Conséquence collatérale de la réforme du prélèvement à la source : sauf exception, verser sur un Perp n’offrira aucun avantage fiscal en 2018 ! Mais il ne faut pas pour autant stopper ses cotisations subitement. Explications.

Habituellement, à l’automne, les courtiers web et conseillers en gestion de patrimoine rappellent l’intérêt du Plan d’épargne retraite populaire (Perp) à leurs clients. Car ce produit d’épargne retraite permet de déduire ses versements de son revenu imposable. Et le montant maximum déductible figure chaque année sur l’avis d’imposition reçu à la fin de l'été. Lancé au milieu des années 2000 et peinant un temps à séduire les épargnants, le Perp a ainsi connue une « deuxième jeunesse » dans les années 2010, en étant identifié comme un produit défiscalisant. Il a ainsi trouvé un rôle similaire au contrat retraite Madelin, dédié lui aux travailleurs non salariés alors que le Perp est ouvert à tous.

Pas d’impôt sur les revenus de 2018 = pas de déduction

Mais l’année 2018 ne sera pas celle du Perp ! En cause, le passage au prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu : l’impôt payé en 2018 porte sur les revenus 2017, et l’impôt à la source prélevé en 2019 portera sur les revenus 2019. Les revenus 2018 ? Ils feront l’objet d’une déclaration mais le fisc a mis en place un mécanisme - le CIMR – pour effacer l’impôt portant sur tous les revenus récurrents. D'où l'idée d'« année blanche ». Un dispositif qui ne menace en rien les crédits et réductions d’impôt mais qui rend les déductions – comme celles liées aux Perp et contrats Madelin – inutiles, fiscalement parlant.

Un cas particulier toutefois : si vous avez perçu des revenus exceptionnels (intéressement ou participation non placée en épargne salariale, indemnités supra-légales de licenciement, indemnités de clientèle, etc.), vous payerez un impôt sur ces revenus exceptionnels de 2018, et les cotisations Perp ou Madelin pourront donc être déduites de ce revenu imposable.

Le gouvernement a de longue date été alerté sur le risque de chute des versements épargne-retraite en cette « année blanche ». Pour éviter cela, l’Assemblée a adopté l’an passé une mesure anti-optimisation.

Le fonctionnement du mécanisme anti-optimisation

Ce dispositif se déclenche si, en 2018, vous versez moins d'argent sur vos plans d’épargne-retraite qu’en 2017 et qu’en 2019. Dans ce cas, le montant retenu pour la déduction du revenu imposable 2019 sera égal à la moyenne des cotisations 2018 et 2019.

Lire aussi : Perp et impôt à la source : une mesure anti-optimisation

Poursuivre ses versements ou attendre 2020 ?

Bref, si vous possédez déjà un Perp et que vous avez pris l’habitude d’effectuer des versements chaque année, deux possibilités, toujours fiscalement parlant : soit poursuivre vos versements au rythme habituel pour profiter de la déduction en 2019, soit stopper vos cotisations en 2018 et 2019 pour les reprendre en 2020, une fois cette phase de transition passée.

En cas de revenus exceptionnels en 2018, « nous conseillons de cotiser »

« A la fameuse question ''Faut-il alimenter son Perp en 2018 ?'', il faut une réponse personnalisée… », nuance Bernard Le Bras, président du directoire de l’assureur Suravenir. « Cela dépend des versements réalisés en 2017, de la capacité d’épargne du ménage, etc. » Seule la présence de revenus exceptionnels en 2018 permet un conseil sans ambiguïté : « il est possible de déduire ses versements : donc nous conseillons de cotiser ».

François Leneveu, président du directoire du courtier en ligne Altaprofits, s'arme aussi de prudence : « Ceux qui utilisent le Perp avant tout pour l’avantage fiscal seront pénalisés par l’année blanche. Est-ce que cela vaut le coup de continuer à verser ou faut-il faire l’impasse sur les versements 2018 et 2019 ? A chacun d’en décider mais ce mécanisme aura clairement un impact négatif sur la collecte des Perp en 2018 et en 2019. » Stéphane Carlucci, directeur de l’ingénierie patrimoniale du courtier Linxea conseille lui à chacun de faire son « calcul d’opportunité ».

Pas qu’un produit de défiscalisation

Une prudence logique de la part de deux courtiers et d’un assureur qui peuvent redouter une mauvaise année 2018 sur l’épargne retraite, commercialement parlant. En l'absence de carotte fiscale, tous mettent en avant l’autre objectif de ce produit « tunnel », bloqué jusqu’au départ en retraite : « Si votre conviction fondamentale est qu’il faut vous constituer un complément de retraite, alors le point fiscal est moins important : il faut continuer à verser dans tous les cas », argumente François Leneveu.

« Un double objectif : défiscaliser mais aussi préparer la retraite »

Suravenir gère les contrats du réseau bancaire Crédit Mutuel Arkéa, mais aussi ceux de conseillers en gestion de patrimoine et de courtiers web. Quel est le principal objectif de leurs clients : défiscaliser ou préparer la retraite ? « C’est difficile à apprécier », répond Bernard Le Bras, président du directoire de l'assureur. « J’ai l’habitude de dire que le Perp a trouvé son marché depuis quelques années, orienté sur les hauts revenus, alors qu’il a par le passé été vendu à tort à des foyers non imposables. Ce public à hauts revenus a tout de même un double objectif, pas uniquement fiscal : défiscaliser, donc, mais aussi préparer leur retraite car le taux de remplacement est moins élevé. »

Quand faut-il ouvrir un Perp ?

Pour les détenteurs de Perp, il est donc conseillé d’arbitrer entre « ne rien changer » et « faire l’impasse en 2018-2019 » selon la présence de revenus exceptionnels, la stratégie de préparation à la retraite, et en prévision des besoins de défiscaliser – ou non – en 2019 avec le Perp.

Le mécanisme anti-optimisation ne touche en revanche pas les contribuables ouvrant un plan d’épargne retraite en 2018. Cependant, sauf revenus exceptionnels, les versements 2018 ne permettront pas de profiter d’une déduction. S’il s’agit d’ouvrir un Perp dans une optique fiscale, il est donc conseillé de verser peu en 2018 pour favoriser les cotisations en 2019, ou tout simplement de reporter l’ouverture à 2019.

Recul attendu de la collecte du Perp en 2018

Tous les acteurs de ce marché de niche s’attendent évidemment à une année creuse. « Cette année, nous allons uniquement faire campagne sur le transfert de Perp [d’un assureur à un autre, NDLR] », reconnaît François Lenevenu, d’Altaprofits. « A date, la collecte Perp est en hausse de 5% par rapport à 2017 », annonce toutefois Bernard Le Bras, de Suravenir. « Mais ce n’est pas encore significatif étant donné l’importante saisonnalité des flux sur les produits d’épargne-retraite bénéficiant de la déduction fiscale. L’an passé, avec les incertitudes sur la mise en place du prélèvement à la source, la majeure partie de la collecte a été réalisée en novembre-décembre, voire même lors des 3-4 dernières semaines de l’année. » Sauf surprise lors des discussions parlementaires, les performances de la fin d'année 2017 ne seront pas rééditées en 2018.

Contrat retraite Madelin : éviter les optimisations à risque

S’il envisage l’impasse 2018-2019 pour les cotisations Perp, le cofondateur d’Altaprofits François Leneveu déconseille aux indépendants d'optimiser leurs versements : « Pour le Madelin, bien au contraire, nous encourageons nos clients à verser au moins ce qu’ils ont versé l’an passé ! Dans le cas d’une baisse soudaine de cotisations, le client court le risque d’une requalification en revenus exceptionnels d’une partie de ses revenus de l’année 2018. Dans le cas des travailleurs indépendants, il ne faut donc pas déstabiliser le système et poursuivre ses cotisations au même rythme. Heureusement, la gestion du contrat retraite Madelin est souvent déléguée à l’expert-comptable. »

Plus d’infos sur le Perp et sur le contrat Madelin