Longtemps absents du web, les comparateurs de frais bancaires se multiplient actuellement avec l’arrivée de nouveaux acteurs comme UFC-Que Choisir. Comment fonctionnent ces services ? Ont-ils un impact sur les politiques tarifaire et marketing des banques ? Entretien avec Ludovic Herschlekovitz, PDG de Choisir Ma Banque et pionnier du secteur.

Ludovic Herschlekovitz, comment vous est venue l’idée de créer un comparateur de tarifs bancaires ?

« Choisir ma Banque a été initié en 2008, en partant d’un constat : 10 ans après l’explosion du web, on pouvait y trouver des comparateurs de tout et de n’importe quoi, sauf de tarifs bancaires. La raison en était simple : les banques ont tout fait pour que leurs tarifs soient difficiles à comparer. Il nous a donc fallu un an de développement et six mois d’intégration pour mettre en place plus de 6.000 lignes de calcul sur chaque cotation. Dans sa globalité, nous avons modélisé près de 45.000 frais bancaires de 745 packages de 128 banques ! »

Qu’est-ce qui explique cette difficulté à mettre en place des outils de comparaison ?

« On ne peut pas se contenter d’entrer les tarifs, de manière brute, dans un tableur. Il faut en effet prendre en compte les packages, qui intègrent certains services de manière forfaitaire : les chèques de banques ou les retraits hors réseau, par exemple. Nous avons donc conçu des modèles qui tiennent compte de ces franchises, et doivent sans cesse évoluer. La tendance actuelle, qui va vraisemblablement se généraliser en 2013, est à la mise en place de packages centrés sur un socle minimal de services, avec des options proposées à des tarifs préférentiels. Nous intégrons ces évolutions au fur et à mesure. »

Justement, à quelle fréquence s’opère la mise à jour de vos données ?

« En général, les banques de réseau modifient leurs brochures une à deux fois par an. Nous récupérons les nouveaux tarifs sur leurs sites internet, où elles ont l’obligation de les publier. La fréquence de mise à jour peut être plus élevée dans les banques en ligne qui, elles, nous envoient directement leurs plaquettes. Les banques ayant l’obligation de prévenir leurs clients à l’avance, nous disposons ensuite de deux mois pour actualiser les tarifs et être prêts le jour de l’entrée en vigueur. Nous ne sommes pas à l’abri d’un oubli, mais normalement les tarifs que nous recensons sont toujours à jour. »

Choisir ma banque est accessible gratuitement sur internet. D’où tirez-vous vos revenus ?

« Nous avons trois sources de revenus. La première consiste à fournir à nos partenaires bancaires des informations sur les usagers du site, leur profil, leur banque actuelle, le type de package qu’ils possèdent, pour qu’elles puissent ensuite les utiliser commercialement. Par exemple, on peut prévenir une banque avec laquelle on travaille qu’un de leurs clients est venu sur le site pour comparer sa facture de frais avec telle autre banque. Nous plaçons également sur le site des liens rémunérés vers des formulaires d’ouvertures de compte. Nous vendons aussi des statistiques à des cabinets de conseil, qui les utilisent pour leurs études. Enfin, nous louons en marque blanche notre comparateur, par exemple à des banques qui souhaitent intégrer un comparateur sur leur site ou leur application mobile, ou à des institutions comme l’UFC-Que Choisir, qui s’appuie sur notre système pour son comparateur de tarifs bancaires. »

Vous êtes liés commercialement avec certaines enseignes bancaires : comment garantissez-vous la pertinence et la transparence de vos résultats ?

« Nous ne sommes pas une banque et nous ne sommes financés par aucune d’entre elles. Nous affichons toutes les enseignes, partenaires ou non, dans les résultats de notre comparateur. Notre attitude est pragmatique : les tarifs bancaires en France sont élevés et complexes, nous apportons donc notre petite brique en fournissant aux internautes un service pratique et transparent. Mais nous ne sommes pas l’UFC-Que Choisir, nous ne voulons pas nous mettre les banques, qui sont nos clientes, à dos. Nous sommes en fait sur le fil du rasoir, comme a pu l’être, dans le domaine du crédit immobilier, le courtier Meilleurtaux à une époque. »

Quel est votre regard de professionnel du web sur la présence actuelle des banques sur Internet ?

« J’ai le sentiment que les banques de réseau françaises ont encore 10 ans de retard. Certes, elles lancent des agences virtuelles, des sortes de « fausses » banques en ligne, mais ce sont encore des laboratoires. Et je ne suis pas sûr que la promesse d’horaires élargis suffise à convaincre de nouveaux clients. A service égal, les banques en ligne « pure players », me semblent plus intéressantes. D’un point de vue commercial, je constate qu’aujourd’hui toutes les banques en ligne viennent nous voir pour tenter d’acquérir de nouveaux clients. Ce n’est pas encore le cas des grands réseaux bancaires, qui en restent à des stratégies classiques, comme le sponsoring d’événements sportifs, dont il est pourtant impossible de mesurer les retombées. Mon sentiment est que les banques de réseau font aujourd’hui le dos rond et attendent de voir. Mais selon moi, leur basculement sur Internet est inéluctable. C’est pour cela que l’arrivée d’un nouveau comparateur, comme Panorabanques lancé par le groupe M6, ne m’inquiète pas : plus on est de concurrents, plus cela nous pousse en interne et plus, à terme, ça va encourager les banques à venir nous voir. »