S’appuyant sur un rapport officiel publié aujourd’hui, Christine Lagarde a formulé plusieurs propositions visant à encadrer la tarification des services bancaires. Parmi les plus attendues, une baisse de 50% des frais d’intervention, qui sera toutefois réservée aux clients acceptant de renoncer au chéquier et à la carte de paiement classique.

Commandé en mars dernier par la ministre de l’Economie, le rapport a été rédigé par Georges Pauget, ancien directeur général du Crédit Agricole, et Emmanuel Constans, président du Comité consultatif du secteur financier (CCSF). Tout au long de ses cinquante pages y sont formulées une trentaine de propositions. Décryptage des principales.

Commissions d’intervention et « pack sécurité »

Les commissions d’intervention, aussi appelées frais de forçage, ce sont ces sommes forfaitaires prélevées par les banques à chaque fois qu’un usager effectue une opération (retrait, virement, prélèvement, chèque) au-delà de son découvert autorisé. Cumulées, elles peuvent dépasser les 1.000 euros mensuels pour les usagers les plus en difficultés. C’est pourquoi les associations de consommateurs en ont fait leur bête noire, réclamant qu’elles soient strictement plafonnées et surtout, que leur coût soit intégré au calcul du taux d’intérêt maximum applicable sur le découvert.

Ces revendications n’ont pas été entendues. Certes, le rapport recommande de diminuer de moitié ces commissions, ou de les limiter à 5 euros maximum l’unité. Mais cette « ristourne » ne s’appliquera qu’aux clients qui accepteront de renoncer dans le même temps à leur chéquier et aux cartes de paiement classiques

Le rapport, en effet, encourage les banques à faire une effort de promotion de ce que Christine Lagarde appelle les « packs sécurité ». Ces forfaits, qui n’offrent pour seul moyen de paiement qu’une carte à autorisation systématique, existent déjà. Ils sont aujourd’hui réservés aux clients les plus fragiles, notamment dans le cadre du dispositif du droit au compte. L’objectif du rapport est clairement de généraliser leur utilisation.

En revanche, pour les clients qui souhaiteront conserver leur chéquier ou leur carte à débit différé, peu de changements à attendre. Le rapport prévoit seulement de demander aux banques de multiplier les modes d’alertes sur leur solde (SMS, mails...) et d’accepter de réviser, de façon plus souple et régulière, les montants d’autorisations de découverts.

Transparence des tarifs

Dans une étude publiée en juin dernier, l’UFC-Que Choisir avait pointé la lourdeur des brochures tarifaires des banques (24 pages en moyenne, pour 305 tarifs détaillés) et l’ambiguïté des libellés de ces tarifs, souvent différents d’une banque à l’autre, ce qui rend quasi-impossible leur comparaison.

Le constat est globalement repris par les rapporteurs, qui préconisent de mettre en place, à très court-terme, une dénomination commune des principaux frais, sur la base du glossaire déjà rédigé par le Comité consultatif du secteur financier (CCSF). La liste des frais concernés par cette standardisation, qui seront a priori les plus utilisés par les usagers, sera fixée au terme d’une concertation entre banques et associations de consommateurs. Elle débutera dès lundi prochain au sein du CCSF, qui se chargera ensuite de suivre leur évolution. A terme, la liste figurera dans un encadré, en tête des brochures tarifaires.

Packages de services

Dès la commande du rapport, en mars, Christine Lagarde avait annoncé la couleur, dans une interview au quotidien Les Echos : « De plus en plus de banques proposent aujourd'hui des systèmes de frais forfaitaires, les « packages », qui comprennent parfois des services que les consommateurs n'utilisent pas et qui peuvent nuire à la transparence. » Quatre mois plus tard, les rapporteurs préconisent de substituer aux forfaits « fermés » des offres à la carte, plus ouvertes et personnalisées. Ils demandent également aux banques de s’assurer que ces forfaits présentent un véritable intérêt tarifaire pour l’usager. Ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui : d’après l’étude déjà citée de l’UFC-Que Choisir, dans onze banques sur les douze étudiées, les packages entraînent actuellement un surcoût moyen de 26% pour le consommateur moyen.

Virements de proximité

Le rapport propose de promouvoir un nouveau moyen de paiement, appelé « virement de proximité ». Il permettrait d’opérer de petits transferts d’argent, soit depuis un guichet automatique, soit via un téléphone mobile. L’objectif : offrir une alternative à l’usage des chèques, dont le traitement coûte cher aux banques. Reste une question : ces virements seront-ils, comme les chèques, gratuits ?

Pas de grande réforme de la tarification bancaire

Les associations de consommateurs ont réagi très diversement à ces annonces. L’Association des usagers de banques (AFUB) s’est dit « très satisfaite » de ces propositions dont « nombres (...) s’inspirent de celles de l’Afub ».

A l’opposé, l’UFC-Que Choisir est très critique sur le texte. Certes, l’association admet que le rapport a la mérite d’« officialiser » certains excès des banques françaises. Mais elle regrette qu’il ne prenne pas en compte certaines de leurs principales revendications : la notification au client avant le prélèvement de frais ; l’intégration des commissions d’intervention dans le calcul du taux d’intérêt appliqué sur les découverts ; enfin et surtout, la mise en œuvre d’une grande « réforme de la tarification bancaire » à l’image de ce que Christine Lagarde a entrepris pour le crédit conso.

Concernant les frais bancaires, la ministre de l’Economie a en effet d’ores et déjà annoncé qu’elle n’avait l’intention de recourir à la loi qu’en ultime recours : « [Aux banques] de se mettre d’accord avec les associations de consommateurs » a-t-elle expliqué dans une interview accordée au quotidien Aujourd’hui en France. « En septembre, je réunirai le CCSF afin de recueillir les engagements qu’elles auront pris. (...) Si cela s’avérait nécessaire, toutefois, des dispositions pourraient être intégrées à la loi de régulation bancaire discutée fin septembre. »