Le taux variable ne grandira pas… car il est espagnol

Elaphus

Contributeur régulier
Une affaire très intéressante jugée par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE ) car elle montre que le consommateur est ici bien mieux protégé en Espagne que chez nous, alors que nous prétendons avoir la protection maximale en Europe.


Arrêt de la Cour (première chambre) du 3 juin 2010.
Caja de Ahorros y Monte de Piedad de Madrid contre Asociación de Usuarios de Servicios Bancarios (Ausbanc).



Demande de décision préjudicielle: Tribunal Supremo - Espagne.
Directive 93/13/CEE - Contrats conclus avec les consommateurs - Clauses définissant l’objet principal du contrat - Contrôle juridictionnel de leur caractère abusif - Exclusion - Dispositions nationales plus strictes pour assurer un niveau de protection plus élevé au consommateur.



Affaire C-484/08.

http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:62008J0484:FR:NOT

Elle sera beaucoup commentée pour son apport au droit de l’UE : la directive 93/13/CEE concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui autorise un contrôle juridictionnel du caractère abusif des clauses contractuelles portant sur la définition de l’objet principal du contrat ou sur l’adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part, même si ces clauses sont rédigées de façon claire et compréhensible.



Cette directive prévoit toutefois deux exceptions concernant l’appréciation du caractère abusif des clauses contractuelles, cette appréciation ne porte :



- ni sur la définition de l’objet principal du contrat,
- ni sur l’adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part,



pour autant que ces clauses sont rédigées de façon claire et compréhensible.


Chose qui est donc possible en Espagne en revanche du fait de la loi nationale.


L’affaire opposait un établissement espagnol de crédit (la Caja de Ahorros y Monte de Piedad de Madrid) qui pratiquait des contrats de prêt hypothécaire qui prévoyaient un taux d’intérêt nominal variable devant être adapté périodiquement en fonction du taux de référence convenu à des usagers des services bancaires .



Ces contrats contenaient en outre une clause rédigée au préalable aux termes de laquelle le taux d’intérêt dû par l’emprunteur devait, dès la première révision, être arrondi au quart de pourcentage supérieur chaque fois que la variation de taux excédait 0,25 % ( !!).



La clause était intelligible, à la différence de clauses rencontrées en France avec les prêts que l’on sait. Mais évidemment elle a un caractère abusif, bien que devenue contractuelle par force.


En juillet 2000, une association espagnole des usagers des services bancaires (Ausbanc), a introduit un recours devant les juridictions espagnoles tendant, notamment, à obtenir de la part de la Caja de Madrid (une sorte de CFF de cheux nous) la suppression de la clause d’arrondissement des contrats de prêt et la fin de son utilisation pour l’avenir.



Le Tribunal Supremo (Tribunal Suprême espagnol), qui doit statuer en dernier ressort, a donc demandé à la CJUE si la loi nationale était conforme à la directive 93/13/CEE puisqu’elle ne respecte pas les 2 limitations rappelées ci-dessus. On sent que la banque est derrière cette question préjudicielle…


La réponse apportée par la CJUE est donc que rien n’empêche que la loi nationale apporte au consommateur une protection plus forte que la directive, qui définit ainsi une sorte de minimum européen.


On ne peut que s’en féliciter, tout en regrettant que la France n’ait pas une telle loi pour laquelle il faudrait militer. Le succès final de l’Ausbanc est donc plausible, alors que cette clause était parfaitement compréhensible (mais léonine !), ce qui n’est pas le cas de celles ayant pourri la vie de bien des emprunteurs se manifestant ici.
 
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