La retraite c’est plus de temps libre... mais aussi des revenus plus ou moins fortement revus à la baisse. Faut-il chambouler son épargne pour conserver son train de vie ?

1 – Quand faut-il faire le point ?

Par définition, l’épargne retraite ne se constitue pas au tout dernier moment ! Dans l’idéal, elle se prépare même sur le très long terme, comme le rappelle Frédérique Sisco, responsable marketing épargne de LCL : « Nous avons des points avec nos clients sur l’épargne retraite tous les 5 ans : à 40 ans, 45 ans, 50 ans… En théorie, ils sont donc déjà sensibilisés. » Dans les faits, les clients de la banque s’avèrent tout de même friands de conseils à l’approche de la retraite, souvent « 2 ou 3 ans avant l’âge de départ ».

Le fait d’avoir préparé sa retraite, en mettant régulièrement de l’argent de côté, n’empêche d’ailleurs pas d’avoir de nouveaux projets, qui ont des implications financières : « On voit souvent des clients néo-retraités qui veulent déménager pour se rapprocher d’un logement familial, de leur région d’origine, ou plus simplement pour trouver un logement plus petit », afin de limiter les charges.

2 – Avez-vous besoin de revenus complémentaires ?

En moyenne, le niveau des pensions de retraite équivaut à un peu plus de 70% du salaire lors des dernières années d’activités selon les statistiques du Conseil d’orientation des retraites. Cependant, cette moyenne cache d’importantes disparités. Ce « taux de remplacement » varie en fonction de l’âge de départ à la retraite et du niveau de revenus. Ainsi ce taux est légèrement supérieur à 50% pour les anciens cadres ! Première préoccupation : faut-il piocher dans son épargne pour bien vivre à la retraite ?

« Commencer par quantifier le train de vie »

Yves Gambart de Lignières, conseiller en gestion de patrimoine indépendant (CGPI), a une clientèle plutôt aisée, pour laquelle il est indispensable de faire le point sur le niveau de revenus. Une problématique d’autant plus forte pour les travailleurs non salariés : « Pour beaucoup de libéraux et indépendants, la problématique est la suivante : je touche un gros capital, avec la vente d’un fonds de commerce par exemple, mais mes revenus vont baisser, que faire ? » Yves Gambart de Lignières conseille donc de « commencer par quantifier le train de vie » : « On peut soit se baser sur les dépenses, avec un calcul classique de ''reste à vivre'', soit soustraire des revenus perçus avant la retraite, le montant épargné chaque mois. »

Après avoir déterminé le train de vie habituel, Yves Gambart de Lignières invite les jeunes retraités à « sécuriser une partie du capital pour compléter les revenus en fonction de ce train de vie ». Voire à réfléchir à réduire leur train de vie, si nécessaire. Après avoir fait ce point sur le besoin de revenus complémentaires, « c’est carte blanche pour le montant restant, en fonction des envies et projets ».

3 – Faut-il privilégier les rentes ou les retraits programmés ?

A l’heure du bilan, il s’agit aussi de savoir comment il est possible de retirer l’argent de vos différents produits d’épargne retraite. Certains permettent la sortie en capital, partielle ou totale. D’autres ne laissent pas d’autre choix que de sortir en rente viagère. Pour rappel, la rente se traduit par l’abandon du capital épargné au profit de l’assureur, et ce dernier vous garantit en contrepartie le versement d’une rente jusqu’à la fin de votre vie. Le montant de cette rente est calculé en fonction de votre espérance de vie. Il existe toutefois différentes options : la rente réversible, qui permet de faire bénéficier votre conjoint survivant de cette rente en cas de décès, ou encore la rente « certaine » (à « annuités garanties ») dont le versement est garanti pour vous (ou vos bénéficiaires désignés) pendant une durée donnée.

L’assurance vie offre une liberté de choix totale pour la sortie. Même constat pour les vieux Plans d’épargne populaire (PEP). Pas de restriction particulière à la retraite, non plus, pour l’ensemble de la gamme de produits bancaires : livrets, PEL, PEA… Le plan d’épargne salariale Perco peut lui soit être débloqué en une fois, en capital, soit être transformé en rente. En revanche, le Plan d’épargne retraite populaire (Perp) ne permet – sauf exceptions – que de retirer 20% de son capital, le reste étant versé sous forme de rente. Le contrat retraite Madelin, dédié aux indépendants, ne permet lui qu’une sortie en rente.

L’exemple d’une femme de 64 ans qui part à la retraite

Née en 1955, cette jeune retraitée dispose d’un pécule de 100 000 euros qu’elle souhaite dédier aux revenus complémentaires pour ses vieux jours.

Rente viagère. Si elle choisit la sortie totale en rente classique, elle va profiter d’une rente annuelle brute de 4 085 euros (340 euros par mois) en 2020, laquelle progressera petit à petit pour s’approcher des 4 300 euros au bout de 10 ans, et des 4 400 euros bruts au bout de 15 ans. Et ce jusqu’à la fin de sa vie.

Rachats programmés. Avec des rachats programmés de 340 euros par mois pendant 15 ans, cette jeune retraitée dispose de 4 080 euros de capital chaque année. Mais dans ce cas, au bout de 15 ans, il lui reste encore plus de 57 000 euros ! En cas de décès à l’approche de ses 80 ans, par exemple, cette somme revient donc aux bénéficiaires désignés.

Voir aussi les calculatrices de rachats d’assurance vie et de rentes viagères

Reste une différence de taille entre rente et sortie en capital : la fiscalité ! Dans le cas de l’exemple ci-dessus, et dans l’éventualité d’une sortie provenant d’un contrat d’assurance vie, les rachats programmés permettent de bénéficier de l’abattement annuel de 4 600 euros sur les gains. Autrement dit : pas d’impôt sur le revenu. En revanche, la sortie en rente viagère est imposée en fonction de l’âge du contribuable : en cas de premier versement à 64 ans, 40% du montant de la rente est soumise à l’impôt sur le revenu.

Verdict du conseiller en gestion de patrimoine ? « Personnellement, je suis peu favorable aux revenus subis à la retraite, c’est-à-dire les rentes viagères, les loyers… », confie Yves Gambart de Lignières. « J’ai donc tendance à conseiller de transformer au maximum l’épargne en capital : ce qui signifie effectuer un transfert d’un contrat Madelin vers un Perp, choisir de préférence le versement en capital pour l’épargne salariale (Perco), etc. Le seul avantage de la rente, c’est qu’elle rassure : donc dans le cas d’un client faiblement imposé, sans conjoint et sans enfant, oui la rente peut présenter l’intérêt de la simplicité. » Concernant le placement à privilégier, ce CGPI conseille plutôt l’assurance vie, avantageuse d’un point de vue fiscal et successoral, et disposant souvent d’une plus large palette de supports financiers.

4 – Faut-il passer au 100% sécurisé ?

Sitôt arrivée l’âge de la retraite, faut-il oublier les Plans d’épargne en actions (PEA) et les unités de compte de l’assurance vie ? « Pourquoi, à 65 ans, faudrait-il cesser tout investissement en actions ou fonds d’investissement, alors que vous avez détenu des actions pendant de nombreuses années ? » réagit Yves Gambart de Lignières. « L’horizon de placement n’est pas chamboulé à 65 ans, sauf si vous avez en projet d’acheter un bien de valeur. »

« Peut-être se limiter à 30% de produits risqués »

Frédérique Sisco, de LCL, estime elle aussi que les épargnants enclins à prendre des risques peuvent continuer à la retraite. Même si son discours s'avère plus mesuré : « Oui, on conseille de sécuriser son épargne au moment du départ à la retraite, mais sans revoir toute son allocation ! Il ne faut pas nécessairement gommer toute prise de risque. Tout dépend des revenus à la retraite : avec une pension de 1 000 euros, bien évidemment, mieux vaut sécuriser son épargne et la conserver sur les produits où elle est disponible. Avec 4 000 euros de revenus mensuels à la retraite, en revanche, rien n’empêche de conserver une part de risque ! Peut-être en se limitant à 30% de produits risqués, afin de sécuriser un minimum de fonds. » Par ailleurs, « si la retraite n’a pas été préparée, et donc en l’absence d’une épargne significative, on ne peut pas faire de miracle ! Dans ce cas, il faut conserver le petit pécule en épargne de précaution. » Sur des placements sécurités, donc, de type livrets, fonds en euros de l’assurance vie…

5 – Faut-il conserver toute votre épargne ?

A l’âge de la retraite, certains vont vouloir privilégier leurs enfants, et d’ores et déjà effectuer des donations. Yves Gambart de Lignières incite toutefois ses clients à anticiper leurs vieux jours et la question de la perte d'autonomie : « Il ne faut pas tout donner aux enfants, tout de suite : il faut aussi se poser la question du décès éventuel de l’un des membres du couple, et savoir quels seraient alors les revenus et le patrimoine du conjoint survivant. Il faut aussi anticiper le coût de la dépendance. » Une fois ce calcul effectué, la donation est envisageable.

Le point sur les biens immobiliers

Si vous possédez des biens immobiliers locatifs, le départ à la retraite change nullement la donne. Cela permet de toucher des loyers, donc de générer un complément de revenus, éventuellement de profiter d’avantages fiscaux… Yves Gambart de Lignières pose toutefois la question des contraintes de l’immobilier locatif : « Il faut se demander si l’on a envie de gérer durablement les impayés, les travaux, les problèmes de locataires… C’est une question personnelle. » Qui ne se pose pas forcément si l’administration des biens est déléguée à un gestionnaire locatif. « Moi je préfère les SCPI : plus souples, mieux diversifiées et moins contraignantes. »

En revanche, ce conseiller patrimonial voit la résidence principale comme un sujet « central » : « Si vous n’êtes pas propriétaire de votre résidence principale, vous pouvez subir une éventuelle inflation des loyers, alors que la pension risque elle de progresser moins rapidement. »