Le risque de taxation des dépôts des particuliers n'est pas de la science-fiction. Pénalisées par les taux bas, les banques sont aux abois et cherchent de nouvelles recettes.

La menace se rapproche. Depuis cet été, les banques sont de plus en plus nombreuses à taxer les dépôts de leurs clients, que ce soit au Danemark, en Suisse et en Allemagne. De l'autre côté du Rhin, ce sont plus d'une centaine de banques et de caisses d'épargne qui sanctionnent les dépôts, souvent quand ils dépassent les 100 000 euros. En fonction de l'évolution économique, plus d'un tiers de ces établissements envisagent même de prélever les comptes des petits épargnants.

De concert, ces établissements répercutent donc le coût du taux négatif de 0,5% appliqué par la Banque centrale européenne (BCE) à leurs propres dépôts de liquidités excédentaires. L'idée est de dissuader les banques de laisser une partie de leur trésorerie au guichet de la BCE, pour les encourager plutôt à prêter aux ménages et aux entreprises. Un mécanisme qui n'est visiblement pas toujours efficace. « Les banques doivent estimer que le risque est trop élevé. Résultat, elles préfèrent encore perdre un peu d'argent en déposant leurs surplus à la BCE, ce qui est obligatoire », explique Philippe Crevel, directeur du Cercle de l'Epargne. Selon une étude de Goldman Sachs, les taux négatifs ont d'ailleurs coûté, l'an dernier, 7 milliards d'euros aux banques européennes, dont près de 2 milliards d'euros rien que pour les banques françaises.

La taxation des comptes courants arrive...

Résultat, la taxation des dépôts pourrait s'installer aussi dans l'Hexagone. Dès cette semaine, Lombard Odier compte ainsi pénaliser les dépôts supérieurs à 1 million d'euros de ses riches clients sans mandat de gestion. D'autres banques privées réfléchissent également à appliquer des mesures similaires.

En urgence, le patron de la Banque de France a tenu à calmer les inquiétudes. Au micro de RTL, il a expliqué que ce phénomène ne touche que des établissements de gestion de fortune « qui visent de très gros patrimoines » avec des « comptes courants supérieurs à un million d'euros ». « Il n'est pas question que ceci s'applique aux particuliers habituels ou aux PME », a tonné François Villeroy de Galhau.

... Et pourrait bien s'étendre

Mais qu'est-ce qu'un « particulier habituel » ? « Derrière se cache l'idée qu'à partir d'un certain montant, il ne serait pas impossible que les taux négatifs s'appliquent, constituant ainsi des frais de gardiennage » estime Philippe Crevel. « Si la période de taux très bas se prolonge, ce qui devrait se produire, on peut très bien imaginer que des particuliers ayant 50 000 euros de dépôts soient taxés. La question se pose. Au final, un nombre de clients bien plus importants que ce que l'on peut imaginer, aujourd'hui, pourraient être taxés. Juridiquement, rien ne s'y oppose. »

Contactée par MoneyVox, la Fédération bancaire française, qui représente toutes les banques installées en France, n'a pas souhaité s'exprimer sur le sujet. Sollicitée, la Société Générale rappelle seulement qu'elle n'a pas de politique de facturation des dépôts pour ses 7,5 millions de clients particuliers, mais qu'elle reste attentive au contexte de taux. Dans une interview accordée aux Echos, ce lundi, Marie-Christine Ducholet, la patronne de la banque de détail précise que « la question se pose, fatalement, pour les très gros dépôts », même si « ce n'est pas prévu dans l'immédiat ».

Ironie de l'histoire, alors que les banques n'ont jamais vraiment saisi la possibilité, depuis 2005, de rémunérer les dépôts à vue de leurs clients - sauf à de très rares exceptions -, c'est exactement l'inverse qui est en train de se produire.

Une taxation indirecte pour contourner l'épargne réglementée

Et en fait, c'est déjà indirectement, le cas. Après avoir augmenté leurs tarifs en 2017 et 2018 - pour pallier la baisse des taux qui rognent leurs recettes -, les banques s'apprêtent à récidiver en 2020. C'est ce que laisse entrevoir, par exemple, la Société Générale. Une façon pour les établissements de compenser aussi le gel décrété en 2019 en réponse à la colère des Gilets jaunes.

Mais ce n'est pas tout. Les plus de 420 milliards d'euros, un record, qui dorment sur les comptes courants des particuliers sont déjà rognés par la hausse des prix qui est de 1,2% actuellement. Autrement dit, au bout d'un an, 100 euros ne valent plus que 98,8 euros. Il existe une parade pour limiter la casse. Placer votre bas de laine sur les produits d'épargne réglementés comme le Livret A (jusqu'à 22 950 euros) ou son cousin le Livret de développement durable et solidaire (12 000 euros au maximum). Les 410 milliards d'euros qui y sont déposés rapportent encore 0,75%. Mais l'application d'une nouvelle formule de calcul, sauf décision politique contraire, ramènera sa rémunération à 0,5%. C'est toujours mieux que les 0,11%, en moyenne, des livrets bancaires.

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