Plutôt que de retracer tout l'historique d'Airbus, commençons par un événement récent, passé probablement inaperçu, mais qui caractérise parfaitement le moment clé dans lequel se trouve aujourd'hui Airbus.
Airbus a livré son 1er avion, un A300, à AIR FRANCE en 1974. Le 6 000ème avion l'a été en 2010. Et
Airbus vient de livrer son 12 000ème avion à DELTA AIR LINES.
Ce 12 000ème avion est tout un symbole pour Airbus : Conçu et assemblé au Canada et vendu à une compagnie aérienne américaine prend une saveur particulière quand Boeing, dans le même temps, est empêtré avec les problèmes de son 737 MAX.
Y allant de considérations empreintes d'humilité, Airbus clame ne pas vouloir profiter des déboires de Boeing, mais doit se frotter les mains en coulisses et savourer cette 12 000ème livraison comme il se doit.
Ne nous y trompons pas, la compétition est rude entre les 2 géants, et Boeing peut aussi se délecter des déboires d'Airbus avec son A380 qui sera arrêté en 2021. C'est un bel échec et une erreur des prévisionnistes d'Airbus.
Quelques chiffres :
En 2018, Airbus a livré 800 avions, et table sur 880 à 890 livraisons en 2019. Un chiffre qui sera sans doute revu en hausse avec l'arrêt prolongé du 737 MAX.
Plus d'avions livrés, mais surtout
des avions à plus forte marge bénéficiaire avec les avions de la gamme Neo qui entrent progressivement en pleine production.
En 2018, sur 626 appareils livrés de la famille A320, 386 sont des A320neo (contre 181 en 2017).
2018 a vu la livraison des 3 premiers A330neo.
La rentabilité d'Airbus devrait donc s'améliorer avec cette montée en puissance de la gamme Neo.
La capitalisation boursière d'Airbus est de 90 Mds€ (200Mds$ pour Boeing).
Airbus redistribue 37% de ses bénéfices aux actionnaires sous forme de dividendes. C'est presque 50% pour Boeing.
En conséquence, le rendement est meilleur sur l'action Boeing (2,2% contre 1,8% pour Airbus).
Le PER des 2 géants est identique, 20,9 mais le ratio de valorisation VE/Ebitda (valeur de rachat de l'entreprise en y ajoutant les dettes) est largement plus élevé chez Boeing : 14,6x contre 8,43x pour Airbus.
Une décote exagérée (57%) pour Airbus qui laisse un potentiel non négligeable de rattrapage sur Boeing.
Dit autrement par un analyste qui suit le secteur :
"la valorisation relative nous semble attractive, surtout en prenant un horizon d’investissement de 3-4 ans. En effet, en utilisant les multiples actuels de Boeing, notre potentiel de hausse serait supérieur à 50%."
Venons-en à l'avenir et à ce moment clé qu'est l'actuelle période.
- Nouveau management
- Nouveaux enjeux
- Nouveaux appareils
- Nouveaux risques!
L'ancien patron, Thomas Enders, vient de quitter ses fonctions (à l’issue de son mandat en avril 2019), sur fond d'affaires de corruption impliquant la direction du groupe. Il s'agit de la vente d'avions de combat Eurofighter en 2003 (Thomas Enders dirigeait alors la branche défense d'EADS, ex groupe Airbus) d'une part. Et de soupçons de corruption dans les activités d'aviation commerciale au Royaume-Uni, impliquant, une fois encore, Thomas Enders.
- Nouveau management :
Guillaume Faury vient de lui succéder. 49 ans, ex-patron d’Airbus Helicopters dont il a su redresser l'activité qui était au plus mal lors de son arrivée, Guillaume Faury a pour objectif d’emmener Airbus sur le terrain de l’efficacité et de la productivité.
La marge d'exploitation, qui représente la capacité de l’entreprise à générer des profits seulement à partir de son activité, est de 9,51% en 2019, contre 11,1% chez Boeing. Airbus a donc des progrès à faire en matière de productivité pour rivaliser avec Boeing, et c'est ce, sur quoi va se pencher Guillaume Faury.
En prenant les commandes d'Airbus, Guillaume Faury a quelques faits d'armes à faire valoir.
Ingénieur chez Eurocopter ente 1998 et 2008, puis membre du directoire de PSA entre 2008 et 2013, et directeur recherche et développement dès 2010, Guillaume Faury prendra la direction de Airbus Helicopters en 2013. Il y redressera l'activité en s'appuyant sur les pratiques du monde de l'automobile.
Des pratiques dont il pourrait à nouveau s'inspirer pour améliorer les cadences de production de l'A320, l'avion le plus vendu, et le plus commandé d'Airbus : 2292 commandes pour son A321neo à fin janvier 2019.
- Nouveaux enjeux :
Dans un marché en croissance, et alors que le groupe est aux limites de ses capacités, le nouveau PDG doit moderniser son groupe et améliorer son efficacité. L'équipe dirigeante aura été renouvelée en 2 ans. Elle vient à point nommé, Thomas Enders se fendra même d'un commentaire
"Guillaume représente notre nouvelle génération de leaders".
- Nouveaux appareils :
Après l'abandon du projet 380, c'est l’A350-1000 qui devient le "navire amiral", ou le porte-drapeau du savoir faire d'Airbus, à la place de l’A380.
Pour contrer le 737 MAX de Boeing, Airbus a dans ses cartons le A321LR, l'avion "au plus long rayon d’action pour le moment" a déclaré Christian Scherer, directeur commercial d’Airbus.
De quoi imaginer une possible annonce d'un A321 en version XLR lors du prochain Salon du Bourget qui va s'ouvrir dans quelques semaines (17 au 23 juin 2019).
Airbus joue sur du velours, et aura la voie dégagée pour séduire de nombreuses compagnies.
- Nouveaux risques :
L'horizon n'est pas pour autant dégagé pour l'avionneur. Les nuages sont nombreux.
- Un Brexit dur impactera de manière très importante la ligne de production britannique.
Airbus génère un chiffre d’affaires de 6 Mds£ au Royaume-Uni, et y emploie plus de 14.000 personnes.
L'avionneur assemble au Royaume-Uni l’ensemble des ailes de ses programmes civils.
En cas de Brexit dur, "
l’ensemble des certifications et approbations relatives aux pièces détachées et produits finis seraient caducs et nécessiterait l’attente de la mise en place d’un nouveau cadre règlementaire". C'est assez pour bloquer un certain temps l'activité totale d'Airbus. Le stock d'ailes constitué par Airbus pour 1 mois de production paraît quelque-peu dérisoire en cas de Brexit dur!
- Le ralentissement de la croissance chinoise pourrait avoir un impact significatif sur les commandes des compagnies aériennes chinoises.
- La fin du programme A380 interviendra en 2021. Airbus a passé une provision de 463 M€. L'impact négatif de ce programme aura disparu à partir de 2022.
- Le président américain menace d’infliger 11 Mds$ de droits de douane supplémentaires sur des produits importés d’Europe en riposte aux prétendues subventions accordées à Airbus.
Comme toujours, Trump donne dans l'hypocrisie la plus totale puisque Boeing reçoit aussi des subventions US avec son statut de fournisseur privilégié du Pentagone et de la NASA.
- Les contraintes étatiques :
L'Allemagne a repoussé à fin septembre l'interdiction de ventes d’armes à l’Arabie saoudite.
190 M€ de charges ont été provisionnées. Rien ne dit qu'Airbus ne sera pas confronté à d'autres décisions concernant la défense de la part de l'Allemagne, ou d'autres pays partenaires du programme Airbus.
Malgré tout, on retient que :
Airbus est arrivé à un moment important de son existence. Un nouveau patron arrive à point nommé pour remplacer une équipe affectée par divers problèmes allant de soupçons de corruption aux luttes d'Ego.
Ce nouveau patron doit améliorer l'efficacité du groupe, et en a les capacités après ses passages réussis dans l'automobile et chez Airbus Helicopters.
Une formidable fenêtre de tir s'ouvre pour Airbus avec les déboires de Boeing sur son 737 MAX. Ils arrivent à un moment où la gamme Neo d'Airbus monte en puissance. De quoi séduire de nombreuses compagnies qui doutent de Boeing. A cet effet, le salon du Bourget qui s'ouvre d'ici peu donnera une opportunité rare à Airbus pour ratisser large!!
Sachant que la gamme Neo génère des marges significativement plus importantes que les modèles classiques, des analystes sont extrêmement positifs sur Airbus. Et ce, d'autant plus que Airbus souffre, sans raison, de ratios largement inférieurs à ceux de Boeing.
Kepler Cheuvreux a pour objectif 1er un cours de 134€, et 136€ pour UBS. Bernstein, de son côté reste à surperformance avec un objectif de cours relevé de 134 à 149€.
Graphiquement, en UT Hebdo pour dresser le terrain de jeu :
Une grande ligne de résistance haussière (pointillés rouges en gras) débutée en 2003 et touchée il y a tout juste 1 mois, le 30/04/2019.
Un support long terme débuté en 2015 (pointillés verts en gras), et touché au tout début de l'année, le 03/01/2019.
En vue journalière maintenant :
Le contact avec la résistance LT fin avril semble avoir déclenché un mouvement de consolidation sur le titre.
Il faut dire qu'après une hausse vertigineuse de pratiquement 60% en 4 mois, il ne faut pas beaucoup d'arguments aux investisseurs pour les inciter à prendre quelques bénéfices sur la valeur.
A noter la divergence baissière sur le RSI (coiffé par une ligne de résistance en trait rouge), qui s'est matérialisée bien avant le plus haut de fin avril.
Les volumes sont plutôt en diminution.
Les 2 indicateurs sont orientés à la baisse.
On peut penser que l'embryon de canal de consolidation (en mauve) va rester actif quelques semaines.
Il faudra suivre l'évolution des cours, et surveiller le RSI.
Le salon du Bourget qui arrive le 17 juin pourrait donner le signal de la reprise du titre.
Historiquement, on constate un ralentissement des commandes avant le salon, pour atteindre un pic au cours de l’événement.
Et le pic de commandes pourrait bien être très important pour Airbus cette année avec les problèmes toujours d'actualité du 737 MAX. Airbus qui pourrait, à cette occasion, présenter de nouvelles versions de ses avions star!