TransferWise, spécialiste britannique des transferts d’argent en devises, est une des fintechs européennes les plus prometteuses. Son credo : des prix cassés sur les frais de change. Parmi ses partenaires, la Caisse d’Epargne et la Banque Populaire. Interview.

Grégory Talon (TransferWise)

Grégory Talon est chef de projet chez TransferWise

TransferWise, lancé il y a 7 ans, compte aujourd’hui 1 200 employés dans 9 pays. Comment expliquer cette forte croissance ?

Grégory Talon : « A l’origine de TransferWise, en 2010, il y a les difficultés concrètes d’un des fondateurs, Kristo Käärmann, pour rembourser un prêt dans son pays d’origine, l’Estonie, donc en euros, alors qu’il travaillait à Londres et était donc payé en livres sterling. TransferWise est donc née avec une mission : simplifier les transferts internationaux en devises, et mettre fin aux frais cachés facturés par les banques pour ces opérations. Cette volonté de transparence explique largement notre succès. »

Vous revendiquez d’être en moyenne 8 fois moins cher que les banques traditionnelles sur les transferts en devises. Comment parvenez-vous à cet exploit ?

« Il n’y a aucune raison économique qui justifie de facturer 5% de commission sur une opération de ce type, même pour une entreprise cotée en bourse. Il s’agit plutôt d’un choix stratégique : les banques choisissent d’offrir à leurs clients certains services qui leur coûtent de l’argent et se rattrapent en en surfacturant d’autres. Nous, nous avons débuté avec une commission de 0,5% et nous l’avons baissé grâce à des économies d’échelle. Cela ne nous empêche pas d’être aujourd’hui une entreprise profitable. »

Un spécialiste des transactions internationales

Lancé début 2011 à Londres par deux Estoniens, Kristo Käärmann et Taavet Hinrikus, TransferWise est spécialisé dans les transferts d’argent en devises à bas coût. La société, qui compte aujourd’hui environ 1 200 collaborateurs dans 9 pays, a levé près de 400 millions de dollars et revendique aujourd’hui près de 3 millions d’usagers et 2 milliards d’euros de transferts par mois. Elle dispose d’un agrément d’établissement de monnaie électronique délivré par le régulateur britannique.

En France, TransferWise distribue également une carte de paiement multi-devises et dispose de partenariats avec N26 et prochainement la Banque Populaire et la Caisse d’Epargne.

Dans votre communication, vous êtes en effet prompts à dénoncer les frais cachés sur les transferts internationaux. Qu’entendez-vous par là ?

G.T. : « Les acteurs de ce marché sont évidemment libres de pratiquer les prix qu’ils veulent. Mais il y a un manque de transparence dans leur présentation. Certains vont par exemple afficher le fait qu’ils ne facturent pas de commissions, mais se rattrapent en gonflant le taux de change à leur bénéfice. Résultat : il est très difficile pour l’usager de comparer le prix des différentes offres. Nous militons de longue date auprès des institutions européennes pour qu’elles encadrent la présentation de ses frais. Nous estimons qu’elle permettrait aux Français d’économiser environ 365 millions d’euros par an sur leurs transferts en devises. »

En France, TransferWise est surtout connu dans le cadre de partenariats, avec N26 et bientôt la Banque Populaire et la Caisse d’Epargne. Est-ce un choix ?

G.T. : « Nous cherchons évidemment à augmenter la visibilité de notre marque. Mais cette stratégie de partenariats nous permet aussi d’aller chercher les usagers là où ils sont déjà, c’est-à-dire dans les banques. Nous travaillons donc avec des néobanques - N26 notamment - mais aussi de plus en plus avec des banques de grande taille, comme le groupe BPCE. En 2019, les clients de la Banque Populaire et de la Caisse d’Epargne pourront utiliser TransferWise, dans leurs canaux habituels, pour leurs transferts d’argent. »

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Qu’est-ce qui vous distingue de Revolut, également spécialiste des paiements et transferts en devises à bas coût ?

G.T. : « La stratégie de Revolut se rapproche plus de celle des banques : ils multiplient les services, en offrent gratuitement certains qui leur coûtent et se rattrapent en en faisant payer d’autres. TransferWise reste concentré sur sa mission initiale, le transfert d’argent au juste prix. Nous investissons pour remplir cette mission de façon durable. Ce qui ne nous empêche de réfléchir à offrir d’autres services. »

Vous considérez-vous comme des concurrents des acteurs historiques du transfert d’argent, comme Western Union ?

G.T. : « Western Union a participé à réduire le prix des transferts d’argent, même leur transparence n’est pas totale. Mais nous intéressons à une clientèle différente. Les parts de marché que nous cherchons à conquérir sont aujourd’hui dans les banques de détail, pas chez Western Union. »

Feu vert européen pour une régulation des taux de change

Lundi dernier 5 novembre, le Parlement européen a voté en faveur d’une proposition législative de la Commission européenne visant à imposer la transparence en matière de frais de change au sein de l’Union. Un texte qui doit beaucoup au lobbying de TransferWise. « Nous sommes très heureux que les eurodéputés se soient ralliés à notre cause » a ainsi commenté Flora Coleman, la directrice des affaires publiques de TransferWise. Le chemin avant une mise en œuvre reste toutefois long. Prochaine étape : l’entame de négociations en trilogue (Commission, Parlement et Conseil) sur le sujet.

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