Rassembler les Perp, contrats Madelin ou autres « article 83 » dans un seul et même produit de retraite complémentaire ? Tel est le projet de la fédération des assureurs, qui compte ainsi peser sur le projet de loi Pacte et sur la réforme des retraites.

Cette fois, le chantier de l’épargne retraite est sur la table. Le gouvernement a lui-même ouvert la brèche dans le cadre de sa consultation publique en vue du projet de loi Pacte (1). Parmi les propositions de Bercy : « Développer et simplifier les produits d’épargne-retraite, pour les faire converger autour de caractéristiques communes. » Dans les rapports préliminaires, cet objectif se traduit même par la création d’un nouveau produit, le Compte Avenir, remplaçant les produits existants.

« Les modalités sont en plein débat »

A l’occasion de sa conférence annuelle, la Fédération française de l’assurance (FFA) a dévoilé « son » projet de produit unique d’« assurance retraite ». Déçus par la tournure des négociations sur la flat tax, le gouvernement ayant rapidement rejeté les propositions alternatives de la FFA sur la réforme de la fiscalité de l’épargne, les assureurs prennent les devants sur le dossier épargne retraite. Avec un objectif : promouvoir l’épargne longue et la sortie en rente viagère plutôt qu’en capital.

« L’assurance-vie est un instrument de retraite, mais pas un instrument dédié à la retraite », a rappelé le président de la FFA Bernard Spitz en préambule, afin de souligner la faiblesse du marché des « purs » produits d’épargne retraite et des régimes de retraite complémentaire en France. « Nous sommes entièrement dépendant de la répartition », a-t-il regretté.

Revavie VS Compte Avenir

La solution de la FFA : Revavie, « nom de code » du produit unique proposé par la fédération. Cette « assurance retraite » serait ainsi accessible à tous (salariés, indépendants, fonctionnaires, « sous forme individuelle ou collective », etc.), serait bloquée en phase d’épargne jusqu’à la retraite, et assurerait ensuite un « complément de revenu garanti » en rente viagère. Revavie, dont le nom pourrait évidemment changer, viendrait remplacer les actuels Perp, contrats retraite Madelin et autres plans d’épargne retraite entreprises (dits PERE ou « article 83 »). Sur ce point, Bernard Spitz s’est toutefois voulu prudent : « Les modalités sont en plein débat », a-t-il répondu à une question sur l’identité des produits ayant vocation à disparaître. En revanche, il s’est voulu catégorique sur le Perco : ce plan d’épargne salarial aujourd’hui bloqué jusqu’à la retraite « ne serait pas inclus dans cette réforme ». Selon Bernard Spitz, « le Perco n’est pas un produit de retraite » mais uniquement un produit d’épargne salariale.

Voici donc une première divergence avec le projet gouvernemental. Le rapport Barrot-Zagury esquissait en effet d’une part un Compte Avenir individuel intégrant Perp, Préfon et contrat Madelin, d’autre part un Compte Avenir collectif intégrant PERE et autre Perco. Par ailleurs, ce même rapport n’excluait pas une « sortie partielle en capital » à la retraite, laquelle ne semble pas avoir les faveurs des assureurs.

Un produit transférable, contrairement à l’assurance-vie

Les assureurs donnent en revanche des gages de bonnes intentions en proposant que Revavie soit « transférable » d’un assureur à un autre. A ce jour, le Perp est ainsi transférable d’une campagnie à une autre, au contraire de l’assurance-vie, chaque contrat étant durablement attaché à la compagnie enregistrant la souscription. Par ailleurs, la FFA propose que Revavie soit « portable sans pénalité » en cas de changement d’employeur ou d’évolution d’activité. « Les carrières changent », justifie le président de la FFA. « On est salarié, puis on devient indépendant, puis on redevient salarié. »

Bernard Spitz a en revanche laissé planer un certain flou sur le calendrier de la réforme. Lui imagine son projet Revavie s’inscrire dans la réforme des retraites, actuellement portée par Jean-Paul Delevoye et à l’échéance plutôt lointaine (été 2019). Or Bercy a inclut une refonte de l’épargne retraite dans son Pacte, à l’échéance bien plus proche (projet de loi présenté dès le printemps 2018). Reste un point sur lequel Bernard Spitz s’inscrit dans les pas de Bercy : la volonté de « converger vers un système uniforme ». Car le constat, celui de Français boudant les « purs » produits d'épargne retraite, souvent méconnus ou jugées trop complexes, est lui aussi unanimement partagé. Les négociations sont lancées…

Les chantiers « épargne » de la loi Pacte

Outre l’harmonisation des produits d’épargne retraite, le ministre de l’Economie et des Finances Bruno Le Maire a esquissé plusieurs autres pistes de réforme dans le cadre de son Pacte :

Fonds euros bonifiés. Bercy envisage de créer une nouvelle génération de fonds en euros, avec une garantie en capital partielle, et offrant des perspectives de rendement plus avantageuses en cas de détention longue. La FFA soutient Bercy dans cette démarche, qui devrait se concrétiser via la loi Pacte : Bernard Spitz affirme avoir proposé au gouvernement de « limiter les rendements pendant une période pour les rendre plus importants pendant une période supérieure ». Objectif : inciter à l’épargne longue. Reste à savoir si ces fonds euros bonifiés viendront s’ajouter ou remplacer les actuels fonds euro-croissance.

PEA jeune. Bercy compte permettre aux « enfants » d’ouvrir un Plan d’épargne en actions, via leur représentant légal, avec un montant plafonné et des sommes bloquées jusqu’à la majorité.

Epargne salariale. Emmanuel Macron a lui-même déclaré vouloir « revisiter » l’intéressement et la participation. Parmi les propositions qui ont été soumises à la consultation publique par Bercy : le développement de ces dispositifs dans les TPE et PME, l’idée de rendre les plans d’épargne salariale « portables » d’une entreprise à une autre, l’incitation aux versements sur les PEE et Perco, etc.

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(1) Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises. La consultation publique s’est tenue du 15 janvier au 5 février 2018.