Connu pour ses produits financiers solidaires, le Crédit Coopératif est aussi de mieux en mieux placé au palmarès des banques les moins chères. Entretien avec Imad Tabet à propos des choix tarifaires de la filiale du groupe BPCE.

Imad Tabet, directeur de la clientèle des particuliers du Crédit Coopératif

Imad TABET est directeur de la clientèle des particuliers du Crédit Coopératif

Imad Tabet, comment le Crédit Coopératif est-il devenu l’enseigne nationale la moins chère, devant La Banque Postale ?

Imad Tabet : « Plus qu’un choix stratégique, c’est un choix politique. Notre leitmotiv en tant que banque coopérative, c’est d’être au juste prix, c’est-à-dire d’éviter de facturer des frais sans contrepartie véritable, dans une simple logique d’augmentation du chiffre d’affaires. Cette politique nous a amené à faire des choix tarifaires différents d’autres enseignes. »

Quels sont-ils ?

I.T. : « Le premier, c’est de ne pas facturer de frais de tenue de compte aux clients particuliers. Le second, d’éviter de gonfler artificiellement le coût de nos offres groupées de services, en multipliant des options peu utilisées par les clients. Au final, nous n’avons pas baissé nos tarifs, nous sommes juste restés constants, en refusant d’aller vers ces nouvelles sources de tarifications, comme d’autres banques de détail ont pu le faire dans le même temps. Nous nous retrouvons ainsi bien positionnés. »

L’enseigne de réseau nationale la moins chère selon le comparateur cBanque

13e du classement cBanque des banques les moins chères, le Crédit Coopératif est seulement devancé par des banques en ligne, des assurbanquiers (Macif, Axa, Groupama) et quelques caisses régionales du Crédit Agricole. Elle est ainsi l’enseigne de réseau nationale la moins chère, devant La Banque Postale.

A consulter : le classement cBanque des banques les moins chères

Vous faites le choix de ne pas communiquer spécifiquement sur cette modération tarifaire. Pourquoi ?

« Nous ne sommes pas un hard discounter »

I.T. : « Tout simplement parce que nous ne sommes pas un hard discounter de la banque. Certes, nous sommes bien placés dans les comparateurs, mais nous ne cherchons pas particulièrement à attirer une clientèle opportuniste, en quête de la banque la moins chère possible. Notre cœur de cible, ce sont les 6 millions de Français engagés, dans des associations notamment, qui souhaitent une banque qui porte des valeurs de solidarité, et qui leur offre des produits de partage ou tout simplement la possibilité de savoir à quoi sert leur argent. »

Le secteur bancaire a récemment concédé aux pouvoirs publics quelques engagements sur le plafonnement des frais bancaires pour les clients en difficultés financières (1). Allez-vous mettre en œuvre ces engagements ?

I.T. : « Oui, évidemment, nous respecterons les engagements pris par le secteur bancaire. Nous comptons assez peu de clients fragiles, au sens de la loi. Mais nous avons une tradition de prévention et d’accompagnement, notamment des majeurs protégés. »

Pensez-vous que les frais d’incidents sont en général trop chers en France ?

« Les frais d'incidents, une part très importante du PNB de certaines enseignes »

I.T. : « Des études montrent en effet que les frais d'incidents bancaires constituent une part très importante du PNB [produit net bancaire, équivalent du chiffre d'affaires] de certaines enseignes. Bien que ce ne soit pas le cas au Crédit Coopératif, nous n'avons pas de leçons à donner. Ce sujet est aujourd'hui très réglementé avec une offre spécifique destinée aux clients fragiles et des plafonds de tarification sur lesquels la quasi-totalité des banques ont aligné leur tarification. Et gardons à l'esprit qu'il faut avant tout prévenir les incidents, via un système d'alerte par SMS de dépassement de seuil de découverts. »

Votre positionnement porte-t-il ses fruits, en termes d’acquisition de nouveaux clients ?

I.T. : « Oui. Nous comptions 340 000 clients fin 2017, nous en sommes actuellement à 360 000. Nous progressons donc régulièrement en direction de notre objectif, qui est d’atteindre les 500 000 clients en 2025. »

Comment comptez-vous atteindre cet objectif ?

I.T. : « En capitalisant d’abord sur notre positionnement actuel de banque engagée pour une finance solidaire et tracée, qui date des années 1980 et rencontre de plus en plus les aspirations des particuliers. Nous allons notamment développer notre gamme avec des produits financiers plus sophistiqués, sur le terrain du solidaire et de la traçabilité, à destination de la clientèle patrimoniale. En développant ensuite les canaux digitaux, qui permettent de fluidifier les ouvertures de compte et la gestion des opérations courantes. »

Comment va évoluer votre réseau d’agences ?

« Nous ne fermons pas d’agences »

I.T. : « Notre réseau est relativement réduit : 70 agences. Ce qui a longtemps été un handicap est désormais un avantage : contrairement à d’autres banques, nous n’avons pas besoin de le redimensionner en fermant des agences. Certes, de plus en plus d’opérations vont se faire sur Internet, mais toutes les études sur le sujet montrent que la dimension humaine de la relation bancaire reste fondamentale, car le client a besoin d’avoir un interlocuteur humain identifiable. »

Le Crédit Coopératif n’a pas l’image d’une banque très numérique. Allez-vous changer cela ?

I.T. : « 2018 a été marquée par un grand chantier de migration informatique : nous avons en effet migré sur ITCE, le système d’information des Caisses d’Epargne. Cette mutualisation des développements informatiques va nous permettre de partager les coûts liés aux innovations et d’aller plus vite dans notre digitalisation. En 2019, nous allons par exemple pouvoir proposer à nos clients les solutions de paiement mobile Apple Pay et Samsung Pay. »

Vous restez relativement seuls sur le créneau de la banque solidaire. Cela vous étonne-t-il ?

I.T. : « La plupart des banques disposent aujourd’hui d’un ou deux produits solidaires ou de partage. La différence, c’est qu’au Crédit Coopératif, ces produits ne sont pas des gadgets, anecdotiques, mais constituent le cœur de notre politique de développement. C’est un pari que nous avons fait dans les années 1980, et qui s’avère de plus en plus gagnant. Nous allons poursuivre dans cette voie. »

Plus d'infos sur les tarifs bancaires au Crédit Coopératif

(1) Les banques se sont engagées à plafonner à 20 euros par mois et 200 euros par an la facture des frais liés aux incidents de paiement pour les bénéficiaires de l’offre spécifique clients fragiles (OCF). Plus récemment, dans le contexte de la crise des « gilets jaunes », elles sont allées plus loin en promettant de plafonner à 25 euros par mois ces frais pour l’ensemble des clients en difficultés financières avérées, qu’ils bénéficient ou non de l’OCF.