Vous avez reçu un « relevé de situation individuelle » de la part de l’Assurance retraite, d’Agirc-Arrco ou de la Sécurité sociale des indépendants ? Ne le jetez surtout pas après l’avoir parcouru d’un œil ! Voici pourquoi.

Quand vous êtes trentenaire ou quarantenaire, la retraite reste un oasis lointain, voire un mirage, de peur que les multiples réformes ne compromettent votre future pension… Tous les sondages et consultations récentes illustrent l’inquiétude que génère la retraite pour les personnes actives. Dans ce contexte, que faire du « relevé de situation individuelle » ? Un document listant l’ensemble de vos activités passées, mais où vous ne découvrez aucune simulation ni aucune explication sur le calcul de votre future pension…

Où et comment trouver votre relevé de carrière ?

Le « relevé de situation individuelle », ou « RIS », est envoyé à l’ensemble des Français ayant cotisé à partir de leur 35 ans, puis tous les 5 ans jusqu’à 50 ans. Il est remplacé par une information plus détaillée à partir de 55 ans.

Rien ne vous oblige toutefois à attendre ces anniversaires : « Ces informations sont disponibles à tout moment sur le site Info-retraite… mais peu de personnes le savent ! » souligne Valérie Batigne, présidente fondatrice du cabinet d’expertise Sapiendo Retraite.

Info-retraite : une connexion facile avec France Connect

Les informations personnalisées disponibles sur info-retraite.fr sont mises à jour chaque année (entre janvier et juin) dès votre première cotisation. Vous pouvez créer votre espace personnel en vous connectant à l’aide de FranceConnect, donc avec vos identifiants Impots.gouv, La Poste ou Ameli… Vous aurez alors uniquement besoin de votre numéro de Sécurité sociale.

Des informations détaillées sont aussi disponibles sur les sites de l’Assurance retraite, d’Agirc-Arrco, etc. Mais seul Info-retraite permet d’avoir une vue d'ensemble sur les régimes de base et complémentaire.

Ce qu’il faut regarder et vérifier sur votre relevé

« On s’intéresse peu à ce document, à tort », regrette Valérie Batigne. « Il faut le garder, et surtout le lire et le comprendre ! Il s’agit du résumé de votre carrière professionnelle, tous régimes confondus, y compris pour un agriculteur, un commerçant… Un feuillet est consacré à chaque régime : l’un pour le régime de base des salariés, un autre pour la retraite complémentaire, etc. » Plus concrètement, si vous avez été salarié du privé pendant toute votre carrière, un feuillet est consacré à l’Assurance retraite (la Cnav), le régime de base. Un deuxième feuillet décompte vos points Agirc-Arrco, les régimes Agirc (pour les cadres) et Arrco (l’ensemble des salariés du privé) ayant fusionné en 2019. Une dernière feuille, avec l’entête « Info retraite », vous offre une synthèse de l’ensemble de vos droits : la retraite de base, exprimée en trimestres, et la complémentaire, en points.

Valérie Batigne, de Sapiendo Retraite, livre un premier conseil : « Vérifiez que toutes vos expériences professionnelles figurent bien sur ce document. En théorie, tout y est, mais on nous rapporte régulièrement des oublis. Vérifiez par exemple qu’il y ait bien 4 trimestres chaque année… S’il en manque, autant s’en occuper dès à présent en envoyant des justificatifs à l’Assurance retraite. Ou en effectuant si besoin des démarches auprès d’un ancien employeur. »

Ce document permet aussi d’identifier un manque provenant d’un régime complémentaire particulier. Un exemple, détaillé par Agirc-Arrco : « Si avant de rentrer dans la vie active, vous avez fait des petits boulots, ces petits boulots vous ont peut-être permis d'obtenir des droits dans d’autres régimes, par exemple au régime agricole des salariés (MSA) si vous avez fait quelques travaux agricoles saisonniers, ou des points Ircantec si vous avez donné des cours ou si vous avez été pion dans un collège ou un lycée. » Sauf erreur administrative, ces expériences et les points et trimestres correspondant doivent figurer dans votre relevé de carrière.

Régimes général et complémentaire : quelle différence ?

La complémentaire n'a rien à voir avec l’épargne retraite (PER, Perp, Madelin…), qui répond à une logique de capitalisation personnelle ! La retraite par répartition se découpe en deux familles : le régime de base (Assurance retraite, MSA, Sécurité sociale des indépendants) et le régime complémentaire (Agirc, Arrco, Ircantec, Cipav, ex-RSI…). Le mode de calcul dans ces deux régimes sont différents.

Pour la retraite de base, le nombre de trimestres validés (4 maximum par an) permet de déterminer un taux, lequel sera appliqué au salaire annuel moyen de vos 25 meilleures années. Quelques éléments complémentaires, tels que le nombre d’enfants, peuvent ensuite majorer ce montant de base.

Pour la retraite complémentaire, au régime Agirc-Arrco dans le cas des salariés du privé, chaque expérience vous permet d’accumuler des points, lesquels ont une valeur directement convertible en euros : « En théorie, il suffit de multiplier le nombre de points par la valeur du point », explique Valérie Batigne. « Ainsi pour un point Agirc-Arrco à 1,271 [valeur en novembre 2019, NDLR], si vous avez 1 000 points, vous avez droit à une retraite de 1 271 euros par an pour le régime complémentaire. Le point, c’est une rente annuelle et viagère, en euros brut avant charges et impôts ! Mais il faut être conscient que la valeur du point peut varier. »

Comment traduire votre relevé en droits à la retraite ?

« Il manque effectivement sur le relevé de situation individuelle une traduction en euros », concède la fondatrice de Sapiendo Retraite. La solution ? Utiliser un simulateur en ligne. Soit celui proposé par Info-retraite, soit l’un des nombreux simulateurs d’acteurs indépendants, qui proposent le plus souvent une optimisation de la retraite suite à cette démarche.

Le simulateur Info-retraite réclame quelques informations complémentaires : situation familiale, activité actuelle, niveau de salaire… Il vous soumet ensuite une estimation de l’évolution de vos revenus, avec divers scénarios (revenus stables au fil des ans, augmentation progressive, etc.). Vous obtenez alors un montant de retraite mensuel plus ou moins important selon l’âge de départ sélectionné, entre 62 et 67 ans, l’actuelle échéance pour le taux plein automatique. Vous découvrez finalement une estimation de pension brute, convertible en net, et le pourcentage versé d’une part par les régimes de base, et d’autre part par les complémentaires.

Cette simulation vous permet aussi de connaître le nombre de trimestres de cotisation nécessaires pour obtenir la retraite à taux plein. Sur ce point, votre relevé de carrière permet d’identifier les années où vous avez insuffisamment cotisé pour que 4 trimestres soient validés. Une information importante puisque ces années incomplètes ouvrent la porte à un rachat de trimestres, avant votre départ à la retraite, afin d’optimiser votre pension.

Un entretien gratuit à 45 ans, une estimation indicative à 55 ans

A 55, 60 et 65 ans, vous ne recevez plus un simple relevé de situation mais une « estimation indicative globale », qui récapitule les droits acquis via l’ensemble des régimes et qui comporte une estimation de votre pension.

Par ailleurs, dès 45 ans, vous pouvez solliciter un « entretien d’information retraite » gratuit auprès de votre caisse de rattachement, afin de faire un point personnalisé.

La réforme des retraites va-t-elle rendre ce relevé caduc ?

La réforme des retraites actuellement menée par le gouvernement et pilotée par Jean-Paul Delevoye va-t-elle remettre en cause l’ensemble du système actuel ? Impossible de le savoir, puisque Matignon répète lui-même à l’envi que « rien n’est tranché » ! La principale volonté du gouvernement ne fait toutefois pas mystère : créer un système universel pour remplacer les multiples régimes actuellement en vigueur.

Dès lors, le relevé de carrière peut-il être jeté aux oubliettes ? Surtout pas, coupe Valérie Batigne : « Il y aura nécessairement une photographie des droits à la veille de la réforme. Et ces droits seront alors convertis en euros, avant d’être convertis en points dans le nouveau système. Donc autant être vigilant avant la réforme ! Même s’il devrait être toujours possible de signaler un oubli une fois la réforme des retraites en vigueur. » Et afin d’éviter un départ en retraite chaotique, à la recherche de justificatifs perdus à l’image de Gérard Depardieu dans le film Mammuth, elle livre un dernier conseil : « Gardez tous vos justificatifs de revenus : dans l’idéal il ne faut rien jeter et numériser l’ensemble. »