Votre banque, votre assureur ou votre conseiller financier peuvent-ils décider de fermer votre assurance-vie sans même vous consulter ? Oui, dans certaines situations...

Votre banque peut fermer votre compte courant, de son fait et sans avoir à apporter d'explication. Elle peut rompre votre contrat à condition qu'elle vous prévienne et respecte le préavis de 2 mois. Cette faculté de clôture d'un compte bancaire, sans l'accord du client, a notamment été médiatisée fin 2017 au moment de l'affaire « Le Pen-Société Générale » mais elle concerne une frange bien plus large de la population, cette thématique revenant par exemple régulièrement sur le forum cBanque.

Pour un compte bancaire, la problématique est relativement simple et les clients, s'ils ne parviennent pas à en rouvrir un ailleurs, peuvent s'en remettre alors au droit au compte. Mais quid des produits d'épargne, et du plus spécifique d'entre eux, l'assurance-vie ? La banque, l'assureur, ou tout autre distributeur (conseiller en gestion de patrimoine, courtier en ligne, etc.) peuvent-ils clôturer votre contrat sans votre accord ?

Clôturer sans explication ? Non !

Pas d'inquiétude : ni l'assureur ni le distributeur, banquier ou courtier, ne peuvent fermer votre assurance vie simplement parce qu'ils l'ont décidé ! « S'agissant des contrats d'assurance vie et de capitalisation, le code des assurances octroie au seul souscripteur un droit au rachat de son épargne, pouvant subir le cas échéant une pénalité dont le montant et la durée sont définis par la loi », confirme le service juridique de l'assureur Suravenir. Voilà pour le cas général.

« Nous ne pouvons pas fermer un contrat de façon unilatérale »

« Nous, courtier, n'avons aucun pouvoir sur ce point : nous ne pouvons pas fermer un contrat de façon unilatérale », confirme de son côté Yves Conan, directeur général de Linxea. « A ma connaissance, la procédure n'est envisageable que dans des cas rares et très particuliers. »

Cas de clôture n°1 : une dette conséquente au fisc

Quels sont donc ces cas, rarissimes, où l'assureur peut clôturer votre contrat ? Premier cas de figure : la réclamation du fisc, en cas d'avis à tiers détenteur (ATD) : « Il s'agit en pratique essentiellement de dettes fiscales faisant l'objet d'un recouvrement forcé de l'administration », résume Marie-Hélène Poirier, directeur juridique et fiscal de Swiss Life. « L'avis à tiers détenteur (ou la saisie, ou l'opposition à tiers détenteur) produit les effets d'un rachat total ou partiel du contrat d'assurance-vie et a ainsi pour objet d'en saisir la valeur de rachat, calculée au jour de la notification de l'acte (1). » Tout dépend donc du montant de l'ATD et du montant présent sur l'assurance-vie. Si l'épargne n'est pas suffisante, le rachat peut être total et le contrat clôturé.

Cas de clôture n°2 : ne pas répondre à Tracfin

Autre cas, nouvellement intégré dans le code des assurances et signalé par tous les assureurs contactés : si vous ne fournissez pas à votre assureur les informations réclamées concernant la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme (LCB-FT), des informations surveillées par la cellule spécialisée Tracfin. « Les organismes financiers sont tenus de mettre un terme à une relation d'affaires préalablement établie lorsqu'il sont dans l'impossibilité de satisfaire aux exigences d'identification, de vérification et de connaissance de la relation d'affaires ou à leur mise à jour », développe le gendarme du secteur banque-assurance, l'ACPR.

Un délai minimum de 3 mois pour répondre

Il s'agit d'une nouveauté, liée à un décret paru le 18 avril 2018 pour le secteur de l'assurance, et dont les dispositions sont applicables depuis le 1er octobre 2018. La résiliation de l'assurance-vie ne sera toutefois pas immédiate suite à cette non-communication comme le précise l'ACPR : elle n'intervient qu'à l'issue d'une série d'évaluations du risque et de vérifications des données clients, etc. L'assureur doit en outre mettre en garde le souscripteur de la possible résiliation et fixe un délai, de 3 mois minimum, pour obtenir les informations réclamées. « Dans l'intervalle, l'organisme d'assurance suspend les opérations liées au contrat », précise l'ACPR.

Cas de clôture n°3 : le non-paiement d'une prime

L'ACPR cite aussi le code des assurances qui prévoit la possibilité de résilier le contrat « en cas de non-paiement de prime ». La clôture de contrat pour non-paiement de prime concerne l'ensemble des contrats d'assurance et, à la lecture de la jurisprudence, s'applique à un nombre réduit d'assurances-vie : seulement la part très minoritaire de contrats prévoyant un engagement de versement, et dans le cas où l'assureur peut prouver que la prime est exigible.

Modifier des contrats défavorables aux assureurs ? Compliqué

Bilan : sauf si vous avez une large dette envers le fisc ou si vous refusez de répondre aux exigences de Tracfin, vous ne risquez pas de voir votre contrat d'assurance-vie clôturé à votre insu.

C'est d'ailleurs pour cette raison que les vieux contrats profitant d'un taux de rémunération minimum garanti à plus de 4% ou que les contrats « à cours connu » d'Aviva n'ont pu être clôturés par l'assureur. Celui-ci ne peut pas non plus modifier les caractéristiques du contrat de façon unilatérale. Tout dépend alors si le contrat est individuel ou collectif : dans le cas d'un contrat individuel l'assureur a besoin de l'accord du client-souscripteur pour modifier le contrat – via un avenant –, dans le cas d'un contrat collectif le client-adhérent peut en revanche subir une modification validée par l'association ou l'intermédiaire souscripteur du contrat.

Ce qu'il faut retenir

  • Dans l'immense majorité des cas, votre contrat ne peut pas être résilié sans votre accord !
  • L'assureur peut le clôturer dans quelques cas très spécifiques : refuser de livrer des informations relatives à la lutte contre le blanchiment, ne pas satisfaire un engagement de versement de prime, ou faire l'objet d'un avis à tiers détenteur de la part du fisc.
  • Votre assurance-vie ne peut pas, non plus, être modifiée sans votre accord si vous possédez un contrat individuel.

(1) Marie-Hélène Poirier précise toutefois : « Les droits des créanciers nantis ou délégataires priment, et sont donc préservés. »