Emprunter au Crédit Foncier, ce n'est plus possible ! La cessation d'activité de la banque spécialisée est effective depuis plusieurs mois. Que sont devenus les emprunteurs du Crédit Foncier ? Ceux qui avaient déjà signé un crédit, et ceux qui auraient pu…

La disparition du Crédit Foncier ? Annoncée par les syndicats de l’établissement de crédit voici très exactement un an, elle est désormais effective. La structure existe encore puisque le groupe BPCE maintient notamment l’activité de la « société de conseil » Crédit Foncier Immobilier. Mais l’enseigne a disparu : le Crédit Foncier n’octroie plus de prêts depuis février. En juin 2018, BPCE promettait d’une part la « gestion de l’encours des crédits existants jusqu’à leur extinction », et d’autre part l’intégration de l’activité et du savoir-faire du Crédit Foncier sur le financement des particuliers « au sein des Banques Populaires et des Caisses d’Epargne ». Les promesses sont-elles tenues ? Aucun acteur n’accepte de s’exprimer à visage découvert mais la déception domine.

Ceux qui ont déjà emprunté : des perturbations (presque) résolues

« Les fonds n’ont pas été débloqués à temps pour la signature chez le notaire » ; « J’essaie de vous contacter sans succès depuis début avril » ; « Agence de ma ville qui ferme et même pas un message » ; « Impossible d’arriver à joindre un conseiller par téléphone ou par mail » ; « Plus aucun appel de fonds honoré ». Voici, pêle-mêle, des messages d’emprunteurs au Crédit Foncier sur Twitter, sur le forum UFC-Que Choisir ou encore en commentaire sur cBanque, au cours du 2e trimestre 2019… Sur les forums et sur Twitter, c’est systématiquement « Marie Dubois, du CFF », pour le Crédit Foncier de France, qui répond et demande les coordonnées du plaignant pour accélérer son dossier. En y joignant parfois un message tel que : « Toutes nos excuses pour notre délai de traitement anormalement long. » Contactée, l’une des clientes, en phase de construction d’une maison individuelle, a expliqué avoir rencontré des difficultés à joindre le Crédit Foncier à partir de février 2019. Après plusieurs plaintes auprès du courtier, de sa banque et sur plusieurs forums, cette cliente a constaté le déblocage des fonds fin mai, visiblement suite à l’action de la dénommée « Marie Dubois ».

« L’activité a été soutenue pendant cette période de transition et nous avons maintenant retrouvé notre rythme normal »

« L’activité a été soutenue pendant cette période de transition et nous avons maintenant retrouvé notre rythme normal » : sollicitée sur ce point, la communication du groupe BPCE fait donc amende honorable. En interne, un représentant syndical confirme la version d’importantes perturbations en voie de résolution. Et en expliquant la cause des difficultés à joindre le Crédit Foncier : « La gestion des encours de crédits aux particuliers existants est toujours logée dans la structure Crédit Foncier mais, dans les faits, la gestion est assurée par BPCE Solutions Crédit. Il y a eu des soucis de gestion de dossiers au moment du transfert vers BPCE Solutions Crédit, du fait d’un manque d’anticipation. » Ce représentant ajoute que BPCE Solutions Crédit a finalement dû mettre les bouchées doubles et, de façon très paradoxale, « BPCE Solutions Crédit a dû faire appel aux services des salariés du Crédit Foncier… »

Ceux qui auraient pu emprunter au Crédit Foncier…

Reste les orphelins, les emprunteurs qui étaient historiquement le cœur de cible du Crédit Foncier : les ménages modestes demandant un Prêt à l’accession sociale (PAS), les ménages refusant de domicilier leurs revenus dans la banque prêteuse, les investisseurs locatifs, etc. « Toutes les Banques Populaires et Caisses d’Epargne régionales ont repris les activités du Crédit Foncier », affirmait sans ambiguïté, fin mai, la communication du groupe BPCE.

Sur le terrain, sous couvert d’anonymat, plusieurs courtiers en crédit pointent un véritable décalage entre le discours officiel et la réalité : « Il n’y a pas de stratégie globale ! » entend-t-on de sources concordantes dans les réseaux de courtage : « Uniquement des initiatives locales », avec certaines caisses plus enclines que par le passé à accepter des prêts sur 30 ans, par exemple. Certains petits courtiers s’inquiètent d’ailleurs de la perte d’un acteur phare, qui leur permet souvent de trouver une issue à un dossier de financement en délicatesse. Ou pour financer l’investissement dans une SCPI non filiale d’un groupe bancaire.

« Nous aidions les ménages modestes à acheter leur maison ! »

Un élu syndical balaie l’idée d’une véritable continuité du financement des particuliers : « Ceux qui souffrent le plus, ce sont les constructeurs de maisons individuelles. Nous étions des interlocuteurs privilégiés des promoteurs, pour les prêts PAS et PTZ (Prêt à taux zéro). Les réseaux Banque Populaire et Caisse d’Epargne pratiquent ces prêts, en particulier le PTZ, mais pas dans les mêmes proportions que le Crédit Foncier. Et la clientèle modeste, qui a recours au prêt PAS, n’est pas celle qui intéresse le plus les réseaux traditionnels. » Cette source interne au Crédit Foncier reconnaît tout de même la reprise de « certains accords et partenariats » : « Mais cela ne signifie pas qu’ils acceptent autant de dossiers que nous le faisions ! Nous aidions les ménages modestes à acheter leur maison ! Contrairement aux idées reçues, ce ne sont pas les plus mauvais payeurs. La disparition du Crédit Foncier s’ajoute à celle du Crédit immobilier de France, et cela marque une détérioration de l’accès au crédit immobilier pour les plus modestes. Je ne vois pas qui va rendre le flambeau ! Le Crédit Agricole et la Banque Postale ? En partie mais, comme tous les réseaux traditionnels, ils sont exigeants. »

L’été dernier, après l’annonce de la disparition de l’enseigne, la composante constructeurs et aménageurs (LCA) de la Fédération française du bâtiment (FFB) avait rappelé que 20% des clients des enseignes de la LCA-FFB « ont un prêt au Crédit Foncier ». La disparition du dernier établissement spécialisé dans le crédit immobilier en France renforce ainsi un contexte défavorable aux particuliers ayant un projet dans le neuf, avec la disparition progressive de l’APL accession et du PTZ en dehors des grandes agglomérations.

Les effectifs du Crédit Foncier disséminés

Le Crédit Foncier comptait 2 400 salariés mi-2018. Plusieurs centaines de salariés sont toujours dans les effectifs du Crédit Foncier, puisque le groupe BPCE maintient l’activité de l’entité Crédit Foncier Immobilier, et les activités de financement corporate sont intégrées au groupe via la structure filialisée Socfim. Le reste des effectifs, soit près de 2 000 salariés ? « Environ 30% ont accepté une proposition de poste dans le groupe », répond un représentant du personnel. « Les 70% restants ? Des départs volontaires et en retraite. »