ne prends pas en compte la GFA, qui est obligatoire en VEFA; je fais attention à ne comptabiliser que les garanties qui me paraissent sérieuses (une GAPD de la société projet ne vaut rien selon moi, une promesse d’affectation hypothécaire non plus…). Même pour une hypothèque de 1er rang, il convient de vérifier que le prix du bien hypothéqué permettra bien de rembourser le prêt: quid si le bien a été surévalué dès le départ?... De plus, il convient si possible de vérifier dans les engagements hors bilan des liasses fiscales (pappers.fr), à quelle hauteur des garanties financières ont été prises sur "la bête".​
    6. Marges opérationnelles: no more comment.​
    7. Pré-commercialisations: dans les cas de promotion et d’aménagement foncier, je m’intéresse également au rythme de commercialisation de la partie en accession libre: si celui-ci est trop faible pour que le programme puisse, selon moi, être entièrement écoulé dans les temps, je regarde si le nouvel horizon d’investissement n’occasionne pas un NoGo.​
    8. Couverture du coût de revient: no comment.​
    9. Typologie: j’estime que les différents types de projet n’ont pas le même degré de complexité: un scénario d’achat-revente d’un MdB sera infiniment plus simple à réaliser qu’un programme de promotion immobilière…​
    10. Durée du projet: no more comment.​
    11. Avancement du dossier administratif: un projet où le PC a été purgé offrira moins de risque qu’un autre où le PC n’a pas encore été déposé...​
    12. Tous ces critères de notation sont intégrés dans une feuille de calcul qui propose un taux théorique de rémunération du projet. Pour ce faire, une fonction linéaire situe le projet entre le taux minimal que je suis prêt à accepter (7% en l’occurrence) et le taux maximal qu’un opérateur serait prêt à débourser (14% sur mes quelque trois années et demie d’observation).​
(à suivre)
 
(suite et fin)


Pour utiliser cette grille en l’état, choisissez un projet à évaluer:

  1. Procéder à la première phase; si vous avez un critère NoGo, vous pouvez arrêter l’analyse et passer au projet suivant; sinon, continuez.​
  2. Indiquez le taux proposé par l’opérateur dans la cellule jaune, à droite de la feuille.​
  3. Procédez à la notation des critères dans les cellules bleues-gris (colonne «notation»); pour un MdB ou un aménagement foncier, vous devez avoir 10 cellules remplies, et 11 pour une promotion immobilière.​
  4. Le résultat apparaît en bas à droite, dans une cellule verte si le taux calculé est inférieur à celui proposé par l’opérateur, et rouge sinon.​
  5. Si le taux calculé est sensiblement supérieur à celui proposé par l’opérateur (> 0,5%), je préfère passer mon chemin: le risque calculé par ma moulinette est supérieur à celui perçu par la PF. Sinon, je peux envisager d’investir. Si j’ai le choix entre plusieurs projets, et pour un même taux proposé pour chacun, ma décision ira vers celui que les calculs détermineront comme le moins risqué (le plus faible taux calculé).​

Cette grille peut être reparamétrée à loisir selon l’aversion au risque, et selon la conjoncture (macro-économique, géostratégique ou autre):
  • en ajoutant ou en éliminant des critères d’évaluation,​
  • en en modifiant le système de notation,​
  • en les pondérant différemment (cellules bleues turquoise de la colonne «pondération»),​
  • en modifiant les taux de rémunération mini et maxi (cellules vertes fluo).​
Et si vous n'êtes pas familier des feuilles de calcul, je vous déconseille de toucher aux cellules contenant des formules...


Les critères choisis pour les deux parties de cette grille autorisent en l’état une certaine exhaustivité dans l’analyse - qui me suffit personnellement, tout en restant suffisamment peu nombreux pour permettre une évaluation «relativement» rapide d’un projet; je situe le mot «relativement» entre guillemets, parce que la présentation de la plate-forme et la documentation mise à disposition peuvent ne pas toujours être suffisantes pour disposer de tous les éléments nécessaires à l’évaluation de tous les critères, ce qui entraîne nécessairement des questions à la PF et/ou une recherche sur internet; et ça, ça prend toujours du temps.

Je précise enfin que cette grille n’a pas la prétention d’être une martingale qui permet d’investir à coup sûr dans des projets qui connaîtront tous une issue favorable; un tel outil n’existe pas et n’existera jamais!
Et a contrario, soyez également certains que tous les projets que vous choisirez d'éliminer en utilisant cette grille ne connaîtront pas forcément un sort funeste.


Je décline donc toute responsabilité quant aux conséquences éventuellement négatives de son utilisation.
 
Merci beaucoup, je viens de la tester avec plusieurs projets sur lesquelles je suis déjà engagée et sur un projet que j'envisage. En général, j'utilisais celle de Monego pour être sûre de ne rien oublier. J'aime beaucoup le taux théorique du projet.

La seule chose que je ne comprend pas c'est la couverture du coût de revient exprimée en %. Elle devrait toujours être supérieure à 100% (sinon l'opération n'est pas viable). Est-il possible d'éclairer ma lanterne.
 
Bonsoir

La seule chose que je ne comprend pas c'est la couverture du coût de revient exprimée en %. Elle devrait toujours être supérieure à 100% (sinon l'opération n'est pas viable).
Pas nécessairement.

Notez que ce critère de la couverture du coût de revient n’est applicable qu’aux projets de promotion immobilière, et le cas échéant, mais ils sont assez rare, aux projets MdB en VIR.

Lors d’une VEFA ou d’une VIR, le projet est au départ financé par les fonds propres apportés par l’opérateur et les obligataires, par un crédit bancaire éventuel, et par les acheteurs des lots déjà réservés qui payent des échéances à différents stades d’avancement de la construction ou de la rénovation.

Quand la commercialisation du programme n’est pas achevée, la couverture financière de ce type de projet n’est pas toujours assurée à 100% lors de la levée de fonds, et n’a pas besoin de l’être pour le démarrage des travaux si le promoteur a confiance dans sa capacité à continuer à enchaîner les ventes avant de tomber à court de trésorerie; ça lui permet d’emprunter moins, et donc d’améliorer sa marge.

Mais si le rythme des ventes suivantes se révèle insuffisant pour combler cette impasse de financement, l’opérateur sera obligé de faire un autre tour de table auprès de la banque et qui amputera nécessairement la marge du projet, et/ou de stopper les travaux en attendant de renflouer sa trésorerie, etc., ce qui fragilisera le projet et nous fera courir un risque supplémentaire, raison pour laquelle je demande donc une rémunération plus importante selon la taille de l’impasse.
 
Merci pour vos explications toujours très détaillées.
C'est le projet de Raizers de demain que j'ai analysé en dernier. Donc si je comprends bien, il faut que je fasse le delta entre le coût total de l'opération et les lots déjà commercialisés.
 
C'est le projet de Raizers de demain que j'ai analysé en dernier. Donc si je comprends bien, il faut que je fasse le delta entre le coût total de l'opération et les lots déjà commercialisés.
Je suppose que vous parlez du Sunset.

L'opération à effectuer en la circonstance est: (fonds propres opérateur + emprunt obligataire + lots commercialisés en VEFA)/(coût de revient).
Raizers vous mâche le travail dans l'onglet "bilan financier" de sa présentation, avec le tableau 'structure de financement".
Il vous donne un coût de revient de 5863793€, et un financement égal à la même somme, ce qui représente une couverture financement/coût de revient de 100%.

Je profite de cette occasion que vous me donnez involontairement pour préciser que dans le cadre de la notation de ce critère "couverture du coût de revient" de cette grille, les frais qui viennent en aval de la livraison du programme, comme en l'occurrence les frais de commercialisation et les intérêts des obligataires, et qui ne sont donc pas susceptibles de perturber son équilibre financier pendant la phase "travaux", doivent être retranchés du coût de revient total pour que le montant total du financement du programme soit ensuite rapporté à ce résultat. Je ne sais pas si je suis très clair...

Si je reviens à l'exemple de ce projet Sunset: le coût de revient total est en fait de 6754383€, mais les coûts de commercialisation et les intérêts obligataires qui sont respectivement de 590590€ et 300000€ doivent lui être retirés, ce qui nous fait retomber sur les 5863793€ du coût de revient "à l'acquisition". C'est en tous cas ce que nous a calculé Raizers.
Mais...
Raizers a omis le fait que les intérêts obligataires sont "payables annuellement à terme échu"; la première annuité de 150k€ sera donc à débourser avant la livraison du programme, et c'est donc un coût de 6013793€ qu'il faut prendre en compte (5863793€+150000€), et la couverture de financement devient 97,5%, ce qui reste tout-à-fait satisfaisant.
Mais ce n'est pas une raison pour ne pas rester rigoureux, et pour cela, penser à tout lire sous peine de louper quelque chose...
 
Dernière modification:
Merci beaucoup, je viens de la tester avec plusieurs projets sur lesquelles je suis déjà engagée et sur un projet que j'envisage. En général, j'utilisais celle de Monego pour être sûre de ne rien oublier. J'aime beaucoup le taux théorique du projet.

La seule chose que je ne comprend pas c'est la couverture du coût de revient exprimée en %. Elle devrait toujours être supérieure à 100% (sinon l'opération n'est pas viable). Est-il possible d'éclairer ma lanterne.
Bonjour,

Pouvez vous nous transmettre la Grille d'évaluation de Monego ? Merci
 
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