Rembourser un proche instantanément, en deux clics depuis son mobile, plutôt que de lui faire un chèque : l’usage du paiement entre amis reste confidentiel mais se développe, grâce à quelques applications. Quels services proposent-elles ? Et à quel prix ? Le point sur le marché des paiements entre amis.

Rembourser sa part de l’addition du resto ? Contribuer au plein d’essence pour partir en week-end ? Participer à un cadeau commun ? Autant de cas de figure qui, en général, débouchent sur des échanges de chèque ou d’espèces. Et pour cause : ces « vieilles habitudes », pour reprendre l’expression de Cyril Chiche, patron de Lydia, restent aujourd’hui les manières les plus simples de rembourser un proche.

Mais pas forcément les plus pratiques. Depuis le début des années 2010, de jeunes sociétés développent des nouvelles manières d’échanger des petites sommes d’argent, de manière instantanée, depuis une application ou par le simple envoi de SMS, grâce à deux évolutions majeures : l’une réglementaire, avec la directive sur les services de paiement (DSP) de 2007 qui a ouvert le secteur à des acteurs extra-bancaires ; l’autre technologique, avec l’essor et la généralisation des smartphones.

Ces services s’organisent ainsi autour d’une application mobile, sur Android ou iPhone, et d’un compte de paiement connecté à la carte bancaire de votre choix, depuis lequel il est possible d’envoyer de l’argent à un tiers, de manière instantanée s’il est également usager du service. Ces comptes ne permettent pas les découverts, mais peuvent parfois être « ibanisés » - c’est-à-dire disposer d’un IBAN pour les virements et les prélèvements.

Les spécialistes du « paiement social »

Avec un million d’usagers revendiqués, Lydia fait figure de poids lourd sur ce marché encore jeune. Une clientèle qui s’est constituée d’abord sur les campus universitaires. La fintech, ouverte au public depuis 2013, y a toute de suite posé le pied, en permettant aux étudiants non seulement de s’échanger de l’argent mais aussi de régler des achats (à la cafétéria, aux associations, etc.). L’activité de Lydia ne se limite pas au paiement entre amis : l’application permet également de payer dans certains points de ventes partenaires grâce à un QR code affiché sur le mobile. Plus récemment, la fintech a complété l’arsenal avec une carte bancaire, compatible Apple Pay, qui permet de payer dans l’ensemble des points du vente du réseau MasterCard.

Pumpkin - qui revendique 350 000 usagers et en espère un million à la fin de l’année - est elle spécialisée dans le « paiement entre potes ». Elle y ajoute une dimension sociale : l’application est en effet conçue comme une messagerie instantanée, qui permet d’échanger non seulement de l’argent mais aussi du texte et des emojis. La fintech, lancée en septembre 2014, propose également l’ardoise, une cagnotte qui permet de gérer des dépenses de groupe. Mais ce n’est pas tout : rachetée par le Crédit Mutuel Arkéa en juillet 2017, Pumpkin a annoncé son intention d’élargir ses services pour devenir une néobanque à part entière, en proposant des comptes de paiements avec IBAN et carte bancaire. A suivre.

A l’image du Crédit Mutuel Arkéa, BPCE s’est très tôt intéressé au paiement entre particuliers. Toutefois, plutôt que d’acheter un acteur externe, le groupe bancaire a choisi de développer en interne un établissement de paiement, S-Money. Sous son nom, S-Money propose l’échange d’argent entre particuliers, mais se concentre surtout sur la fourniture de services de paiements aux professionnels. La fintech opère aussi sous d’autres marques : Izly, concurrent de Lydia sur les campus, Le Pot Commun pour les cagnottes ou encore Depopass, alternative au chèque de banque pour l’achat de biens entre particuliers.

Comme Pumpkin, Flooz joue la carte du paiement social, en permettant à ses usagers de liker et commenter les paiements effectués, comme sur une page Facebook. Enfin, dernière arrivée sur ce marché en France depuis juin 2017, l’application Circle Pay, lancée à l’origine aux Etats-Unis puis au Royaume-Uni, ajoute une fonctionnalité inédite aux paiements entre amis : la possibilité de les faire en euros, mais aussi en livres sterling et en dollars US, le tout gratuitement.

Nom du serviceLancementNombre d’usagers fin 2017Principales fonctionnalités
S-MoneyJuillet 2012NC
  • Recevoir et demander de l’argent
  • Cagnottes (Le Pot Commun)
  • Paiements en point de vente (Izly)
LydiaJuillet 2013Environ 1 million
  • Recevoir et demander de l'argent
  • Cagnottes
  • Paiements en point de vente
PumpkinSeptembre 2014350 000
  • Recevoir et demander de l’argent
  • Cagnottes
FloozMai 2015NC
  • Recevoir et demander de l’argent
CircleJuin 2017
(en France)
NC
  • ​Recevoir et demander de l’argent en euros, livres sterling et dollars US

Comment font-ils pour être gratuits ?

Tous les acteurs du marché ont un point commun : l’échange d’argent entre particuliers, fonction de base de leurs applications, est gratuit. Comment comptent-ils gagner de l’argent ? Certains font payer des services annexes : la carte bancaire et les virements externes depuis une cagnotte chez Lydia, par exemple. Le modèle économique des autres est plus incertain : il s’agit dans l’immédiat de construire une communauté d’usagers et de conserver leurs données de paiement, en attendant de les monétiser.

Les géants s’y intéressent aussi

Les jeunes pousses du paiement entre amis ont intérêt à se faire rapidement une place, et à proposer des services à valeur ajoutée. Car ce type de service ne va pas rester longtemps l’apanage de quelques spécialistes. Des mastodontes des secteurs technologiques et bancaires s’y intéressent également. C’est bien sûr le cas de PayPal, le géant des paiements électroniques, qui propose des paiements entre particuliers gratuits depuis septembre 2016. Mais aussi de Facebook, qui a intégré une fonction de paiement entre amis dans Messenger, son application de messagerie instantanée. D’autres vont débarquer prochainement. Apple, par exemple, qui a lancé aux Etats-Unis Apple Pay Cash, un service d’échange d’argent instantané embarqué dans sa messagerie iMessage. Pas de date de lancement en France pour l’instant.

Et du côté des banques ? Certaines enseignes (BNP Paribas, Orange bank notamment) permettent déjà d’initier des virements SEPA par simple envoi d’un SMS. Mais ils ne se font pas (encore) en temps réel. Des néobanques (Revolut, N26, Orange Bank, etc.) proposent aussi des micro-paiements instantanés, mais uniquement entre leurs clients.

Ce type de service devrait prochainement se généraliser avec le lancement, prévu pour l’été prochain, de Paylib entre amis. Une solution développée par le groupement des cartes bancaires CB, réseau d’acceptation domestique français, qui va autoriser, d’ici la fin de l’année, les virements SEPA, donc de compte bancaire à compte bancaire, initiés par simple envoi de SMS et instantanés. Une petite révolution potentielle : l’essentiel des banques françaises est en effet partie prenante de Paylib, qui pourrait donc toucher rapidement un large public.

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