La réforme systémique annoncée mercredi cache une mauvaise nouvelle pour les salariés nés avant 1975, qui a priori devaient échapper aux nouvelles règles de ce futur régime universel.

A entendre le Premier ministre dévoiler l’architecture de la réforme des retraites, mercredi 11 décembre, certains ont dans un premier temps dû pousser un sacré ouf de soulagement. Il a annoncé que le futur régime universel s’appliquerait aux actifs ayant moins de 50 ans fin 2024, c’est-à-dire nés à partir de 1975.

Ceux nés avant pouvaient donc se dire que rien ne changerait pour eux. Sauf que pour certains, cela risque d'être un peu la douche froide. En fait, s’ils ne se verront pas appliquer le nouveau système par points, le gouvernement va quand même les pousser à prendre leur retraite plus tard qu’aujourd’hui. Et ce pour maintenir les finances du système à flot alors que le ratio actifs /retraités ne cesse de baisser et que la durée de vie s’allonge.

Vers un âge d'équilibre à 64 ans

Si l’âge minimal de départ à 62 ans sera maintenu, en revanche, pour avoir une retraite à taux plein, il pourrait falloir travailler progressivement jusqu’à 64 ans. Cet âge d’équilibre, ce sera aux partenaires sociaux de le fixer. « En l’absence de décision de la gouvernance, la loi fixera à compter du 1er janvier 2022 un âge d’équilibre à 62 ans et 4 mois, qui augmentera ensuite de 4 mois par an pour rejoindre progressivement l’âge d’équilibre du futur système, soit 64 ans en 2027 », précise le gouvernement.

Dans les colonnes des Echos, Laurent Berger, le patron de la CFDT, est vent debout contre cette mesure qui va imposer « à tous les salariés à partir de la génération 1960 de travailler plus longtemps…Ce sont ceux qui ont commencé tôt qui seront les plus touchés. De fait, c'est un recul de l'âge de départ à la retraite. »

En effet, si ces derniers veulent partir à 62 ans, il se verront appliquer un malus. « Les partenaires sociaux fixeront l’évolution de l’âge d’équilibre, ainsi que le montant du malus et du bonus ; à défaut, le bonus et le malus seront de 5% par an », précise le gouvernement.

Mais face à la contestation contre ce projet de réforme, le gouvernement maintiendra-t-il ce mécanisme d'âge d’équilibre ? Ce jeudi matin, Gérald Darmanin, le ministre de l’Action et des Comptes publics a indiqué que « si les partenaires sociaux se mettent d’accord sur autre chose pour équilibrer le système des retraites, le gouvernement écoutera les partenaires sociaux ».

De multiples exceptions

En tout état de cause, ce principe comporte plusieurs exceptions. En effet, l’exécutif a promis de maintenir le dispositif « carrières longues » mis en place sous le quinquennat de François Hollande et qui permet à ceux ayant validé cinq trimestres avant 20 ans, quel que soit le statut professionnel (salarié, indépendants, fonctionnaires) de partir deux ans plus tôt. Les départs anticipés des travailleurs handicapés entre 55 et 59 ans seront conservés tout comme la retraite pour incapacité permanente. Celle-ci prévoit un départ à 60 ans sans décote et elle sera même étendue aux fonctionnaires et salariés des régimes spéciaux.

Des aménagements sont garantis aussi pour les fonctionnaires ayant des missions régaliennes, « sous réserve d’avoir effectivement occupé pendant une durée minimale des fonctions opérationnelles les exposant au danger », selon l'exécutif. Ainsi, les droits à un départ anticipé seront ouverts dès 52 ans pour les policiers, les personnels de l’administration pénitentiaire et les ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne et à partir de 57 ans pour les sapeurs-pompiers professionnels, la branche surveillance des douanes et les policiers municipaux. Pour les militaires du rang et les sous-officiers, le droit à un départ à la retraite continuera d’être ouvert après 17 années de services. Pour les officiers, le droit à une retraite immédiate sera maintenu à 27 ans de services, la condition étant d’avoir atteint l’âge de 52 ans.

En résumé, voici comment va s’appliquer la réforme selon votre situation.

Si vous êtes retraité, c’est écrit noir sur blanc dans le dossier de presse diffusé sur le site internet du gouvernement, cette réforme ne vous concerne pas. En 2017, selon les derniers chiffres du ministère de la Santé, 16,2 millions percevaient une pension de droit direct des régimes de retraite.

Si vous êtes né après le 1er janvier 1960, vous ne rentrerez pas dans le régime universel prévu pour commencer à s’appliquer en 2022, mais vous risquez de devoir travailler plus pour partir avec une retraite à taux plein, possiblement 64 ans en 2027.

Si vous êtes né après le 1er janvier 1975, vous allez entrer dans le système universel à partir de 2025. La première partie de votre pension sera calculée selon les anciennes règles, et la seconde selon les nouvelles règles, au titre des années travaillées à partir de 2025.

Vous êtes né après le 1er janvier 2004. Vous entrez directement dans le nouveau système qui s’appliquera dès 2022 pour les jeunes ayant 18 ans.

Quid des régimes spéciaux ?

Oui, ils sont appelés à disparaître, mais un peu plus tard. Pour les fonctionnaires et les agents des régimes spéciaux dont l’âge légal de la retraite est 57 ans, la première génération concernée sera celle de 1980. Pour ceux qui peuvent partir aujourd’hui à 52 ans, comme c’est le cas pour le personnel roulant de la SNCF et de la RATP, la réforme entrera en vigueur pour ceux nés à partir du 1er janvier 1985. « Au total, si l'on prend cette règle transverse, environ 30 à 40% des agents de la SNCF et de la RATP devraient être concernés, et l'ordre de grandeur sera le même pour les industries électriques et gazières », précise l’entourage du Premier ministre interrogé par Les Echos.