A la suite du relèvement des plafonds de versement de l’épargne réglementée, le 1er octobre dernier, les épargnants français ont massivement puisé dans leurs livrets fiscalisés et leurs comptes à terme pour garnir leurs Livrets A et LDD. Un mouvement qui ne fait pas l’affaire des banques.

D’où viennent les 21,29 milliards d’euros supplémentaires déposés en octobre sur les produits d’épargne réglementée ? C’est la question posée par nombre d’observateurs depuis que la Caisse des dépôts a publié les chiffres record du Livret A et du Livret de développement durable (LDD). De l’assurance-vie ? Fausse piste. Contrairement aux craintes exprimées par le secteur bancaire, celle-ci n’a pas pâti, dans l’immédiat, de la hausse des plafonds de versement du Livret A (19.125 euros contre 15.300 précédemment) et du LDD (12.000 euros contre 6.000). Au contraire : sa collecte s’est nettement redressée en octobre, à 1,7 milliards d’euros.

Les statistiques monétaires mensuelles de la Banque de France montrent que ce sont surtout les livrets soumis à l’impôt qui ont servi de ressource. Ces « livrets B » ont subi en octobre une impressionnante ponction de 12,442 milliards d’euros soit, tout de même, l’équivalent de 6,4% de leur encours total. Le repli est d’une ampleur qui fera date : même en janvier 2009, alors que les nouveaux versements sur le Livret A avaient atteint des sommets (17,377 milliards d’euros) à la suite de l’ouverture de sa distribution à toutes les banques, la décollecte était restée limitée à 1,185 milliard d’euros.

Neuf mois de collecte anéantis

Cette fois, les livrets fiscalisés ont subi deux facteurs défavorables. Leur rémunération, d’abord, n’a cessé de diminuer ces derniers mois, pour atteindre un taux moyen de 1,85% brut en septembre 2012, à comparer aux 2,25% net du Livret A. Leur rendement, ensuite, va également subir un durcissement de la fiscalité : le projet de loi de finances, en cours d’examen, prévoit en effet la disparition du prélèvement forfaitaire libératoire (PFL), qui plafonnait jusqu’ici à 24% les prélèvements fiscaux sur les intérêts.

Ces deux arguments valent également pour les comptes à terme. Résultat : leur encours a diminué d’1,052 milliard d’euros en octobre. Autres victimes, les produits d’épargne logement. Le PEL, fiscalisé au-delà de 12 ans d’ancienneté, a perdu 495 millions d’euros ; le CEL, exonéré d’impôts mais faiblement rémunéré (1,50%), 989 millions d’euros. Là encore, le repli est sans précédent dans les statistiques monétaires de la Banque de France, qui remontent jusqu’en mars 1993.

Du coup, dans les banques de dépôts, des dents doivent certainement commencer à grincer. Elles avaient en effet déployé, ces derniers temps, de gros efforts commerciaux pour orienter l’épargne de leurs clients vers les livrets et les comptes à terme, dont 100% de la collecte reste à leur bilan quand 65% de celle du Livret A part à la Caisse des Dépôts. Et les résultats étaient là, avec des taux de croissance à deux chiffres depuis janvier 2011. Las : en un mois, c’est la collecte des neuf mois précédents qui a été anéantie : à 182,208 milliards d'euros fin octobre, l’encours des livrets fiscalisés a en effet quasiment retrouvé son niveau de la fin d’année 2011.