Depuis décembre dernier, les particuliers qui se sont jadis laissés séduire par le Perp, sans qu'il ne corresponde à leur situation, peuvent le fermer. Mais les conditions sont restrictives et certaines banques ont un peu traîné des pieds pour mettre en place cette mesure.

Invalidité, expiration des droits au chômage, décès du conjoint, surendettement… Les cas de déblocage anticipé du Plan d’épargne retraite populaire (Perp) ont toujours été restreints, correspondant uniquement à des cas d’extrême nécessité. La loi Sapin 2 a toutefois ajouté un cas de déblocage supplémentaire, sans attendre la retraite : les contribuables modestes peuvent récupérer l’argent déposé sur un « petit » Perp inactif.

Les conditions de déblocage d’un « petit Perp »

  • Valeur du contrat inférieure à 2 000 euros au moment de la demande de déblocage.
  • Pas de versement depuis 4 ans.
  • Le revenu fiscal de référence (RFR) de l’année précédant de rachat doit permettre au contribuable de bénéficier de l’exonération ou du plafonnement de la taxe d’habitation. Pour un rachat en 2017, le RFR ne doit donc pas dépasser 25 180 euros, pour un célibataire.

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Un retard à l’allumage dans certains établissements

L’objectif de cette mesure était exposé dans le dossier de presse de la loi Sapin 2 : « De nombreux Perp ont été souscrits par des personnes qui n’auraient pas dû souscrire un Perp, au regard de leur situation personnelle et de la composition de leur patrimoine et de leurs revenus. (…) Les épargnants pourront débloquer sous certaines conditions leurs Perp peu abondés, ce qui rendra un supplément de pouvoir d’achat aux personnes en difficulté financière. »

« Délais administratifs », banquier « pas au courant »...

Cette mesure est en vigueur depuis le 10 décembre 2016. Pourtant, à la lecture des témoignages sur le forum cBanque ou en commentaire de l’article annonçant ce nouveau cas de déblocage, récupérer son argent végétant sur un « petit Perp » ne serait pas chose aisée : rachat ralenti pour des « délais administratifs », banquier « pas au courant » de la mesure, nécessité d’imprimer le texte de loi pour se faire entendre, etc. Et un argument revient à plusieurs reprises, dans les témoignages exprimés en décembre et janvier dernier : la banque (ou l’assureur) affirme attendre un décret d’application.

Une mesure applicable, sans attendre de décret

Pourtant, l’article 116 de la loi Sapin 2, qui crée ce nouveau cas de déblocage, ne renvoie aucunement à un décret. L’assureur Aviva confirme d’ailleurs n’attendre aucun décret, non sans avoir mené une réflexion à ce propos : « Nous nous étions donc interrogés sur la pièce que l’adhérent pouvait produire en l’absence d’avis d’imposition définitif fourni par l’administration fiscale en septembre. Nous pensions alors qu’un décret pourrait le préciser. » Mais « l’administration fiscale » a précisé à l’assureur « que la vérification du revenu fiscal de référence de l’année N-1 par rapport au rachat se ferait par la fourniture de l’avis d’imposition définitif fourni par l’administration en septembre, ou par un ASDIR (avis de situation déclarative à l’impôt sur le revenu) disponible dès la déclaration de revenus en ligne ». Conclusion : « Aucun décret n’est donc nécessaire. »

Tous les autres établissements ayant répondu à notre sollicitation (Allianz, Crédit Agricole, BNP Paribas Cardif, Assurances du Crédit Mutuel et AG2R la Mondiale) affirment également accepter ce nouveau cas de déblocage, lorsque les critères sont respectés et sans attendre un texte réglementaire.

De « nombreuses demandes » de déblocage

Les refus de décembre ou janvier, au motif de l’attente d’un décret, seraient plutôt dus à un défaut d’information dans les réseaux bancaires et assurantiels. Une méconnaissance qui perdure, parfois : Mme D., cliente de BNP Paribas Cardif, affirme ainsi s’être vu refuser le déblocage d’un « petit Perp » au motif de l’attente d’un décret, par la voix d’un téléopérateur le 17 avril dernier. « Une incompréhension », répond la communication de BNP Paribas Cardif.

« Une demande par jour » au Crédit Mutuel

De très nombreux contribuables semblent avoir sauté sur l’occasion permise par la loi Sapin 2. « Nous avons reçu et recevons encore de nombreuses demandes », avance le Crédit Agricole, qui affirme s'être adapté à cette nouvelle mesure sans grande complexité. Même affluence du côté des Assurances du Crédit Mutuel (ACM) : « Nous recevons à peu près une demande par jour. Dès lors que les critères sont respectés et l’avis d’imposition joint (ce qui est le cas pour quasiment toutes les demandes), nous débloquons les capitaux. » Allianz cite de son côté « environ cinq » demandes par jour. Aviva ou AG2R, en revanche, ont été très peu sollicités.

Des particuliers ne respectant pas toutes les conditions

Si les banques affirment être si coopératives, comment expliquer les témoignages d’épargnants déçus ? Par la découverte tardive des critères très restrictifs prévus dans la loi Sapin 2. Mme G., cliente du Crédit Agricole, a dans un premier temps fait face à la méconnaissance d’un chargé de clientèle, en janvier, avant se voir refuser le déblocage fin mars : « Je suis bien non imposable, le solde de mon Perp est inférieur au plafond demandé, mais je ne remplis pas la dernière condition ». Mme G. n'a stoppé ses versements qu'en décembre 2013. En l’occurrence, la banque ne peut que respecter la loi en invitant cette cliente à rééditer sa demande « en décembre 2017 ». Même déception de la part de lecteurs ayant versé moins de 2 000 euros mais ayant dépassé ce seuil « à cause de la valorisation ». Or la loi dispose bien que la « valeur du contrat » doit être inférieure à cette somme.

Bilan : après un temps d’adaptation, la mesure semble être bien appliquée, mais la triple condition pour débloquer ces « petits Perp » reste trop restrictive pour certains épargnants qui ont souscrit un plan aveuglément lors des années 2000.

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