Un amendement au projet de loi de finances rectificative pour 2013, adopté hier en commission des finances de l’Assemblée, propose de modifier les conditions d’accès au Livret d’épargne populaire (LEP), en substituant au montant de l’impôt sur le revenu le revenu fiscal de référence comme critère d’accès. Explications.

Cousin du Livret A et du LDD, le Livret d’épargne populaire est comme eux un compte défiscalisé, qui autorise les versements jusqu’à 7.700 euros. Son taux, réglementé, est égal au taux du Livret A, augmenté d’un demi-point. Soit actuellement 1,75% net.

Mieux rémunéré, le LEP attire pourtant beaucoup moins l’épargne des Français. Selon les statistiques monétaires de la Banque de France, son encours était de 49,5 milliards d’euros fin septembre 2013, à comparer avec les 235,6 milliards du Livret A (1) ou les 99,3 milliards du LDD à la même date. La raison en est simple : son accès n’est pas universel. En effet, seuls les contribuables non-imposables, ou ceux dont l’impôt sur le revenu (IR) est actuellement inférieur à 769 euros sont autorisés à le détenir. Mais cela pourrait bientôt changer.

Le revenu fiscal de référence, nouveau critère d’éligibilité

Un amendement présenté hier par le rapporteur général de la commission des Finances, le député PS Christian Eckert, et adopté dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2013, propose de modifier ce mode de fonctionnement. Ainsi, si le texte issu de la commission est voté en l’état par le Parlement, le critère d’éligibilité retenu pour ouvrir ou conserver un LEP ne sera plus un plafond calculé en montant d’impôt sur le revenu, mais en montant de revenu fiscal de référence (RFR). Tel que l’envisage le texte, ce nouveau plafond en RFR serait celui retenu actuellement pour pouvoir bénéficier d’une réduction de taxe d’habitation, soit 24.043 euros pour une personne seule.

Cette nouvelle règle s’appliquerait aux nouveaux LEP ouverts à compter du 1er janvier 2014. Pour les LEP existants, les deux plafonds (IR et RFR) co-existeraient, l’épargnant pouvant choisir celui qui lui est le plus favorable. L’amendement prévoit également de majorer de 4% le plafond actuel d’IR, qui n’a plus été réévalué depuis deux ans : son évolution est en effet indexée sur celle du barème de l’impôt sur le revenu, qui a été gelé en 2012 et 2013. Toujours dans l’éventualité où le texte est voté dans l'état, il passera donc au 1er janvier prochain de 769 euros à 800 euros.

Le LEP accessible à partir de 2.000 euros d’impôts ?

Selon Christian Eckert, cet amendement est une manière de contrebalancer, « en faveur de l’épargne des plus modestes », la réforme de l’assurance-vie, contenue également dans le collectif budgétaire et décrite dans l’exposé sommaire accompagnant l’amendement comme « favorable aux épargnants les plus aisés ».

De fait, la substitution de l’impôt payé par le revenu fiscal de référence comme critère d’éligibilité au LEP pourrait considérablement augmenter le nombre de contribuables y ayant accès, à tel point que la mesure peut étonner. Car, par son ampleur, elle rend sans objet la revalorisation à 800 euros du plafond d'impôt sur le revenu.

En effet, selon nos calculs, un célibataire qui paie en 2013 jusqu'à 2.027 euros d’impôts (somme qui correspond à un salaire mensuel imposable d’environ 2.225 euros) pourrait ouvrir un LEP. Ce seuil d’éligibilité passerait à 2.093 euros d’impôts pour un couple marié sans enfant (salaire mensuel imposable de 3.155 euros) et à 1.992 euros (salaire mensuel imposable de 3.975 euros) pour un couple marié avec deux enfants.

Si la mesure est adoptée, il est donc à parier que des transferts s’opéreront des livrets d’épargne fiscalisés vers ce LEP élargi. L’amendement prévoit d’ailleurs de compenser la perte de recettes fiscales prévisibles pour l’Etat par une taxe additionnelle sur le tabac.

(1) Hors Livret Bleu du Crédit Mutuel