L’association de consommateurs UFC-Que Choisir, en guerre ouverte contre les pratiques des banques en matière de tarification, a dénoncé mardi le système français des cartes bancaires, qu'elle considère comme opaque, archaïque et inadapté aux besoins des clients.

S’appuyant sur une étude de 39 pages, réalisée par ses soins, l'UFC-Que Choisir pose plusieurs constats. Tout d’abord, la carte bancaire coûte cher à son titulaire. D’après les chiffres fournis dans l’étude, la seule cotisation annuelle constitue un peu moins du tiers des frais bancaires payés chaque année par les Français : 47,80 euros en moyenne, pour une facture globale de 155 euros environ. Selon l’estimation d’UFC, ces cotisations rapporteraient chaque année 2,8 milliards d’euros aux banques.

Ensuite, ces coûts ne sont pas entièrement justifiés. Prenant l’exemple d’une carte bancaire internationale classique facturée en moyenne 36,30 euros par an, UFC-Que Choisir estime à environ 5 euros le coût de fabrication, à 15 euros le prix des services inclus (des assurances notamment) et à 1 euro le montant de la cotisation payée aux grands réseaux internationaux, type Mastercard ou Visa. Reste une quinzaine d’euros, qu’UFC considère comme la marge perçue annuellement par les banques sur chaque carte.

1,8 milliard d’euros en commissions d’intervention

A ces coûts s’ajoutent, pour les clients en difficulté de trésorerie, les incidents de paiement, et notamment les fameuses commissions d’intervention, perçues par les banques à chaque fois qu’un client effectue une opération au-delà de son découvert autorisé.

L’association a depuis longtemps fait de ces commissions, qu’elle juge illégales et dont elle demande la suppression, l’une de ses bêtes noires. L’étude sur la carte bancaire apporte un peu plus d’eau à son moulin. Selon l’estimation d’UFC, ces commissions, facturées en moyenne 8,50 euros, rapportent 1,8 milliard d'euros par an aux banques, pour un coût de traitement de seulement 172 millions d'euros. Pour l’association, ce phénomène est favorisé par la carte à débit immédiat, la plus courante en France, avec un peu plus de 50% du marché.

Sur ce type de carte, chaque utilisation donne lieu à un débit, au contraire des cartes à débit différé, où celui-ci se fait en une fois, à la fin du mois. D’où la multiplication potentielle des commissions d’intervention. L’étude montre ainsi que les conditions tarifaires des banques françaises leur permettent de facturer, en moyenne, 44 commissions par mois. Un nombre qui n’est plafonné par aucune réglementation.

Cartes bancaires modulables

Le contexte législatif n’encourage donc pas les banques à remettre en cause un système très rémunérateur pour elles. Elles refusent par exemple les cartes à débit différé aux clients en difficulté, qui pourraient le plus en profiter. Par contre, elles tendent à proposer des cartes dont les plafonds de paiement sont disproportionnés par rapport à l’utilisation réelle des clients.

Entre 1999 et 2009, la diffusion des cartes bancaires nationales a ainsi diminué de 85,9%, au profit des cartes internationales, plus chères (+62,2%). Ces dernières affichent des plafonds plus élevés, dont les consommateurs n’utilisent en moyenne que 17% (pour les paiements) et 12% (pour les retraits). Selon UFC, la grande majorité pourrait donc se contenter de cartes moins performantes, et donc moins chères. L’association plaide ainsi pour la mise en place de cartes bancaires modulables, où le type de débit (différé ou immédiat) et le plafond d’achats pourraient être adaptés aux besoins du client, quelle que soit la gamme de la carte.

Concrètement, l’UFC attend de ce dispositif qu’il relance les cartes à autorisation systématique (celles qui interrogent le solde du compte à chaque paiement), aujourd’hui considérées comme bas de gamme. Par rapport à ses voisins européens, la France possède, pour ce type de carte, un taux d’équipement extrêmement faible : 13,9%, contre 72,1% en Allemagne ou 64,7% en Belgique (chiffres à fin 2006).

« Un système archaïque »

Une raison à cela : les banques françaises n’ont pas adapté leur système de traitement des opérations aux moyens de communication actuels. « Le système français souffre d'un archaïsme sans doute savamment entretenu », a ainsi estimé le président de l'association, Alain Bazot, au cours de la conférence de presse présentant l’étude.

Les banques françaises en sont en effet restées à un système dit « semi-offline », qui ne vérifie le solde du compte débité que pour un paiement sur trois, en moyenne. Ce choix avait été fait dans les années 80, à une époque où les télécommunications étaient lentes et chères, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui grâce à Internet. UFC-Que Choisir plaide donc pour le passage à un système dit « online », déjà généralisé en Belgique, aux Pays-Bas ou au Portugal, où chaque opération donne lieu à une interrogation du solde, ce qui limiterait le risque des dépassements de découvert à répétition.